Mali Jakura : une invite à l’union sacrée pour la cohésion sociale et la paix au Mali

12 octobre 2022

Mali Jakura : une invite à l’union sacrée pour la cohésion sociale et la paix au Mali

Depuis le 19 août 2022, les œuvres d’artistes photographes et plasticiens, sillonnent le Mali à travers l’exposition itinérante « Mali-Jakura, promouvoir les industries culturelles et créatives pour renforcer la paix et la cohésion sociale au Mali ». Placée sous le thème : « l’art, vecteur de résilience, de paix et de cohésion sociale », cette initiative de la Maison africaine de la photographie est soutenue entre autres par la MINUSMA. Le 7 octobre, au cours d’un vernissage, l’Opération de paix des Nations unies l’a accueilli dans son Quartier général à Bamako.

Tombouctou ainsi que Ségou et Gao doivent très prochainement accueillir cette exposition. Après Mopti, où elle a fait partie des célébrations de la fête nationale du Mali, elle prend ses quartiers à Bamako avec pour première étape le siège de la MINUSMA.

Élaboré en collaboration avec le Syndicat national des professionnels des métiers de l’image et du son au Mali (SYNAPROMIM) et de l’Union des artistes plasticiens du Mali (UAPM), ce projet ambitionne, « de promouvoir la culture de la paix, la cohésion sociale et la résilience des artistes, à travers la sensibilisation et l’éducation des populations, surtout les jeunes aux valeurs sociales, au dialogue interculturel, et au vivre ensemble, » comme l’a expliqué Tidiane SANGARÉ, Directeur général de la Maison africaine de la photographie, à l’origine de ce projet. Des propos auxquels ont fait échos ceux du Représentant de l’UNESCO au Mali, Edmond MOUKALA qui a souligné l’utilisation des valeurs ancestrales du Maaya (concept Bambara « d’humanitude ») et du Dambé (ensemble de valeurs identitaires) propres au Mali, comme sources principales d’inspiration pour la réalisation des créations présentées.

Inspiré par le quotidien pour unir cœurs et esprits

Ces 52 œuvres de 24 jeunes auteurs sont des représentations des valeurs de solidarité, de pardon et de tolérance dans la vie quotidienne au Mali. Les emblématiques mosquées de Djingareyber, de Djenné et de Mopti, des représentations d’activités socio-économiques du pays, comme la pêche et l’élevage ou bien encore la fraternité entre peuhls et dogons, imagée par un contrejour de deux silhouettes en habits traditionnels se donnant la main, telles sont quelques-unes des « pépites » de cette exposition. Cet ensemble de pièces d’exception, « invite à l’union sacrée pour la paix », sont loin d’avoir laissé les visiteurs indifférents, raffermissant l’espoir chez nombre d’entre eux. « J’ai ressenti une émotion très forte qui m’a vraiment fait vibrer, surtout quand je vois les crépissages des mosquée de Djenné et Mopti ; la pêche collective ; les silhouettes du dogon et du peuhl : c’est ça le Mali réel, » a confié Hamane Demba CISSÉ, Secrétaire général du ministère de la culture, avant d’ajouter : « Du début à la fin de cette exposition, on ne parle que de la cohésion et de la paix, comme pour dire que l’aspiration profonde de tous les Malien(ne)s c’est vraiment la paix et la cohésion et cela veut dire que le dialogue n’est pas interrompu et cette paix et cette cohésion peuvent venir ».

Abdoul Karim DIALLO, l’un des jeunes photographes du projet a proposé un cliché qui met en lumière le génie malien. Au-delà de la technique de teinture du bazin[1], sa photo raconte l’histoire de ces jeunes artisans qui ont trouvé un moyen de continuer à vivre de leur art en peignant directement sur cette étoffe si prisée des Malien(ne)s. « Au plus fort de la crise, nous explique le photographe, ces jeunes artisans ont pu, avec cette technique, se recréer un emploi ». La résilience, là réside l’autre but de cette impressionnante mobilisation de talents.

