Point de presse des Ambassadeurs Co-présidents du Conseil de sécurité en mission au Mali les 22 et 23 mars 2019

28 mars 2019

Point de presse des Ambassadeurs Co-présidents du Conseil de sécurité en mission au Mali les 22 et 23 mars 2019

François Delattre, Ambassadeur de la France au Conseil de sécurité des Nations Unies

Merci à tous de votre temps, permettez-moi de commencer au nom de l’ensemble des membres du Conseil de sécurité, par exprimer nos condoléances les plus sincères et notre sympathie la plus profonde aux familles et aux proches des victimes qui ont péri aujourd’hui dans cette attaque terrible à Ogossagou Peulh dans la région de Mopti. En exprimant également ces condoléances et cette sympathie à l’ensemble du peuple malien, au Gouvernement de ce pays et encore une fois avec nos pensées les plus profondes pour tous les proches de ces victimes. Nous condamnons naturellement dans les termes les plus fermes cette attaque inqualifiable et les amis du Mali, tous les amis du Mali et là je m’exprime à la fois au nom de la France et au nom du Conseil de sécurité, pleurent avec l’ensemble des maliens, les victimes de ce drame indicible.

Je voudrais également en introduction de ce bref propos adresser mes chaleureux remerciements au Représentant spécial Annadif pour la chaleur et la qualité de son accueil, lui redire aussi dans ces épreuves, combien nous sommes avec lui, à ses côtés et aux côtés bien sûr du Mali et du peuple malien.

Mesdames et messieurs, nous avons lors de cette visite particulièrement dense veiller à rencontrer l’ensemble des acteurs maliens, le Président de la République, le Premier ministre et les membres du Gouvernement, les membres de l’opposition, la société civile à travers notamment des associations de femmes. Nous avons eu également une réunion du Comité de suivi de l’Accord qui était particulièrement importante associant également les membres du Gouvernement, la Coordination, la Plateforme, les partenaires concernés. Nous avons eu par ailleurs des rencontres avec les différentes présences de sécurité au Mali et au Sahel qui ont été particulièrement utiles. Naturellement, le programme est à votre disposition.

Quel est le contexte de cette visite sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la Réconciliation ?

Notre objectif était de faire le point sur l’état de mise en œuvre de l’Accord et notamment des mesures prioritaires telles qu’identifier dans le dernier mandat de la MINUSMA, cela six moi après les élections et trois mois avant le renouvellement du mandat de la MINUSMA. Nous sommes par ailleurs à quelques jours d’une réunion ministérielle importante du Conseil de sécurité qui se tiendra le 29 mars sous la présidence de notre Ministre des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian qui sera l’occasion justement de prendre des orientations ou décisions importantes sur l’avenir de l’engagement de l’accompagnement international au processus de paix malien et sur le futur de la MINUSMA.

Cette visite importante ici se situe au cœur d’une séquence et particulièrement dense avec un message central de notre part que nous avons décliné sur tous les tons auprès de nos différents interlocuteurs, la nécessité et l’importance de donner un nouvel élan dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et la nécessité d’accélérer les différents volets de cette mise en œuvre.

Nous avons dans ce cadre avec mes collègues du Conseil de sécurité saluer les progrès importants qui ont été réalisés depuis le renouvellement du Mandat de la MINUSMA en juin dernier, nous avons mentionné notamment la tenue de l’élection présidentielle dans des conditions pacifiques, la poursuite du processus de décentralisation, le lancement d’un processus de DDR ou encore l’adoption d’un décret des critères d’intégration. Nous avons également saluer le fait que ces premières avancées, ce début de dynamique résultent de l’engagement renouvelé des parties maliennes en faveur de la mise en œuvre de l’Accord au lendemain de la signature du Pacte pour la paix, résultent de la mobilisation quotidienne de ces différents acteurs à commencer par le Premier ministre, le Ministre Bouaré mais aussi tous les autres acteurs concernés et puis résultent de la mise en place d’un cadre international d’accompagnement du processus de paix articulé autour de différents outils, j’y reviendrai parmi lesquels la Résolution 2423 qui a établi des benchmarks très clairs, la création de l’Observateur Indépendant ou encore le régime de sanction.

