Discours du Chef de la MINUSMA El Ghassim Wane - Cérémonie officielle de clôture de la MINUSMA - 11 décembre 2023
Distingués représentants du Gouvernement de la République du Mali et du corps diplomatique
Chers collègues de la MINUSMA et du système des Nations unies,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous remercier, toutes et tous, très sincèrement, et vous dire combien nous sommes honorés par votre présence à cette cérémonie. Mes collègues et moi y voyons une manifestation supplémentaire de votre soutien à la MINUSMA en cette phase ultime de son existence et un geste d’appréciation du travail accompli en une décennie de présence au Mali.
En m’adressant à vous, j’ai une pensée particulièrement émue pour les 310 casques bleus tombés au champ d’honneur au Mali, ainsi que pour les centaines d’autres - plus de 700 - qui ont été blessés lors d’incidents divers, certains souffrant d’handicaps à vie.
Les sacrifices ainsi consentis au service de la paix attestent éloquemment ce que la MINUSMA a été tout au long de ses dix années d’existence : une gigantesque entreprise collective de la communauté internationale en faveur du Mali, marquée du triple sceau de l’engagement indéfectible, de la solidarité agissante et du soutien tangible.
Il s’est agi d’une entreprise qui a mobilisé des dizaines de pays contributeurs de troupes et de personnels de police, venus d’Afrique - voisins immédiats et lointains -, d’Asie, d’Europe, d’Amérique et d’Océanie.
Ils ont tous accouru auprès du Mali au nom de la sécurité collective et des idéaux de la Charte des Nations unies, tout comme le Mali, dans le cadre d’organisations telles la CEDEAO et l’Union africaine ainsi que dans le cadre des Nations unies, a dépêché ses filles et ses fils semer ailleurs les graines de la paix, quelquefois au péril de leurs vies.
À tous ces pays et à leurs gouvernements, je voudrais dire un grand merci. Ni l’omniprésence du danger couru ni la complexité des défis à relever ne sont venus à bout de leur détermination.
Permettez aussi que je rende hommage à mes prédécesseurs - Bert Koenders des Pays-Bas, Mongi Hamdi de la Tunisie et Mahamat Saleh Annadif du Tchad. Ils ont chacun, dans des contextes différents mais toujours complexes, apporté leurs pierres - précieuses – devrais-je ajouter, à l’édifice de la paix, de la stabilité et de la sécurité au Mali.
Tout au long de sa présence au Mali, la MINUSMA, sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, a collaboré avec de nombreux autres acteurs internationaux, accumulant auprès d’eux une immense dette. Je voudrais mentionner ici Serval, Barkhane et Takuba, l’Union européenne et ses Missions de formation, l’Union africaine, à travers la MISAHEL, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, la Médiation internationale mise en place dans le cadre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du Processus d’Alger sous la direction de son chef de file - l’Algérie - et différents partenaires bilatéraux du Mali, y compris les pays membres du Conseil de sécurité et ceux qui ont généreusement abondé notre Fonds fiduciaire pour la paix et la sécurité au Mali, permettant le financement de très nombreux projets en appui à l’État et au peuple maliens.
Je leur exprime notre gratitude pour leur apport à la mise en œuvre de notre mandat. Celui-ci a indéniablement été inestimable.
Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Dans un peu plus de deux semaines, la MINUSMA fermera définitivement ses portes. Entamé peu après l’adoption de la résolution 2690, qui a fait suite à la demande formulée par les autorités maliennes pour le retrait de la Mission, ce processus a vu la clôture, depuis début août, de dix bases sur les treize dont nous disposions dans le centre et le nord du Mali, ainsi qu’à Bamako.
Vendredi dernier, le Secrétaire général adjoint Atul Khare et moi-même avons assisté à la rétrocession, dans un état pleinement fonctionnel, du camp de Mopti aux autorités civiles maliennes. Dans les jours à venir, nous leur rétrocéderons certaines parties des emprises restantes de la MINUSMA, qui seront alors converties en sites de liquidation à partir du 1er janvier 2024.