Un partenaire stratégique qui soutient la paix et accompagne des acteurs résilients

« Le Mali est en crise - les signes sont visibles partout, tragiquement visibles hélas - mais tout n'est pas que crise au Mali. Dans ce Mali en crise, il y a des talents, des gens qui innovent, des gens qui créent, des gens qui, au quotidien, essaient de compétir au niveau mondial et arrivent à se hisser parmi les meilleurs. Et les artistes maliens sont assurément parmi les meilleurs talents au monde ». C’est entre autres avec ces mots, devenus leitmotivs, que le Chef de la MINUSMA a accueilli ses invités, prestigieux et prometteurs artistes et acteurs culturels au sein de la MINUSMA. Pour El-Ghassim WANE, leur rôle pour le retour à la paix et à la stabilité n’est plus à démontrer : « Ce talent, cette capacité à innover et à créer constituent une ressource immense qui doit être exploitée pleinement, un formidable levier qui doit être activé de toutes les manières possibles dans la quête de la paix, de la réconciliation et du relèvement. C’est la raison pour laquelle la MINUSMA a appuyé cette initiative et a décidé de renforcer sa collaboration avec les acteurs de la culture ». Un engagement de la Mission onusienne que salue le Secrétaire général du ministère de l'Artisanat, de la Culture, de l'Industrie hôtelière et du Tourisme. Ainsi, Hamane Demba CISSÉ rappelle qu’au-delà de cette exposition photo, « la MINUSMA accompagne le département en charge de la culture dans beaucoup de ses projets pour la promotion de la culture et pour la valorisation des industries culturelles. Elle (la MINUSMA) joue un rôle extrêmement important dans le développement de la culture et est actuellement un partenaire stratégique du département en charge de la culture ».

Pour M. WANE, si la présence de cette exposition dans les murs de la Mission « permettra aussi à notre collectivité onusienne de s’imprégner encore davantage d’une autre facette du Mali, celle qui fait parler la beauté, » il est aussi important de saluer la véritable résilience des artistes de ce pays. Ainsi, le soutien de l’ONU à la culture malienne, y compris dans le cadre de cette exposition, va aussi directement à ses acteurs. « Je me dois d’ajouter que l’évènement qui nous réunit ici aujourd’hui est aussi une exposition-vente qui vise à renforcer la résilience des artistes. La pandémie de Covid-19 et la crise sécuritaire ont sérieusement affecté les industries créatives dans le monde entier et le Mali ne fait pas exception, » a-t-il rappelé.

Dans le registre de la résistance des acteurs et actrices culturels face aux différentes crises se trouve en bonne place le site AGANSI.com. Agansi qui signifie en bambara « diffuses/propages » comme le faisait le griot ou le crieur public autrefois, propose au reste du monde un accès digital à a création artistique malienne. Pour sa fondatrice, Massira TOURÉ, il va bien au-delà du simple catalogue : « C’est à la fois une plateforme d’exposition et une plateforme de vente des œuvres des artistes africains ». Née en 2017, le site était plus fréquenté par les internautes du reste du monde que par ceux du Mali. Pour pallier cela et accompagner les artistes maliens, Agansi a établi en 2020 une galerie à Bamako. Là-bas, les œuvres proposées sur la toile y sont physiquement exposées mais pas seulement. « Nous donnons des cours de peinture aux amateurs et nous y faisons également des résidences d’art. C’est un lieu qui réunit les amoureux d’art et qui permet de mieux vulgariser les œuvres des artistes, » précise Mme TOURÉ. L’exposition Mali Jakura est d’ailleurs disponible en ligne grâce à Agansi.com (https://agansi.com/exposition-mali-jakura/)

C’est aussi ce lieu qui a reçu le 8 octobre le Représentant spécial El-Ghassim WANE pour une discussion avec des acteurs culturels dénommée « le Grin des Artistes », sur leurs défis et opportunités ainsi que les voies et moyens pour une collaboration renforcée avec la MINUSMA au service de la paix au Mali. Au Mali, un « grin » est un lieu de rencontre, de distraction, d'échanges, de personnes de la même classe d’âge. Habituellement, elles se réunissent autour d’un verre thé pour débattre du sujet du jour. Une autre initiative pour poursuivre l’accompagnement de ces acteurs majeurs de la paix par la MINUSMA. Elle vient s’ajouter aux partenariats noués avec le Festival de Ségou, Ségou Art’ ou encore, la Biennale de la Photographie.


[1] Pièce de coton teintée artisanalement. Elle est une spécialité des teinturières maliennes dans toute la sous-région ouest africaine et au-delà.