Le droit à un nouvel espoir

12 novembre 2015

Le droit à un nouvel espoir

« Ça c’est la couleur salade, à fond vert mais, si tu n’as pas de vert, tu le fais à fond jaune et rouge écarlate… » Non, il ne s’agit pas de légumes et encore moins de maraîchage, mais de teinture de bazin sur les hauteurs de Kati, ville garnison, à quelques encablures de Bamako. Ici vivent Zeinab Walet Amadou et trois de ses camarades. Ce 5 novembre, une équipe de la Division des Droits de l’Homme de la MINUSMA leur a rendu visite. Déplacées du nord, comme 102 autres femmes, elles ont été formées grâce à un projet de développement dit ‘’à impact rapide’’, financé par la MINUSMA, sur recommandation de la Division des droits de l’Homme. Le principe est simple: former et équiper 100 femmes à des activités génératrices de revenus. Pour certaines la teinture textile, et pour d’autres la transformation des produits locaux en jus et autres produits agroalimentaires.

 

A l’origine de ce projet, l’ONG ‘’Association Femmes battues’’ qui, depuis plusieurs années, vient en aide aux femmes en détresse. Très vite, la structure se retrouve submergée par les demandes d’assistance humanitaire de centaines de femmes affectées par le conflit de 2012 au Mali. Après avoir collecté des fonds et organisé des «Journées de solidarité», ne pouvant plus faire face à toutes ces sollicitations, l’idée d’apprendre à ces femmes à générer elles-mêmes des revenus, fait naturellement son chemin dans l’esprit des responsables de l’ONG.

Son Coordinateur exécutif projets et programmes, Lassine Mamadou Diarra, raconte: « On s’est dit, puisqu’on ne peut pas continuer à leur offrir cette assistance humanitaire, le minimum que l’on puisse faire c’est de trouver une formule pour qu’elles-mêmes soient insérées dans le circuit de production. C’est-à-dire qu’elles parviennent à mener une activité génératrice de revenus à partir de laquelle elles pourront au moins subvenir à leurs besoins minimums (…) pour au moins préserver leur dignité ». Mais la formation seule ne suffit pas. « Cela ne sert à rien de former quelqu’un et de le laisser seul avec une attestation. Mais si cette formation est soutenue par l’obtention du matériel indispensable à l’exploitation, cela permet d’être opérationnel immédiatement» souligne Monsieur Diarra.

 

Elles seront finalement 106 femmes à bénéficier de ce projet, 52 dans le domaine de la transformation de produits, et 54 dans celui de la teinture dont Zeinab, la quarantaine, mère de 5 enfants et autrefois ménagère à Bourem dans la région de Gao, le large sourire qu’elle arbore en dit long sur sa personnalité: une battante! Désormais teinturière, c’est avec passion qu’elle explique l’art de la teinture: « Après avoir mis la couleur sur l’habit, on le transporte et on le met dans une autre bassine. Quand on met l’habit dans l’eau, on met un peu de poudre d’OMO (lessive: ndlr) pour laver très proprement. Après on rince et on met la gomme (gomme arabique: ndlr), l’indigo et à la fin tu étends le tissu pour qu’il sèche! ».

 

C’est pour fuir l’insécurité résiduelle qui perdure dans la région de Gao qu’en juin 2014, elle a quitté Bourem où elle faisait du petit commerce, pour se réfugier à Bamako. Lorsqu’on lui demande si elle a pu écouler ses produits ces derniers jours, elle répond modestement: « Bon, vraiment je ne me plains pas beaucoup, parce que j’ai pu les placer quand-même, dans des sortes de tontines où les clients payent par tempérament, à la semaine et au mois. Donc ça va d’autant que toute la marchandise est placée».

A voir et entendre Zeinab et les autres teinturières du projet, l’avenir est pour le moins prometteur. Organisées, elles ont un modèle économique clair, qui inclut épargne, investissement et expansion. « Oui, un jour j’aimerais bien ouvrir un atelier de couture pourquoi pas. Vendre à Bamako, à Gao et aussi dans la sous-région ouest africaine, c’est possible! »

 

Des réponses concrètes

 

Un projet financé par la MINUSMA sous le parrainage de sa Division des droits de l’Homme. Le contraste est difficile à saisir, car à la place, on aurait plutôt pensé à l’Unité Genre ou encore celle chargée de la Protection des Femmes. Mais pour Arnaud Royer, Adjoint au Directeur de la Division, « les droits de l’Homme, ce n’est pas uniquement faire du monitoring et écrire un rapport. C’est aussi apporter une réponse. Désormais, il y a un grand changement au sein de l’équipe des droits de l’Homme et de la MINUSMA dans son ensemble : c’est vraiment apporter une réponse concrète pour les populations maliennes. Ce projet s’inscrit dans ce cadre-là, de grands changements d’attitudes et d’approche vis-à-vis de femmes qui au quotidien rencontrent des difficultés suite aux violations de droits de l’Homme dont elles ont été victimes».

 

Certes Zeinab est un bel exemple. Mais combien de victimes sont-elles à n’avoir pas le droit à un nouvel espoir? Probablement des milliers. C’est pourquoi ce panel de 106 bénéficiaires a été constitué selon des critères précis liés à la vulnérabilité: la majeure partie étant des veuves avec des enfants à charge. La portée de ce projet est donc très large. « Nous avons calculé qu’avec ce petit projet qui touche directement une centaine de personnes, ce sont un peu plus de 500 qui en bénéficieront indirectement, » a précisé Arnaud Royer.

 

Maintenir la paix passe nécessairement par la possibilité pour chacun d’être autonome et de vivre décemment. Ce principe cher aux Nations Unies est matérialisé au Mali par ces Projets à impact rapide de la MINUSMA.