Tous les personnels civils et en uniforme de la Mission non concernés par la phase liquidation auront quitté le Mali d’ici au 31 décembre au plus tard, donc dans le respect du délai prescrit par le Conseil de sécurité. Plus des deux tiers de nos effectifs sont déjà retournés dans leurs pays respectifs.
C’est ici pour moi le lieu d’exprimer à nouveau mes sincères remerciements à tous nos personnels, civils et militaires, nationaux et internationaux, qui ont exécuté cette manœuvre de retrait d’une des plus larges opérations de maintien de la paix des Nations unies dans des délais exceptionnellement courts et dans des conditions logistiques et sécuritaires d’une extrême complexité. Ils ont travaillé sans relâche, faisant montre de courage, de résilience et de créativité pour réussir ce qui, de prime abord, paraissait être une gageure quasi-insurmontable.
Je salue l’engagement de nos collègues du Secrétariat à New York, sans lesquels les résultats obtenus seraient restés hors de portée. Je note la présence parmi nous d’Atul Khare, le Secrétaire général adjoint chargé du soutien opérationnel aux Missions. La semaine passée, Jean-Pierre Lacroix, son homologue responsable des opérations de paix, était parmi nous pour exprimer son soutien ainsi que pour porter le message de solidarité du Secrétaire général Antonio Guterres.
Je suis reconnaissant à tous les pays et à toutes les organisations qui nous ont assisté, d’une manière ou d’une autre, pour mener à bien cette opération.
Dans l’exécution du retrait, nous avons évidemment étroitement œuvré avec les autorités maliennes tant au niveau national que local, dans le cadre des mécanismes de coordination qui ont été mis en place. Je me réjouis de ce que, malgré les défis rencontrés, l’objectif commun du parachèvement de notre retrait dans les délais convenus soit sur le point d’être réalisé. Nous avons, en parallèle, travaillé ensemble, ainsi qu’avec l’Équipe-pays des Nations unies et d’autres partenaires, sur le transfert, prioritairement à l’État malien, des tâches qu’exécutaient la MINUSMA, en vue d’en assurer, dans toute la mesure du possible, la continuité.
Mesdames et Messieurs,
Il peut être tentant en cette occasion de dresser un bilan de l’action de la MINUSMA. Très certainement, c’est là une tâche qui, en plus des Nations unies, occupera bien d’autres acteurs venant tant du monde académique que d’autres horizons. Ils pourront, avec le recul qu’exige ce type d’exercice, analyser objectivement ce qui a pu être fait et ce qui n’a pu l’être, les contraintes diverses qui ont pesé sur l’action conduite, et les leçons à tirer de cette opération. Cette œuvre sera assurément utile ; elle aidera à améliorer les interventions de notre organisation et son action en faveur de la paix.
En attendant, il me semble utile de rappeler quelques aspects importants du contexte dans lequel la MINUSMA, qui a pris la relève de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), a été déployée : la prévalence du terrorisme - une forme de violence asymétrique inhabituelle pour les opérations de maintien de la paix ; l’immensité du théâtre d’opération, qui a exigé une logistique tout aussi onéreuse que complexe ; et les attentes fortes mais légitimes de populations confrontées à une violence indicible et aspirant à une matérialisation rapide des dividendes de la paix.
À cela, il convient d’ajouter la fragilité des processus politiques que la Mission était mandatée d’appuyer et qui sont essentiels à la stabilisation durable de la situation sécuritaire et à l’enracinement de la réconciliation.
C’est dire que, dès le départ, la tâche confiée à la Mission s’avérait difficile. Inévitablement, un écart allait apparaître entre ce que la Mission pouvait raisonnablement accomplir et les espoirs qu’elle a pu soulever.