Nous avons également au nom du Conseil, marqué des attentes fortes qui sont celles de la Communauté internationale près de quatre ans après la signature des Accords d’Alger. Je relève d’ailleurs que c’est la quatrième mission du Conseil de sécurité au Mali depuis 2013, pour ce qui me concerne, la troisième que j’ai le privilège d’effectuer dans ce pays.

Le Conseil à travers nos voix a clairement exprimé lors de nos différentes réunions et lors du dernier renouvellement du mandat de la MINUSMA où il a inscrit clairement, qu’il ne concevait la poursuite de l’engagement exceptionnel de la Communauté internationale dont bénéficie le Mali que dans le cadre d’une réelle dynamique dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. De ce point de point de vue, nous avons regretté au cours de nos échanges amicaux toujours, que plusieurs des mesures prioritaires identifiées par la Résolution 2423 n’aient pu être mises en œuvre avant l’échéance de mars, je pense notamment à l’intégration effective de mille combattants au sein des FAMas, à l’opérationnalisation des autorités intérimaires ou encore à l’établissement d’une zone de développement spécifique dans le nord. C’est l’objet de notre message et encore d’un nouvel élan, d’une accélération dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation.

Il existe à nos yeux, c’est un message que nous avons passé,  un besoin de priorisation de la mise en œuvre des principales dispositions de l’Accord, des principaux points sur lesquels sont des avancées attendues de manière urgente et il y en a plusieurs naturellement sont pour ne mentionner que deux d’entre-deux : le processus de révision constitutionnelle après la tenue de consultations indispensables et la définition d’un plan global assorti d’une échéance précise pour le redéploiement des FAMas reconstitués au nord du Mali.

Bref, une dynamique positive ou un début de dynamique positive mais qui doit s’inscrire dans la durée et aborder les questions de fond que sont la décentralisation, la mise en place d’une armée reconstituée et le développement du nord du pays.

La MINUSMA et je tiens à le souligner en rendant à nouveau hommage au Représentant spécial Annadif, est un élément clé du dispositif international au Mali, qui est complémentaire de l’action des forces déployées dans le cadre de l’Opération Barkhane et là je parle pour la France, mais aussi des efforts des pays de la région dans le cadre de la Force conjointe du G5 Sahel, j’y reviendrai dans un moment.

Je voudrais souligner combien la réunion du CSA a été utile, elle nous a permis d’avoir un échange je trouve et sous le contrôle de mes collègues, de grande qualité, de rappeler aussi de fortes attentes qui sont celles de la Communauté internationale à l’égard des parties maliennes. Elle nous a permis aussi cette réunion du CSA comme l’ensemble des réunions que nous avons eu la forte volonté commune, je dis bien la forte volonté commune du Gouvernement comme des groupes, à avancer très rapidement dans la mise en œuvre des mesures attendues. Cette détermination commune m’a frappé et a frappé l’ensemble de nos collègues. Dans ce cadre, j’ai proposé au nom du Conseil de sécurité lors de cette réunion du CSA, la présentation dès que possible d’une nouvelle feuille de route réaliste, contraignante et centrée sur un nombre de priorités limitées pour nous permettre encore une fois d’aller de l’avant.

Enfin car je ne veux pas être trop long, je veux laisser mes collègues parler, nous avons beaucoup insisté avec nos collègues sur le fait que oui la Communauté internationale à travers le Conseil de sécurité est aux côtés du Mali, aux côtés de tous les maliens et je le dis encore avec plus de force en ce jour de grande tristesse pour nous tous et j’ai rappelé les différents outils que je viens de le dire à l’instant qui étaient à notre disposition pour aider le Mali.

