16 Jours d’activisme : Les femmes et les filles détenues du Centre de Bolé s’engagent à lutter contre toute forme de violences

6 décembre 2022

16 Jours d’activisme : Les femmes et les filles détenues du Centre de Bolé s’engagent à lutter contre toute forme de violences

Le 26 novembre 2022, une équipe de la MINUSMA a rendu visite aux détenues du Centre de détention, de rééducation et de réinsertion pour femmes et filles de Bolé à Bamako. Tenue dans le cadre de la campagne des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles, l’objectif de cette visite était d’informer et de sensibiliser ces femmes sur les conséquences des violences basées sur le genre (VBG) et en particulier des violences sexuelles. Une discussion qui aura aussi permis de libérer la parole de ces femmes silencieuses.  

Cet échange sur l’impact des violences sur leur vie et la nécessité de briser le silence, aura mobilisé les 197 femmes et filles pensionnaires (dont six mineurs dans leur quartier), les 27 enfants de moins de trois ans qui accompagnent leurs mères incarcérées, ainsi que le personnel pénitentiaire. À l’issue des échanges, les pensionnaires se sont engagées à dénoncer ces violences afin de sauver des vies.

Soulager les maux par les mots

Épreuve difficile, la prison peut l’être davantage si l’on est détenu avec son enfant. Les détenues peuvent être confrontées à des sévices et de violences physiques mais aussi multiformes, comme les brimades, les humiliations, l’isolement ou encore le harcèlement. À travers différents exposés, il était question pour la MINUSMA de permettre aux participantes d’avoir une meilleure connaissance des mesures à prendre pour la prévention et la réponse à ces actes de violence. Elles ont ainsi été édifiées sur les dispositions pour faire état d’un acte de violence en tant que victime ou témoin, notamment la nécessité de préserver la sécurité des personnes concernées, d’assurer un suivi après la dénonciation, mais surtout l’importance de briser le silence. La discussion aura surtout permis à ces femmes et filles, d’exposer leurs préoccupations pendant et après leur vie en prison.

Pour Ramata (nom d’emprunt) l’une des détenues, la violence psychologique est une des plus difficiles à surmonter surtout celle provenant des proches. Selon elle, après son incarcération, son compagnon s’est emparé de tous ses biens et sa famille ainsi que ses proches l’ont traité comme un paria. En détention, les liens maternels se distendent, de même que les liens conjugaux et amicaux qui peuvent aller jusqu’à se rompre, expliquent certaines détenues. D’autres, disent que faire face aux insultes, menaces et privations de visites de la part de leur famille, les poussent à ressentir un sentiment de honte et de culpabilité notamment envers leurs enfants et leurs familles. D’autres encore nous disent qu’il est fréquent que les hommes quittent leurs femmes quand elles sont en détention ou qu’ils soient plus violents avec elles à leur sortie de prison. Ce qui n’est pas réciproque lorsque c’est le mari qui est condamné, même à une peine lourde. C’est pour ces raisons qu’Alvine (nom d’emprunt), a particulièrement apprécié les efforts de plaidoyer et de sensibilisation de la MINUSMA pour l’élimination de la violence contre les femmes et les filles, qui selon elle, permettront de familiariser leurs futurs maris à la lutte contre la violence envers les femmes. Certaines détenues étrangères ont évoqué le besoin d’être assistées, parce que la barrière de la langue est une source de frustrations. Elles ont aussi attiré l’attention sur leur isolement du fait qu’elles sont emprisonnées loin de chez elles.

Le séjour carcéral : une expérience violente au cours de laquelle bourreaux et victimes se côtoient

En dehors des 203 détenues ainsi que les 27 enfants accompagnants, la prison compte 68 membres du personnel dont 10 hommes qui animent le service social, les unités de surveillance, socio-professionnelle, socio-culturel, agropastorale et de santé. Cette dernière s’occupe de la santé physique mais aussi mentale des détenues. Des cas de mariages forcés ayant abouti à des meurtres ou des tentatives d’empoisonnement du conjoint ont été rapportées chez les mineurs. D’autres femmes ont aussi pu connaître cette violence dans le cadre familial ou en couple, notamment à travers une agression ou l’exploitation sexuelle. L’expérience de la violence nait souvent dans le cadre carcéral. La vie des femmes détenues est généralement marquée par la brutalité et la violence, y compris pour se protéger.

À l’issue du moment de partage d’informations et de sensibilisation avec la MINUSMA, elles ont donc toutes pris l’engagement de ne plus être auteure d’aucune forme de violence entre elles et autour d’elles, et de dénoncer les violences dont elles sont victimes ou témoins. Ce fut également une opportunité pour elles, de remercier la MINUSMA pour le réconfort qu’elle leur a apporté à travers cette visite. 

Les 16 Jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles, concernent aussi celles qui sont détenues

Cette visite s’inscrit dans la campagne mondiale des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles qui commence le 25 novembre avec la journée éponyme et se termine le 10 décembre avec la Journée internationale des droits de l’Homme. À cette occasion, Fabiola Ngeruka WIZEYE, la Conseillère principale pour la protection des femmes de la MINUSMA a présenté aux participantes, le contexte et les objectifs de la campagne, tout en soulignant la nécessité d'œuvrer à l'éradication des violences basées sur le genre (VBG). Les VBG constituent des formes graves d’atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes dont les principales victimes sont les femmes et les enfants. Elle a notamment encouragé les femmes détenues à rompre leur silence et à signaler tout acte de violence à la hiérarchie pénitentiaire et aux travailleurs sociaux tout en suggérant que ces derniers encouragent et soutiennent les résidentes qui souhaitent parler des abus qu'elles ont subis. La cheffe de l'unité de protection des enfants de la MINUSMA, Solange VASSE qui a abordé la violence contre les enfants, a surtout invité les détenues à être plus résilientes et à rechercher l’assistance des nombreux prestataires pour une prise en charge holistique qui pourra les aider à surmonter leurs problèmes et préparer un nouveau départ après Bolé.

La MINUSMA a offert à la fin de la discussion un lot de matériel constitué entre autres de kits d’hygiène et de produits de désinfection. Le Directeur adjoint du Centre de détention, le Lt Col. Boubacar CAMARA, a remercié la Mission onusienne pour cette visite de sensibilisation tout en souhaitant que cela se reproduise : « la discussion organisée ce jour, a permis aux détenues de dire ce qu’elles ressentent et d’en apprendre davantage sur les VBG » a-t-il indiqué.