Malgré tout, beaucoup a été accompli. Je voudrais relever ici l’action multiforme menée en appui à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le soutien au processus de retour à l’ordre constitutionnel dans le cadre de la transition en cours, l’appui à la stabilisation des régions centrales du Mali, la protection des civils dans les zones où la Mission était déployée, les milliers de projets socioéconomiques et autres mis en œuvre à des fins de stabilisation et la facilitation de l’assistance humanitaire, la réhabilitation et la construction d’infrastructures diverses et leur protection dans certains cas, l’appui à la restauration de l’autorité de l’État, l’assistance apportée aux forces de défense et de sécurité dans le respect de la politique de diligence voulue des Nations unies en matière de droits de l’homme, l’accompagnement des efforts nationaux de promotion et de protection des droits de l’homme.
Il ne fait guère de doute que la situation exigeait plus. Mais ce qui a été accompli est appréciable et reconnue par les populations que nous avons servies avec dévouement. La volonté de toujours faire mieux n’a jamais manqué, même quand les difficultés ont paru être impossibles à surmonter.
Les résultats obtenus ont été rendus possibles grâce à l’engagement remarquable de mes collègues de l’équipe de direction de la MINUSMA. Je suis très reconnaissant à mes deux adjoints Daniela Kroslak et Alain Noudehou, reconnaissant au Commandant par intérim de la Force, le Général Mamadou Gaye, auquel j'associe le chef d’État-major de la Force, le Général Guillaume Ponchin, reconnaissant à la cheffe de la composante police, la Générale Patricia Boughani, et son adjointe Mamouna Ouedraogo, reconnaissant au Directeur de l’appui à la Mission, Anton Antchev, et ses collaborateurs, reconnaissant à mon Directeur de cabinet, El Hadj Boly Diene, reconnaissant au Conseiller principal à la sécurité, Emmanuel Monjimbo, et à la Directrice de notre service de la Communication stratégique et de l’information publique, Myriam Dessables. Évidemment, ma gratitude s’étend à toutes leurs équipes. Ils ont tous fait montre d'un engagement exemplaire.
Je me réjouis de la bonne collaboration que nous avons entretenue avec différents acteurs maliens, qu’ils soient gouvernementaux ou de la société civile, nationaux ou locaux.
Mesdames et Messieurs,
Nous partons du Mali -je veux dire la MINUSMA- enrichis par l’expérience que nous avons vécue et les relations que nous avons nouées avec nos partenaires, et reconnaissants au peuple malien pour son hospitalité.
Nous partons avec la conviction d’avoir fait tout ce qui était en notre pouvoir pour exécuter le mandat donné à la Mission, fiers de ce que nous avons pu accomplir mais aussi lucides quant aux limites de notre action.
Nous partons toutes et tous avec le Mali en nous, solidaires de l’aspiration de son peuple à la paix, à la sécurité et au développement.
Nous nous inclinons devant la mémoire de toutes les victimes maliennes, civiles ou militaires, de la violence qui afflige leur pays et le Sahel d’une façon plus générale depuis de très longues années, auxquelles j’associe toutes les victimes étrangères de la violence.
La MINUSMA quitte le Mali, mais les Nations unies y restent. Mes collègues des Agences, Fonds et Programmes des Nations unies, qui étaient au Mali bien avant le déploiement de la MINUSMA, vont continuer leur travail en appui aux priorités des autorités maliennes. Pour ce faire, ils auront besoin de ressources qui soient à la hauteur des défis à relever. J’en appelle à la générosité continue des partenaires au développement.
Je ne saurais terminer sans redire nos remerciements à nos collègues nationaux, qu’ils soient professionnels ou journaliers. Aucune opération de paix ne peut fonctionner sans leur apport et ils sont les meilleurs ambassadeurs auprès des populations locales et les plus à même de nous familiariser avec les réalités locales.
Je sais qu’ils ont à cœur de mettre au service de leur pays leur immense talent et l’expérience acquise tout au long de leur service au sein de la MINUSMA.
La famille que nous, personnels de la MINUSMA, formions va se disperser, mais elle ne se dissoudra pas. Nous resterons à jamais liés les uns aux autres par les amitiés forgées, le privilège d’avoir participé à une aventure difficile mais exaltante, et par notre attachement commun à un Mali en paix et prospère.