Les victimes au cœur du processus de réconciliation

17 avril 2015

Les victimes au cœur du processus de réconciliation

La Division des Droits de l’homme de la MINUSMA, représentant également le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a organisé le Forum sur la participation des victimes et le rôle de la société civile dans le processus de la justice transitionnelle, les 16 et 17 avril dans l’amphithéâtre l’Ecole de Maintien de la Paix, en présence de Monsieur Mahamadou Diarra, Ministre de la Justice et des Droits l’Homme, Garde des Sceaux.

 

La crise politico-sécuritaire qui sévit au Mali depuis bientôt trois ans a tristement laissé d’innombrables victimes ayant fait l’objet de graves violations des droits humains sur toute l’étendue du territoire, aussi bien au nord qu’au sud, sans aucune forme de réparation.

 

L’objectif de ce forum, après ceux de Mopti et Tombouctou les 8 et 21 mars derniers, ainsi que deux autres qui auront lieu prochainement à Kidal et à Gao, est de mettre la problématique de la prise en compte des victimes au cœur du processus de réconciliation. « Il faut donner la parole aux victimes pour légitimer et consolider le processus de réconciliation, pour savoir et comprendre réellement ce qui s’est passé. C’est la raison pour laquelle dans le cadre de la justice transitionnelle, nous devons nous assurer que les droits fondamentaux des victimes seront respectés, le droit à la justice, le droit à la vérité, le droit à la réparation et la responsabilité incombe à tous de s’assurer de l’intégration du principe de non-récurrence en identifiant clairement les causes profondes du conflit », a insisté le Directeur de la Division des Droits de l’Homme, Monsieur Guillaume Ngefa.

 

Pour animer les travaux, de nombreux experts nationaux et internationaux ont fait le déplacement. En cette période charnière de leur histoire contemporaine, la tenue du forum a été largement saluée par les participants et répond sans nul doute à un réel besoin pour les maliens.

 

Après l’ouverture officielle, la communication du Professeur Abraham Bengaly de L'Observatoire des droits humains et de la paix (ODHP), unanimement saluée par l’audience pour  sa pertinence et sa clarté, a mis l’accent sur les mécanismes ou les initiatives de la justice transitionnelle déjà établis ou lancés par le gouvernement malien, les dispositions prévues dans l’accord d’Alger en termes de justice transitionnelle, le rôle de l’état malien ainsi que les enjeux et défis potentiels qui se poseront dans la mise en œuvre de l’accord. « Les Accords d’Alger prévoient des dispositions pour entamer la cicatrisation de certaines blessures, d’entrevoir la perspective du pardon et la pacification avec comme ciment le respect des droits humains et la lutte contre l’impunité. Après sa signature, l’Accord d’Alger sera le nouveau contrat social qui va désormais lier les maliens avec des mécanismes d’établissement des faits et des mécanismes d’enquêtes. En renonçant à la notion d’amnistie, l’Accord d’Alger lutte contre les violations des droits humains », a-t-il souligné.

 

Pour sa part, le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des sceaux a insisté sur l’importance du rôle de la société civile en affirmant que « pour une meilleure efficacité et efficience, le processus de la justice transitionnelle doit être participatif et itératif, il doit bénéficier des contributions de toutes les parties prenantes ».

 

Pendant les débats l’assemblée a été saisie par l’intervention poignante de Bintou Sagara, Mère d’une des victimes du charnier de Diago « Le corps de mon fils est encore retenu à la morgue. Comment voulez-vous que nous fassions notre deuil ? Nous sommes tous maliens et nous ne voulons que la paix. Mais la prise en compte des souffrances des victimes doit être au cœur du processus de réconciliation. Il est impossible d’espérer une hypothétique cicatrisation sur une plaie puante. Tout le monde parle de pardon mais il est difficile d’accorder son pardon sans la reconnaissance officielle et nationale du préjudice subi », a-t-elle déploré.

 

Le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies au Mali, actuellement en déplacement a déclaré par la voix de Miriam Ghalmi : « L’Histoire nous démontre que la paix et la réconciliation nationale ne peuvent se construire sans Justice, ni Vérité, ni Réparations. Soyez assurés que la MINUSMA ne ménagera aucun effort dans l’accompagnement du Mali sur le noble chemin de la bonne gouvernance et de la lutte contre l’impunité, vecteurs indispensables pour une paix durable ».

 

Après la session de Bamako, la Division des Droits de l’Homme de la MINUSMA et du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies entend poursuivre l’organisation de ces foras qui constituent un espace privilégié d’échanges et de dialogue constructif sur l’avenir de la justice transitionnelle afin que les violations des droits de l’homme et les crimes graves du passé ne puissent pas rester impunis.

 

A propos de la « Justice Transitionnelle »

 

Lorsque l’on veut passer, d’une situation de tension comme le Mali en a connu, à une situation apaisée, il faut créer des mécanismes de transition. Et c’est cela la justice transitionnelle. Elle est définie par les Nations Unies comme étant l’ensemble des mécanismes judiciaires et non judiciaires dont se dote une société pour traiter de graves violations de droits de l’homme ou de régimes autoritaires par lesquelles elle a été traumatisée, avec pour objectif ultime la non répétition de ces crimes et violations.
Signe encourageant de l’instauration prochaine de la Justice Transitionnelle au Mali, c’est la  mise en place d’une commission Vérité, Justice et Réconciliation, qui est un des mécanismes typique de recherche de la vérité non judiciaire.