Interview du Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations unies au Mali, El-Ghassim WANE, à l’occasion de la fermeture de la radio des Nations unies, Mikado FM 30 novembre 2023

1 décembre 2023

Interview du Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations unies au Mali, El-Ghassim WANE, à l’occasion de la fermeture de la radio des Nations unies, Mikado FM 30 novembre 2023

Interview du Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations unies au Mali,  

El-Ghassim WANE, à l’occasion de la fermeture de la radio des Nations unies 

Mikado FM 

30 novembre 2023 

 

Mikado FM 

En tant que Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU et Chef de la MUNUSMA, quel sentiment vous anime ce 30 novembre en participant à cette dernière émission de la radio Mikado FM ? 

Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali, El-Ghassim WANE 

Comme vous le savez, la clôture de la radio s'inscrit dans le cadre du plan d'ensemble de retrait de la mission, qui doit être complété d'ici au 31 décembre. C'est une étape marquante, simplement parce qu'au cours de ces sept, huit années d'existence, Mikado a marqué le paysage radiophonique malien, devenant un outil essentiel d'information pour le public, de sensibilisation aux défis de la paix, mais également de promotion de la cohésion sociale. Évidemment, on ne peut qu'être triste de voir que Mikado doit fermer ses portes, mais c'est le sort des missions de maintien de la paix. Quand elles n'existent plus, les outils de communication qui les accompagnent doivent également être fermés. Mais je dois dire qu'il y a donc ce sentiment de tristesse, mais également un sentiment de reconnaissance, de gratitude vis-à-vis de tous les collègues de Radio Mikado qui, sans discontinuer au cours de ces dernières années, ont mené un travail remarquable, et également un sentiment de gratitude à tous les auditeurs, toutes les auditrices qui ont fait confiance à Mikado, à son professionnalisme, et dont l'écoute permanente, évidemment, était la preuve la plus éclatante de la crédibilité et de l'objectivité du travail accompli par le personnel de Mikado. 

Mikado FM 

Vous évoquiez tantôt le professionnalisme de la radio, mais selon vous, quel a été le rôle de la radio Mikado FM, notamment dans le cadre du chantier du processus de paix et de la cohésion sociale ? 

Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali, El-Ghassim WANE 

Je pense qu'il y a un rôle global d'amplification et de sensibilisation à l'action de la Mission, car notre efficacité sur le terrain dépend aussi du degré d'adhésion des populations et des autres acteurs concernés. Donc, il est important de disposer, en plus de notre site web, de notre compte Twitter, de notre compte Facebook et d'autres outils de communication, d'un outil comme Mikado, une radio. Dans le contexte africain, les radios jouent un rôle extrêmement important, peut-être même plus en Afrique qu'ailleurs, pour pouvoir amplifier et mieux faire connaître ce que nous faisons, mais en le faisant avec humilité et objectivité, en parlant de ce que nous réalisons, mais aussi des insuffisances de notre action. Je pense que c'est cela qui fondait la crédibilité de Mikado. De manière beaucoup plus spécifique, je dirais que, sur le processus de paix, Mikado a joué un rôle d'accompagnement important, en expliquant l'Accord de paix, car il n'était pas acquis que tout le monde avait bien compris le sens de l'accord signé à l'issue du processus d'Alger. Tout le travail qui a été fait pour sensibiliser les gens aux défis de la cohésion sociale, et à un certain nombre d'émissions spécifiques de Mikado, visait précisément à réaliser cela. 

Et puis, troisièmement, il y a cette plateforme constituée par Mikado qui a aidé les populations locales, notamment dans les régions, à s'exprimer, à faire connaître leurs opinions et à trouver une plateforme de dialogue avec d'autres acteurs. Ainsi, Mikado a joué un rôle extrêmement important, tant pour la promotion de la cohésion sociale que pour l'accompagnement du processus de paix, ainsi que pour l'amplification de l'action menée par la Mission pendant ces dix dernières années. 

Mikado FM 

La MINUSMA achève sa mission à la fin de l'année. Que retient le diplomate chevronné durant cette Mission au service de la paix et de la réconciliation au Mali ? 

Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali, El-Ghassim WANE 

Évidemment, je suis là depuis un peu moins de trois ans. J'ai eu des prédécesseurs illustres qui ont chacun accompli des choses extrêmement importantes, et le bilan de la MINUSMA doit être vu comme le résultat de tout ce qui a été fait pendant ces 10 dernières années. Ma conviction forte et profonde est que la Mission a accompli un travail remarquable au Mali. Évidemment, tout n'a pas été réglé, et la Mission n'a pas vocation à jouer un rôle de substitution. Elle est là pour appuyer le processus de paix et accompagner les autorités nationales maliennes ainsi que les autres acteurs maliens. Son efficacité dépend en partie de l'action des acteurs maliens et du degré de coopération qu'ils reçoivent. Mais, malgré le contexte difficile dans lequel elle a opéré, que ce soit sur le plan sécuritaire, logistique, géographique ou politique, je pense que la Mission a joué un rôle important. Sur le plan politique, cela est évident à travers l'accompagnement de la mise en œuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation. Concernant l'appui à la transition, là aussi, elle a joué un rôle important. Même avant que la transition en cours ne soit en place, pour aider les processus électoraux qui ont jalonné l'histoire du Mali au cours des 10 dernières années, nous avons joué un rôle clé pour la stabilisation du centre. 

