Forum de Bamako - Mots de clôture du Chef de la MINUSMA, 20 mai 2023

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22 mai 2023

Forum de Bamako - Mots de clôture du Chef de la MINUSMA, 20 mai 2023

Je vais être bref.

Je voudrais tout d’abord dire un grand bravo à notre frère Abdoullah Coulibaly et à son équipe pour la parfaite organisation de ce Forum. Ils nous ont donné, à tous, l’opportunité d’échanges approfondis sur une thématique plus actuelle que jamais ici au Mali mais aussi dans le reste de la région, celle du développement local.

On ne le soulignera jamais assez - le combat pour la sécurité et la paix au Sahel est d’abord et avant tout un combat pour le développement et pour le bien-être des populations, un combat contre la marginalisation et l’exclusion, notamment celle des jeunes. Sans évidemment sous-estimer l’importance de l’échelle nationale - j’y reviendrais, c’est en partant du niveau local que nous pouvons le mieux mobiliser les énergies des populations, canaliser leur créativité, pour les mettre au service du bien commun.

Souvent, et le Sahel en est l’exemple type, ce sont autour de conflits de terroir - sur le foncier, l’accès à l’eau, les parcours de transhumance et j’en passe - que se nouent les incompréhensions, les litiges dont profitent des acteurs politiques locaux divers pour faire prospérer des agendas qui sont aux antipodes de l’intérêt collectif. C’est aussi ce terreau qu’exploitent les entrepreneurs de la violence - jihadistes de tous poils, organisations criminelles, milices - qui écument la région et sont devenus le cauchemar de millions de ses habitants.

Le niveau local est celui où se manifeste concrètement, pour le meilleur ou pour le pire, l’autorité de l’Etat, mais également celui où son absence, notamment dans les confins frontaliers, se donne à voir dans toute sa plénitude, sans filtre aucun.

C’est dire que le niveau local est à investir - je veux dire par là qu’il doit être un espace, un site d’action privilégié pour l’Etat. C’est ici - par le comportement de ses agents, les services publics qu’ils offrent, la bienveillance et la compassion qu’ils montrent ou, à l’inverse, par la distance qu’ils développent avec leurs administrés, la violence physique ou symbolique qu’ils infligent et leur corruption - que l’Etat gagne ou perd ses lettres de noblesse, c’est ici qu’il établit sa légitimité ou l’érode pour ne pas dire la réduit à néant.

Ce qui précède m’amène à faire trois remarques en guise de conclusion.

Premièrement, la nécessité, je vais dire l’impératif catégorique, pour reprendre une expression du philosophe Emmanuel Kant, d’un écosystème qui encourage, favorise les initiatives locales et leur éclosion, mais aussi permette de les fédérer pour en faire les multiples affluents qui alimenteront le grand fleuve du développement et de la stabilité.

Deuxièmement, le développement local est aussi une affaire de coopération transfrontalière, pour favoriser la synergie entre terroirs séparés par des lignes artificielles. La convention de l’UA sur la coopération transfrontalière, connue sous le nom de convention de Niamey, offre un cadre idéal à cet égard.

Troisièmement, et enfin, le développement local ne peut être dissocié de la problématique globale de la gouvernance au niveau national. Le premier ne peut prospérer en l’absence du second. Oui il faut investir, investir fortement, dans le développement local, mais il faut aussi améliorer la gouvernance nationale - l’inclusion, la lutte contre la corruption, la promotion et le respect des droits de l’homme - et le faire avec l’urgence qu’imposent les défis de l’heure.

La MINUSMA et les système des Nations unies sont fiers d’avoir été associés à la tenue de ce Forum, et nous sommes disposés à appuyer la prochaine édition. Je ne voudrais pas trop m’aventurer sur le thème sur lequel il pourrait porter, même si j’ai quelques idées là-dessus.

Je n’ai pas tenu ma promesse de brièveté. Mais comment pourrais-je le faire sur un sujet d’une si brûlante actualité, un sujet dont le traitement adéquat déterminera, pour les décennies à venir, le futur de dizaines de millions de personnes.

Je vous remercie de votre patiente écoute.