Un mot sur le G5 Sahel avant l’étape du Burkina Faso, qui était l’autre objet de notre mission, c’est de faire le point sur l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel et de discuter des moyens de renforcer l’efficacité des outils mis en place par le Conseil de sécurité pour soutenir cette force. Nous sortons d’un échange de très grande qualité avec le Commandant de la Force du G5 sahel, le Secrétaire permanent qui était là, notre ami Mahamane Sidikou ainsi que les Ministres des Affaires Etrangères du Mali et du Burkina Faso parmi d’autres participants.

Nous avons à cette occasion salué la relance récente des opérations de la Force conjointe du G5 Sahel, nous avons salué les progrès réalisés dans la mise en en place du cadre de conformité en matière de droit de l’homme et la composante de police sont des éléments importants et qui sont de bonnes nouvelles.

Dans le même esprit, le Conseil de sécurité a renouvelé son intention déjà exprimée de rediscuter du soutien international à la Force une fois que celle-ci serait pleinement opérationnelle et que les premiers résultats seraient obtenus, nous y sommes aujourd’hui sur la base des indications très pertinentes qui nous ont été formulées par le Commandant de la Force du G5 Sahel et par également le Représentant spécial ici présent. Nous souhaitons examiner en lien avec les autres membres du Conseil de sécurité et dans le cadre de la démarche très coopérative qui a été menée jusqu’ici, une adaptation de l’Accord technique que vous connaissez, pour le rendre plus adapter aux besoins. En un mot, il s’agit de garder cet accord technique qui est un outil de grande qualité et de s’assurer que ses modalités sont bien adaptées encore aux besoins du terrain et à l’évolution de la menace. Et là aussi le calendrier nous serre puisque nous aurons dans quelques jours le 28 mars une réunion ministérielle qui se tiendra à new York sur la Force conjointe qui sera à la fois l’occasion de poursuivre cette discussion et de préparer le rapport du Secrétaire général des Nations Unies ainsi que le briefing du Conseil sur la Force conjointe qui est prévu en mai. Notre ministre, le ministre français des Affaires Etrangères, Jean Yves Le Drian serra à New York pour présider cette réunion importante. La visite a été d’une particulière densité. Elle est marquée par le drame qui a frappé le Mali aujourd’hui et qui nous rend tous profondément solidaires de ce pays, de son peuple à commencer bien sûr par les familles des victimes.

Kacou Houaja Léon Adom, Ambassadeur de la Côte d’Ivoire au Conseil de sécurité des Nations Unies

Vous aurez remarqué que nous n’avons rien fait pour arrêter notre ami et frère François dans sa présentation liminaire, parce que nous souhaitions qu’il dise exactement ce que nous sommes venus faire et ce que nous avons fait. Nous avons aussi noté les attentes du peuple malien dans sa grande diversité vis-à-vis du Conseil de sécurité. Nous repartons à New York enrichis de tout ce que nous avons vu et tout ce que nous avons entendu. Du reste, c’était l’objet de notre visite, être sur le terrain, toucher du doigt les réalités, comprendre ce pays que nous aimons tous et retourner à New York pour voir ensemble avec toutes les parties engagées, qu’est-ce que nous devons faire pour que les choses aillent vite et je crois que   François de ce point de vu, vous a dit exactement ce qu’il fallait faire et que nous pouvions faire et ce qui pourrait être fait dans les jours et les mois à venir. Je ne vais donc pas reprendre tout ce qu’il a dit, mais je voudrais simplement dire combien nous sommes heureux d’être à Bamako. Il a présenté au nom de toute la délégation nos condoléances les plus émues en relation avec ce qui s’est passé ce matin qui est un acte de barbarie inqualifiable.

