Comment seront cantonnés les combattants des groupes armés du nord du Mali

15 décembre 2015

Comment seront cantonnés les combattants des groupes armés du nord du Mali

La Mission des Nations Unies au Mali lancera mardi les travaux de construction des premiers sites devant servir au cantonnement des combattants des groupes armés du Nord du pays. Pour le directeur de l’unité Réforme du secteur de la sécurité/ Démobilisation, désarmement et réintégration de la MINUSMA, Samba Tall,  il s’agit d’une étape importante de la mise en œuvre des accords de paix. Selon lui, les populations profiteront non seulement des dividendes de la paix, mais aussi des projets socio-économiques qui seront développés autour des sites de cantonnement. Samba Tall a accordé une interview à MIKADO FM, à la veille du lancement des travaux.

 

MIKADO FM :   Où seront construits les premiers sites de cantonnement ?

 

Samba Tall : Ces travaux seront lancés respectivement dans la région de Tombouctou sur le site de Likrakar et dans la région de Gao sur les sites de Fafa et Ineggar.

 

Quels sont les critères qui ont présidé au choix de ces sites de cantonnement?

S.T : Tout d’abord permettez-moi un peu de revenir sur l’ensemble de ce processus. Au terme des Accords de paix et de réconciliation signés respectivement le 15 mai et 20 juin. Il est prévu un cantonnement des membres des groupes signataires. A l’issue de ce cantonnement, il y aura un programme de DDR et un programme de réintégration-intégration dans les forces de sécurité et de défense qui seront conduits simultanément.

Donc toujours même au niveau même de ces Accords de paix, il est prévu des organes pour mettre en œuvre tout ce processus. Vous avec donc le Comité de suivi de l’Accord qui s’occupe des questions politiques, qui a 4 sous-comités dont le sous-comité défense et sécurité qui s’occupe de toutes les questions, y inclut le cantonnement, le DRR et la réintégration-intégration. Ensuite, vous avez la Commission technique de sécurité qui comprend des représentants de toutes les parties signataires. Ensuite vous avez un mécanisme opérationnel de coordination qui s’occupe plus de la sécurisation de tout ce processus. Les sites en question pour le cantonnement sont proposés par les parties signataires. Ensuite il y a des reconnaissances qui sont conduites sur le plan technique et environnemental, pour voir la viabilité du site, sa capacité. Ces propositions sont menées au niveau de la Commission technique de sécurité (CTS) où sont représentées toutes les parties signataires, qui valide le site et ensuite qui fait les choix sur les sites à construire et dans quel ordre on les construit. Donc nous en sommes à cette première étape où il y a déjà eu 24 sites proposés par les parties signataires. Il y en a 13 qui sont reconnus. Les reconnaissances continuent pour les autres. Sept sont validés et parmi ces sept, trois ont été choisis au sein de la CTS, d’un commun accord avec la plate-forme, la CMA, le Gouvernement et tous les autres membres représentés au sein de la CTS. Donc nous  allons commencer la construction sur ces trois sites.

 

Les populations riveraines sont-elles consultées avant le choix définitif de ces trois sites?

 

S.T : Effectivement, les sites ont été choisis en consultation avec les populations riveraines, les autorités locales, gouvernementales et les autorités coutumières, comme les chefs de villages.

 

Quelle est la configuration d’un site de  cantonnement?

 

S.T : Comme vous le savez, le cantonnement doit durer trois mois. Donc le site de cantonnement est prévu pour abriter un certain nombre de combattants. Donc dans le cas précis, c’est 750 combattants par site. Sur chaque site, vous aurez un forage pour l’eau courante, vous aurez l’électricité, et vous aurez un nombre de bâtiments en dur, pour servi de magasins, de bureaux et de toutes les commodités.  

Pourquoi ce choix d’avoir des tentes pour loger les gens et les bâtiments en dur. Il faut que le site serve aussi à la population locale. Donc dans le plan qui a été proposé et adopté, tous ces sites peuvent être transformés immédiatement après le cantonnement en quelque chose qui socialement peut profiter aux populations; que ce soit une école, un centre de formation professionnelle ou un centre commercial.

 

Donc on pense à la pérennité des installations…

 

S.T : On pense à la pérennité des installations, d’autant plus qu’à côté de chaque site de cantonnement, il y a déjà des projets socio-économiques prévus pour les populations environnantes. Donc là où il y aura un site de cantonnement, il y aura un embryon de réalisations qui permettent, durant le cantonnement, de réaliser des activités socio-économiques avec les populations environnantes.

