Trois Bibliothèques de manuscrits anciens réhabilitées à Tombouctou

1 décembre 2015

Trois Bibliothèques de manuscrits anciens réhabilitées à Tombouctou

La MINUSMA, en partenariat avec l’UNESCO et la Mission Culturelle de Tombouctou, a officiellement inauguré,  le 26 novembre 2015, un projet à impact rapide (QIP) ayant réhabilité les bâtiments de trois bibliothèques de manuscrits anciens de la Cité des 333 saints. Cette cérémonie a réuni le premier adjoint au Maire de la commune, M. Khalifa Ag Imama, le Chef de la Mission Culturelle de la ville, M. El-Boukhari Ben Essayouti, le Chef de Bureau de la MINUSMA, M. Riccardo Maia, le Grand Imam de la Mosquée de Djingarey Ber, M. Abdramane Ben Essayouti et une cinquantaine de notables, parmi lesquels, les membres des familles bénéficiaires de ce Projet à impact Rapide (en anglais QIP).

 

Dans le cadre de son mandat d’appui à la sauvegarde du patrimoine culturel malien, la Mission onusienne au Mali a financé, pour plus de 20 millions de Francs CFA, le projet de réhabilitation des trois bibliothèques privées de manuscrits anciens de Tombouctou. C’est à travers sa Section Stabilisation et de Relèvement, gestionnaire des fonds des QIP et, son Unité Environnement et Culture, porteuse du projet, que la MINUSMA a fourni cet appui à la mission culturelle, sous la supervision technique de l’UNESCO.

 

Le 28 septembre 2013, une attaque suicide à l’entrée du camp des FaMa a secoué Tombouctou, causant des dommages à plusieurs habitations, mais aussi aux bibliothèques familiales des Imams Essayouti et Al-Wangari. Les vibrations de ce malheureux évènement ont fragilisé davantage la structure de ces bâtiments qui n’avaient pas bénéficié d’entretien depuis 2010. Le niveau de vétusté avancé des locaux, touchés directement par la déflagration de l’explosion kamikaze, a donc éclairé la décision de la SAVAMA-DCI, ONG œuvrant pour la sauvegarde des manuscrits, à désigner en priorité ces 3 bibliothèques pour bénéficier de ce projet QIP de la MINUSMA.

Après une année de dur labeur pour exécuter ce projet, la MINUSMA, l’UNESCO et leurs partenaires se réjouissent désormais de confier aux familles concernées de nouvelles salles pour la conservation des manuscrits. Les activités inaugurales ont démarré par la visite de deux des bibliothèques, à savoir, Al-Wangari et celle de la famille d’Hamed Bularaf, toutes deux situées au quartier de Badjindé, de la mystérieuse Tombouctou.  Pour la première, les travaux ont consisté en la reprise des marches d’accès au bâtiment et des murs affectés par des fissures, dont une partie abritant un mausolée s’était effondrée sous l’effet de l’explosion de septembre 2013. Ainsi, le pan de mur cassé de la dernière demeure du saint Mohamed Bagayoko a été reconstruit et revêtu de l’extérieur en pierres d’alhor.

 

La deuxième étape de la visite a mené à la bibliothèque Hamed Bularaf. Déambulant à travers une ruelle étroite de la cité médiévale, l’équipe a débouché sur la bibliothèque familiale Bularaf située à près de 200 mètres de la précédente. Là, les travaux de rénovation ont essentiellement porté sur la toiture totalement refaite et désormais étanche. La bibliothèque de la famille Ben Essayouti a vu ses fenêtres et ses portes voler en éclat et des pans de mur s’affaisser en raison de sa proximité (à moins de 100 mètres) avec le camp FaMa où l’attaque avait été perpétrée.