Christoph Heusgen, Ambassadeur de l’Allemagne au Conseil de sécurité des Nations Unies

Je voudrais également commencer par présenter les condoléances les plus profondes du peuple et du gouvernement allemand suite au drame qui a eu lieu aujourd’hui au Mali. Le peuple allemand se sent très proche du peuple malien. L’Allemagne a été le premier pays à reconnaitre le Mali après son indépendance. Nous participons au maintien de la paix à travers la MINUSMA, nous participons à l’opération EUTM. Nous investissons beaucoup dans ce pays. Je voudrais aussi pour ma part, adresser mes remerciements pour l’accueil chaleureux que nous avons connu hier et aujourd’hui. Le Mali est confronté à des défis extraordinaires et pour les relever, une réponse militaire ne suffit pas. Comme exprimé aujourd’hui par l’un de nos interlocuteurs, il faut un contrat social avec la population. En ce qui concerne les actions du Gouvernement, il faut premièrement, mettre en œuvre l’Accord de paix et de réconciliation, mais il faut en général, ce qu’on appelle la bonne gouvernance. Je pense que c’est absolument important que dans les actes du Gouvernement qu’il y est le respect des droits de l’homme, le respect de la liberté démocratique, il faut lutter contre la corruption, il faut une participation des femmes dans tous les processus politiques. Il y a la nécessité d’une mise en œuvre totale de la loi 052. Il faut également la participation des femmes dans toutes les instances de discussions y compris le CSA. Il faut que toute la violence sexuelle dans le cadre du conflit cesse et que les responsables de ces actes ne restent pas impunis.  Il faut rouvrir les écoles, parce que si on laisse les enfants trainer dans la rue, ils peuvent tomber entre les mains d’autres organisations extrémistes. Il ne faut pas absolument perdre une génération. Il faut enfin créer des emplois pour la population. Un dernier point que je voulais aborder, c’est le changement climatique. On a eu une présentation des effets du changement climatiques et je pense qu’il faut vraiment faire beaucoup plus dans ce sens. Il faut faire des efforts dans ce cadre de la résilience où l’Allemagne soutient également le Gouvernement malien. Je renouvelle mes remerciements à l’ensemble de nos interlocuteurs du Mali et du G5 Sahel.  

Mahamat Saleh Annadif, Représentant Spécial du Secrétaire général, chef de la MINUSMA

Je voudrais dire merci aux membres du Conseil de sécurité qui une fois de plus, nous rendent visite ici au Mali. C’est dire l’importance que la Communauté internationale accorde à ce qui se passe au Mali. Mais cette visite comme beaucoup l’ont dit se déroule à un tournant en ce sens que depuis le mois de juin 2018 où la résolution 2324 a été prise, les élections se sont déroulées, je ne vais pas parler d’ultimatum, mais un avertissement nous a été donné et nous l’avons senti à travers la frustration, à travers l’impatience que les membres du Conseil de sécurité ont exprimé à travers la résolution 2423 et qui ont demandé au Secrétaire général de leur présenter un rapport six mois après l’investiture. Le rapport sera présenté le 29 de ce mois. Que le Conseil de sécurité prenne la peine de venir évaluer de lui-même de visu l’évolution de la situation, avant de partir discuter du rapport du Secrétaire général, c’est une bonne chose en notre sens. Aussitôt avant leur arrivée, vous le savez tous, après les élections, nous avons vécu une crispation, ils viennent au moment où il y a une décrispation sur le plan politique. Nous osons tout simplement croire que cette décrispation politique va aboutir sur un consensus qui permettra à ce que le reste des points du paragraphe quatre dont a parlé l’Ambassadeur de France, puisse être exécuté dans de bonnes conditions parce que le Conseil de sécurité va discuter au mois de juin prochain le Mandat ou le renouvèlement du Mandat de la MINUSMA. Il est extrêmement important que des progrès sensibles puissent être opérés. Ce qui s’est passé ce matin nous rappelle que les défis restent malheureusement nombreux. Au niveau de la MINUSMA c’est avec beaucoup de consternation que nous avons appris que des attaques ont été perpétrées ce matin au village d'Ogossagou-Peulh, dans le cercle de Bankass dans la région de Mopti. Nous condamnons fermement de telles attaques perpétrées contre des civils qui auraient coûté la vie à plus de 100 personnes dont des femmes et des enfants.