 

Quels types d’activités?

 

S.T : Actuellement, nous avons des projets en cours qui portent sur le maraichage, le jardinage, l’élevage, tout ce qui a trait réellement aux services sociaux de base.

 

Les Nations unies ne sont pas à leurs premiers sites de cantonnement. Quelles sont les leçons tirées ailleurs qui permettent de mieux faire les choses au Mali?

 

S.T : Ce qui a été tiré de toute l’expérience, c’est que quand il y a un site de cantonnement, il faut aussi des activités sociales, économiques de base pour les populations environnantes. Ça c’est d’un. De deux, même si le cantonnement est un processus temporaire, il faut quand même avoir une infrastructure pérenne qui puisse servir au lendemain. Raison pour laquelle, par exemple, au Mali on a beaucoup insisté pour que chacun de ces sites ait un forage. Parce qu’une fois que vous avez un forage autour d’un site, vous pouvez mener beaucoup d’autres activités connexes.

 

C’est une façon aussi de s’assurer de l’adhésion des populations…

 

S.T : Tout ce qui se fait, se fait pour les populations. Donc l’adhésion des populations, elle est acquise déjà, même avant ça, mais il faut la renforcer, il faut que les populations comprennent que lorsqu’on règle les problèmes de sécurité, il faut allez aussi vers les autres problèmes socio-économiques de manière concomitante. Et c’est ce que nous essayons de renforcer dans tous ces programmes de cantonnement, de DDR, ou  de réintégration-intégration.

 

Combien de temps dure la construction d’un site, et combien de temps avez-vous prévu pour que tous les sites prévus pour ce cantonnement soient prêts à accueillir les combattants?

 

S.T : La construction d’un site de cantonnement dépend de sa position géographique. Tous ces sites ont les mêmes capacités. Ça dépend maintenant de la position géographique, de la facilité à amener les matériaux de construction et tout. Un site de cantonnement peut être construit entre deux et  quatre  mois. Mais nous mettons la priorité sur l’aménagement de base. Donc la première étape que nous ferons dans chaque site de construction, c’est vraiment le forage, c’est d’amener l’eau, d’abord  en priorité.

 

Quelle est la complexité d’en construire au Mali?  On sait  que les conditions ne sont pas faciles, c’est un pays très très vaste. Quel problème cela constitue pour vous?

 

S.T : Comme je l’ai évoqué, c’est la géographie le premier défi à relever. Les distances au Mali c’est un défi à relever. Donc nous avons pris tout ça en compte. Je dois aussi préciser que tout travail qui se fera sur ces sites se fera avec la main-d’œuvre locale et l’entreprenariat local. Ça, c’est une question de principe au niveau des Nations unies.

 

Une plus-value pour la région…

 

S.T : C’est une plus-value pour la région, voilà.

 

Quel est le chronogramme de ce processus DDR qui accuse déjà du retard?

 

S.T : Effectivement, si on s’en tient aux termes des Accords de paix, il y a une commission nationale de DDR et une Commission nationale de réintégration qui auraient dû être mises sur pied 120 jours après la signature des Accords. De même, les listes certifiées des combattants, des équipements militaires et des mouvements devraient être remises à la Commission technique de sécurité 30 jours après la signature des Accords de paix. Donc nous avons ces préalables qui sont encore en cours d’élaboration. Donc le début du processus DDR qui se fera simultanément avec la réintégration-intégration dépend de la mise en œuvre de ces préalables. Et là actuellement, la MINUSMA et le Comité de suivi de l‘Accord travaillent avec toutes les parties signataires pour la mise en place, au plus rapide, de ces préalables.

 

Avec la construction de ces sites de cantonnement, a-t-on franchi une étape, tout au moins symbolique, dans la mise en œuvre des accords, parce que voir les combattants être cantonnés symboliquement,  il y a une charge qui est assez forte?

 

S.T : Je dirai même plus que symbolique. Il y a le symbolique, il y a aussi la réalité. La réalité, c’est que ceci est une étape réelle dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. Parce que le cantonnement des troupes, c’est d’abord un engagement pris par les parties signataires d’une part, d’autre part, c’est quelque chose qui permettra d’améliorer beaucoup la sécurité. Parce que comme vous le savez, des hommes en armes en circulation dans une région, ça ne facilite jamais la sécurité. Donc le fait de cantonner est un réel engagement politique de la part de tous les signataires, c’est aussi un grand pas dans l’amélioration de la situation sécuritaire dans ces régions du nord du Mali.

 

Propos recueillis par Karim Djinko

MIKADO FM