L'action n'a pas été parfaite. Nous n'avons pas pu contenir entièrement l'insécurité, mais je pense que la présence de la mission a aidé à protéger de nombreuses populations là-bas, dans le centre, ainsi que dans les régions de Ménaka et de Gao, mais aussi dans le Nord, que ce soit à Aguelhok, à Tessalit ou à Kidal. Nous avons joué un rôle important dans la promotion du genre. Nous avons joué un rôle extrêmement important en ce qui concerne le renforcement des capacités locales dans le domaine des droits de l'Homme, notamment les enquêtes sur les allégations de violations des droits de l'Homme. Et nous avons, de manière plus globale, aidé à mobiliser la communauté internationale beaucoup plus fortement en appui au Mali. En dernier point, nous avons réalisé de très nombreux projets au profit des populations locales dans un contexte où l'État n'avait pas pu se redéployer. Je pense que ces projets ont marqué une vraie différence dans la vie de centaines de milliers, sinon de millions de Maliens. 

Mikado FM 

Être à la tête d'une mission comme la MINUSMA est un challenge quotidien. Quels sont les défis auxquels vous avez et faites face encore ? 

Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali, El-Ghassim WANE 

Les défis sont énormes. Si on se limite au temps présent, nous sommes confrontés au défi du retrait de la Mission dans des délais extrêmement courts, des délais sans précédent, et dans un pays aussi vaste que le Mali, avec une situation sécuritaire difficile. Réaliser ce retrait dans ces conditions est en soi un défi énorme. Mais je pense que la tâche se poursuit plutôt bien. Nous sommes confiants de pouvoir respecter le calendrier qui a été fixé par le Conseil et agréé avec le Mali, c'est-à-dire clôturer la Mission d'ici au 31 décembre. De manière plus générale, nous avons été confrontés à de très nombreux défis, notamment sécuritaires, car la mission est déployée dans un contexte un peu particulier et sans précédent pour une mission de maintien de la paix. Le terrorisme est une réalité quotidienne et, évidemment, ce ne sont pas des conditions idéales pour une opération de maintien de la paix. Le terrain malien est également rendu difficile par le fait que les infrastructures sont limitées et les distances, très longues. Nous avions des bases éparpillées un peu partout dans le centre et dans le nord du Mali, et les ravitailler a été une tâche extrêmement difficile, mais nous avons réussi à le faire, et la mission n'a jamais cessé de fonctionner pendant ces dix dernières années. 

Il n'y a pas eu un seul jour où, malgré toutes les difficultés rencontrées, la mission a cessé de fonctionner. Et en parlant de la situation sécuritaire, cela signifie évidemment que la MINUSMA, plus que toute autre Mission, a payé un lourd tribut à l'insécurité. Nous avons près de 300 casques bleus qui ont perdu la vie, que ce soit à cause d'actes hostiles ou d'autres incidents, et plus de 700 ont été blessés, ce qui est sans précédent. Nous avons la triste réputation d'être la Mission la plus dangereuse du monde, mais malgré ces dangers, la Mission n'a jamais cessé de fonctionner au profit du Mali et des Maliens. Ainsi, face à de très nombreux défis, il y a également la satisfaction que, malgré ces défis, la Mission s'est jusqu'au bout attelée à mettre en œuvre son mandat. 

 Mikado FM 

Dernière question. Quels souvenirs gardez-vous du Mali et des Maliens de façon générale ? 

 Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali, El-Ghassim WANE 

Je pense qu'il y a un souvenir, un désir de paix très fort, une aspiration à la paix. C'est ce que j'ai constaté dans les régions où je me suis rendu très souvent. Partout où je suis allé, cette aspiration a été très fortement exprimée. Deuxièmement, ce n'est pas seulement une aspiration, mais aussi une volonté de faire la paix de la part des populations. Ce que nous avons réussi dans les régions, nous ne l'avons pas fait seuls. Nous l'avons fait en appui à des initiatives locales, en soutien aux acteurs locaux, qu'ils soient étatiques ou non étatiques. Cela m'a beaucoup marqué et cela signifie que le Mali peut s'appuyer sur cette forte aspiration à la paix pour sortir enfin et définitivement de la crise multidimensionnelle qui a marqué l'histoire du pays pendant plusieurs années. Un dernier élément qui m'a beaucoup marqué, et dont j'ai souvent parlé, est la prégnance de la culture, de la musique, de l'art sous toutes ses formes. J'ai toujours dit que le Mali est en crise, mais que tout n'est pas que crise au Mali. Dans ce Mali en crise, nous avons des talents qui rayonnent, non seulement au Mali, mais également à l'échelle mondiale. 

Et je crois que ces talents doivent être mieux exploités, afin de servir de levier pour mobiliser davantage les Maliens et les Maliennes pour tourner la page de la violence et de la crise, et ainsi mettre le pays sur le chemin d'une stabilité durable. 

Mikado FM 

Merci El-Ghassim WANE.