Face à ce drame inqualifiable, personnellement en tant que Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali, j’en appelle d’abord à la cessation de la spirale de la violence. De même dans le cadre de notre mandat de protection des civils, dès que nous avons appris l’information, une force de réaction rapide de la MINUSMA a été aussitôt déployée sur les lieux de l’incident. De même, des mesures pour évacuer les blessés vers Sévaré ont été prises.

Nous nous tenons prêts à soutenir le Gouvernement du Mali pour toute action en vue d’apaiser la situation tout comme en tant que Représentant spécial du Secrétaire général, je lance un appel aux autorités maliennes de diligenter une enquête afin que justice soit faite et que les auteurs de ces atrocités répondent de leurs actes. Evidemment je me permets et je présente mes condoléances attristées aux familles des victimes, au Gouvernement et au peuple malien ainsi que mes vœux de prompt rétablissement aux nombreux blessés dont nous avons déjà évacué une bonne partie à Sévaré.

Questions -réponses

Coralie Pierret, RFI : vous l’avez rappelé, aujourd’hui on dénombrait plus de cent morts, des civils principalement. Le programme DDR inclue dans l’Accord de paix ne concerne pas le Centre, est ce qu’il est prévu lors de la révision du Mandat de la MINUSMA, davantage d’efforts pour gérer cette situation de plus en plus préoccupante ? Et si non comment gérer cet embrasement ?

François Delattre

Merci pour votre question. Peut-être deux ou trois éléments de réponse sur ce sujet. Le premier pour indiquer que dans le cadre de la résolution 2423, la question du Centre est désormais partie intégrante du mandat et que la MINUSMA a pour mission d’apporter son soutien aux responsables maliens pour tout ce qui concerne notamment (pas uniquement) la protection des civils. Donc le sujet n’est pas naturellement évacué je comprends parfaitement votre question. Ce que je peux vous dire aussi c’est que dans le cadre de nos discussions aujourd’hui, du début à la fin avec à la fois les autorités du Gouvernement, le CSA, l’opposition, la société civile (extrêmement intéressantes les discussions avec la société civile), la question de la situation au centre a été naturellement au cœur de nos discussions. Là aussi je crois que le message unanime qui nous est revenu de différents acteurs que nous avons vu, est de souligner combien il est essentiel de briser cette dynamique négative entre les différentes communautés et de tout faire pour essayer de recréer un cercle vertueux. Le message que j’en retiens, non pas le mien mais celui qui est ressorti de nos discussions d’aujourd’hui, c’est que le chemin de la paix passe par une vraie réconciliation.  Et de ce point de vue, c’est vrai, la situation au centre a été au cœur de nos entretiens d’aujourd’hui et au cœur aussi de nos préoccupations et de nos priorités pour l’avenir. En parlant en tant qu’Ambassadeur de France, on sait tous que la solution, l’issu, le succès de notre démarche n’est pas seulement militaire, il est aussi politique, il est lié au développement, ce qu’on appelle en France les trois D qui doivent s’articuler Défense-Diplomatie-Développement pour traiter pas simplement les symptômes mais les causes profondes des crises et pour appuyer les solutions politiques viables sans lesquelles on sait tous qu’il n’y a pas de stabilisation et de développement durable.  Encore une fois, le chemin de la vraie paix durable à laquelle nous aspirons, passe par la réconciliation.

Mahamat Saleh Annadif 

Je voulais juste préciser ce qu’on appelle DDR, concerne les mouvements signataires qui sont parties prenantes de l’Accord pour la paix. Ce qui se passe au Centre découle de programmes intégrés de sécurité des régions du Centre que nous MINUSMA, nous Nations Unies appuyons à travers ce qu’on appelle le programme de réduction de la violence communautaire. Nous l’appuyons dans ce cadre mais ce n’est pas à proprement parlé, un DDR qu’il faut confondre avec ce qui se passe en application de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Questions :

Vincent Tiendrebeogo, Radio Television Burkinabe (RTB)

Pour opérationnaliser la Force conjointe du G5 Sahel, les pays membres de cette organisation plaidaient jusque là sans succès pour un mandat du Conseil de sécurité au profit de cette Force. Est-ce qu’il faut aujourd’hui passer à d’autres alternatives, ou bien ces pays peuvent -ils encore espérer une évolution positive de cette requête ?