 

“L’ensemble des travaux de réhabilitation ont été exécutés dans le respect des techniques traditionnelles de maçonnerie tombouctienne avec des matériaux locaux, en vue de garder ces patrimoines tels qu’à l’origine”, a fait savoir Sébastien Diallo, spécialisé en architecture de terre, mandaté par l’UNESCO et la mission culturelle de Tombouctou pour la supervision technique des travaux. “Chaque famille responsable des bibliothèques a désigné son maçon et son électricien”, a ajouté le Chef de la Mission culturelle de Tombouctou, Al Boukhari Ben Essayouti, faisant l’historique du projet. En effet, comme le veut la tradition séculaire qui regroupe les professionnels de maçonnerie en une corporation nommé “Yer koï Hou -Yer Koï Bania”, à chaque famille de la cité est affecté un maçon pour tout travail dans leur maison ainsi que la construction de la tombe familiale.

 

“Un projet qui doit redynamiser le secteur socio-économique des manuscrits”

 

La dernière étape est celle de la cérémonie officielle tenue en face de la grande Mosquée de Djingarey Ber, parallèle à la bibliothèque de la famille du grand Imam, M. Ben Essayouti. Les membres de toutes les familles bénéficiaires, aux côtés du premier adjoint au Maire, du chef de Bureau de la MINUSMA et d’une cinquantaine de notabilités de la communauté, se sont retrouvés pour commémorer “ce jour inoubliable qui nous permet de reprendre possession de notre bibliothèque ”, a scandé l’Imam, tout en remerciant le bailleur de fond et ses partenaires.

 

Le premier adjoint au Maire, M. Khalifa Ag Imama, a exprimé toute la reconnaissance de la population de Tombouctou à l’endroit des bienfaiteurs. Pour sa part, Riccardo Maia, chef du Bureau régional de la MINUSMA, en a profité pour appeler à la collaboration de toutes les communautés avec la MINUSMA pour la mise en œuvre de l’Accord de paix et souligner l’impact de ce QIP. « Cette contribution de la MINUSMA est conçue en particulier pour redonner un souffle au patrimoine culturel de la ville mystérieuse, répertoriée sur la Liste du patrimoine mondial. La finalisation de ces travaux est la première étape qui facilitera le processus de retour des manuscrits dans leurs lieux originels. Une fois que ces trois bibliothèques auront été équipées par l’ONG SAVAMA-DCI, nous espérons que le secteur socio-économique des manuscrits n’en sera que plus vite redynamisé », a-t-il déclaré.

 

Empêché de se rendre dans la cité des 333 Saints, le Chef du Bureau de l’UNESCO au Mali, Lazare Eloundou, dans son discours lu par le Chef de la mission culturelle, a tenu à saluer le « courage merveilleux» et l’implication de la communauté tombouctienne dans les différentes étapes de reconstruction. « Plus qu’une reconstruction, c’est une pierre angulaire dans le processus de paix et de réconciliation que vous avez posée », a-t-il écrit, tout en remerciant les différentes entités ayant contribué à la réalisation de ce travail colossal.

Présent à la cérémonie, M. Daniel Bertrand, Conseiller Politique Principal au sein de la Cellule pour la Mise en Œuvre de l’Accord de Paix au Mali au sein du Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, a procédé, aux côtés de l’Imam, à la coupure du ruban symbolique. Visitant les locaux fraîchement rénovés à la couleur ocre de la terre de Bourem, l’occasion était propice aussi pour M. Abdramane Ben Essayouti de présenter aux participants une quinzaine de manuscrits exposés.

 

Il faut noter que l’ensemble des trois bibliothèques familiales ne compte pas moins de 15 000 manuscrits, dont les plus anciens datent du XIe siècle. Les bibliothèques Al-Wangari et Bularaf en comptent au moins 3500 chacune et pas moins de 8000 pour la plus grande, celle de la famille Ben Essayouti. Selon ce qu’a expliqué le chef de la Mission culturelle, l’ONG SAVAMA-DCI compte les équiper au début de l’année prochaine.

 

Travailler à la paix et à la stabilité, passe inévitablement par le dialogue, le retour de la sécurité et la reprise des activités économiques. La restauration des activités et du patrimoine culturel revêt également une importance capitale, car il permet, tel un ciment, de consolider les aspects sécuritaires, économiques et sociaux. Ceci est d’autant plus valable à Tombouctou qui abrite un patrimoine culturel  immatériel basé sur la paix et, un autre matériel qui appartient, non plus aux seuls habitants de la ville mais à l’humanité toute entière.