François Delattre 

Quelques brèves remarques à propos de la question de la Force du G5 Sahel. La première remarque, je crois que je l’ai dit brièvement tout à l’heure, c’est que des progrès réels ont été faits et qu’il est important de les faire savoir. Et, j’ai pris la parole avec mes collègues tout à l’heure pour le dire et, oui, la Force conjointe du G5 Sahel a relancé récemment des opérations, toute une série d’opérations. Oui la Force conjointe a établi un cadre de conformité en matière de droits de l’homme et de la composante police qui est un élément absolument essentiel et un progrès absolument majeur, et il y a donc des éléments positifs aujourd’hui, qui doivent contre carré je crois, ce narratif négatif qui a pris forme et qui n’a pas lieu d’être. Première observation. Deuxième observation, comme je l’ai dit, le Conseil de sécurité se situe dans une perspective dynamique et le Conseil de sécurité a dit, dans une récente déclaration à la presse, et répétée tout à l’heure par nos voix, qu’il avait l’intention de rediscuter du soutien international à la Force, une fois que celle-ci serait pleinement opérationnelle et une fois que les premiers résultats seraient obtenus. Nous y sommes : premiers résultats, premières opérations et le Conseil de sécurité s’apprête donc à en rediscuter, sera notamment l’objet de la réunion dont je vous parlais à l’instant je crois, le 28 mars sur la Force conjointe que présidera le Ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. A partir de là et pour répondre à votre question, il y a deux axes de travail. Le premier axe, c’est de partir de l’existant, c’est-à-dire l’accord technique qui existe entre la MINUSMA et la Force du G5 pour l’améliorer. Cet accord technique, on l’a entendu tout à l’heure, il produit des résultats et je parle aussi sous le contrôle du Représentant spécial, mais on peut l’améliorer. C’est, l’un des éléments que je retiens de la réunion que nous venons d’avoir notamment avec le Commandant de la Force, nous pouvons, en gardant l’outil tel qu’il est et qui fonctionne, s’assurer que ces modalités sont mieux adaptées, à la fois aux besoins du terrain, à l’évolution de la menace et il y a plusieurs manières de le faire. Donc ça c’est le chapitre I, l’accord technique. Deuxièmement, il y a en effet l’ambition, le long terme et il est clair, vous connaissez la position de la France que nous sommes nous, pour ce qui nous concerne, favorables à une ambition plus marquée pour la Force conjointe du G5 Sahel et surtout pour le soutien multilatéral que nous devons apporter à la Force conjointe, mais c’est un autre dossier, une autre ambition, à laquelle nous ne renonçons pas, bien au contraire mais qu’il est un peu tôt de discuter aujourd’hui.

Kacou Houaja Léon Adom, Ambassadeur de la Côte d’Ivoire au Conseil de sécurité des Nations Unies

Je voudrais simplement dire que les défis relatifs à l’opérationnalisation de la Force sont là, ils existent, mais nous, nous avons voulu retenir surtout les progrès encourageants, réalisés notamment ces six derniers mois. Vous savez, la Force conjointe doit être soutenue. Pour nous, elle est et demeure un modèle d’appropriation par des pays africains de leur sécurité collective. C’est un exemple de coopération vertueux entre les Nations Unies et les Nations Unies. François l’a dit, nous avons noté un certain nombre de choses, nous retournons à New-York… parce que l’état de menace actuelle nous interpelle et il urge plus que jamais de soutenir cette Force si nous voulons trouver des solutions durables aux défis sécuritaires et empêcher une extension des attaques dans toute la sous-région. Voilà ce que je crois pouvoir ajouter.

Questions :

Ali Bocoum, Maliweb : à l’issue de votre rencontre avec l’opposition, l’opposition mais aussi une partie de la population malienne qui est d’adapter le Mandat de la MINUSMA à la menace sécuritaire. Quelles ont été les recommandations ou les propositions en vue d’adapter le mandat de la MINUSMA à la menace sécuritaire ?

Morgane Lecam, journal "Le monde " : ma question s’adresse à Monsieur l’Ambassadeur Delattre, vous avez évoqué la mise en place d’une nouvelle feuille de route contraignante, en quoi cette feuille de route sera contraignante et pensez-vous que la contrainte fonctionne, dans la mesure où le Conseil a déjà prononcé des sanctions et malgré ces sanctions, le rapport du groupe d’experts des Nations Unies estime que le double jeu de certains signataires continue.

François Delattre 

Un mot simplement d’abord sur la rencontre avec l’opposition, mais je voudrais vraiment que mes collègues complètent… La rencontre avec l’opposition comme toutes les autres rencontres a été très utile pour nous et très instructive, et moi j’en retiens, sous leur contrôle par définition, la volonté partagée par les responsables de l’opposition, de travailler avec la Communauté internationale, de travailler bien sûr avec le Gouvernement, à la mise en œuvre de l’Accord de paix. Je n’ai pas senti, et là je parle à titre personnel en réponse à votre question, d’opposition à la démarche engagée à la mise en œuvre de l’Accord de paix par les responsables de l’opposition. De la volonté d’être pleinement partie prenante ? Oui ! D’être pleinement associé ? Oui ! D’être pleinement consulté ? Certes ! Mais j’ai senti de leur côté, là je parle vraiment sous le contrôle de tous mes collègues, la volonté d’aller de l’avant et la volonté de leur part de jouer leur rôle dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, et nous avons évoqué avec eux bien sûr les questions touchant à la réconciliation. De même que nous en avons parlé avec les représentants de la société civile, les organisations de femmes notamment et cela m’a personnellement marqué que d’entendre leurs voix fortes, croyez-moi, sur les clefs d’une réconciliation réussie, sur les clefs de nature à casser cet engrenage d’une opposition intercommunautaire pour recréer au contraire, le cercle vertueux d’une dynamique communautaire réussie. C’est l’élément que je voulais marquer sur ce sujet, est-ce que certains de mes collègues souhaiteraient réagir ?

S’agissant de la question sur la feuille de route, encore une fois le contexte est celui d’un début de dynamique que nous ressentons, dont j’ai essayé d’expliquer certains des éléments, certains des déterminants. À partir de là, le moment nous parait venu, en effet de traduire cette volonté commune        que j’exprimais et qui nous a tous frappé au Conseil de sécurité, d’aller de l’avant dans la mise en œuvre de l’Accord de paix d’accélérer, peut-être de donner un nouvel élan même à la mise en œuvre de l’Accord de paix. Le moment nous parait venu de traduire cette volonté commune en un engagement, on peut parler de contrat en effet, comme l’a fait l’un de mes collègues, sur la base d’un calendrier précis, d’objectifs précis, d’objectifs aussi contraignants, c’est-à-dire sur lesquelles s’engagent les différentes parties maliennes. Le moment me parait venu en effet pour aller dans cette voie, encore une fois dans un cadre bien précis qui est celui des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et qui est celui du nouvel élan que nous voulons donner à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Donc que le contexte soit, celui que vous ayez rappelé certes, si le contexte était facile et si c’était un lit de roses, cela se saurait bien sûr, mais encore une fois, il y a ce début de dynamique que j’évoquais, qui se traduit en actes, il y a cette volonté commune que nous avons fortement ressenti, et la combinaison des deux, nous a conduit à proposer à nos interlocuteurs qui, je crois, l’ont bien reçu, cette démarche d’une feuille de route commune qui les engage véritablement sur des objectifs mais aussi sur un calendrier et des mesures aussi précises que possible. Voilà la philosophie de notre proposition.