Conférence de presse de fin de visite - Propos introductifs du Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix

31 janvier 2020

Conférence de presse de fin de visite - Propos introductifs du Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix

Bamako, le 30 janvier 2020

Olivier Salgado, porte-parole de la MINUSMA :

Mesdames et Messieurs,

Bienvenus à ce point de presse et merci d’avoir fait le déplacement aussi nombreux. Aujourd’hui nous accueillons le Secrétaire général adjoint des Nations unies aux opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, avec à ses côtés, le Représentant spécial du Secrétaire général au Mali et Chef de la MINUSMA, M. Mahamat Saleh Annadif.

Au Mali depuis dimanche, M. Lacroix s’est rendu à Gao, Tombouctou et Mopti où il était hier. Les rencontres furent nombreuses durant ces jours de travail intense.

Je laisse sans plus tarder le soin à M. Lacroix de vous livrer ses impressions et remarques qui seront suivies par une session de questions/réponses. M. Lacroix, c’est à vous.  

Jean-Pierre Lacroix : Merci beaucoup et bonjour mesdames et messieurs. Tout d’abord, excusez-nous du retard. Nous avons eu des réunions importantes avec M. Annadif et Mme Gasarabwe ainsi que les collègues de la MINUSMA, et des discussions très riches avec les représentants des partis politiques ce matin. Je le dis parce qu’ici au Mali, une des caractéristiques c’est la richesse du dialogue, la liberté de parole, la franchise des discussions et des débats, et je crois que cela n’a pas de prix. Mais c’est aussi quelque chose qui prend un peu de temps, donc encore une fois, nos excuses.

L’objectif de cette visite est de faire le point mais surtout de voir comment nous, aux Nations Unies et la MINUSMA, mais aussi avec nos partenaires, comment nous pouvons accompagner les efforts qui sont en train d’être faits pour ramener la paix et la stabilité au Mali. C’est dans cette perspective que nous sommes allés à Gao et aussi dans le Centre, à Mopti. Nous avons rencontré la société civile et les représentants des autorités. J’ai rencontré le Premier ministre ainsi que plusieurs ministres. Ce qui ressort est qu’il y a bien sûr des défis en matière de sécurité, des efforts qui sont encore importants dans le domaine de la mise en œuvre de l’Accord de paix et la situation au Centre, mais il y a aussi des perspectives. Il y a aussi des pistes qui sont encourageantes.

D’abord, il y a le Dialogue national inclusif qui a donné lieu à une large consultation et dont je crois qu’il est jugé positivement par une très large majorité des interlocuteurs que nous avons rencontrés. Je crois aussi qu’il a donné lieu à une large socialisation de plusieurs questions auprès des participants, auprès de la population malienne, y compris l’Accord de paix.

Il a maintenant la perspective de la mise en œuvre des conclusions du Dialogue inclusif et notamment la perspective prochaine de la tenue des élections pour lesquelles les Nations unies seront en soutien naturellement pour que ces élections se tiennent dans les meilleures conditions possibles, meilleures conditions de sécurité possibles, meilleures conditions d’inclusivité à la fois s’agissant de l’ensemble des régions du Mali, mais également la participation des femmes, des déplacés, pour que ce soit une consultation qui puisse réellement donner un nouvel élan, aussi créer des bases pour la mise en œuvre d’autres éléments importants comme les réformes institutionnelles.

Il y a aussi des perspectives encourageantes en ce qui concerne le redéploiement de plusieurs unités des Forces armées du Mali, les FAMa reconstituées à Kidal, à Gao, à Tombouctou, à Ménaka. Je suis convaincu que ce sera une étape extrêmement importante sur les plans sécuritaire, politique et symbolique. Vous le savez, les Nations unies sont totalement en soutien de cette démarche, à la fois un soutien politique, mais aussi pratique et logistique important depuis le début, et nous allons continuer.

Il y a la situation au Centre. A Mopti, nous avons rencontré les représentants de la société civile très nombreux, de plusieurs cercles et plusieurs régions du Centre. Ils nous ont exprimé leur reconnaissance et leur appréciation pour ce que fait la MINUSMA. Et là, ce n’est pas moi qui parle. Ce sont vraiment eux qui nous ont dit qu’ils appréciaient ce que nous faisons, qu’il y avait plusieurs zones où ils reconnaissaient qu’il y avait eu des progrès en matière de sécurisation mais aussi pour amener des appuis sous forme de projets concrets au bénéfice de la population grâce à l’action de la MINUSMA qui travaille toujours en étroite liaison avec les autorités nationales et locales, mais aussi les populations et la société civile. Dans le Centre, nous avons aussi entendu des attentes de la part de ces représentants et aussi des critiques. Tout cela, nous l’avons pris comme un encouragement à faire plus, à faire davantage et à faire mieux.

A Gao, nous avons aussi rencontré des représentants de la population qui ont aussi exprimé ces sentiments positifs sur l’action de la MINUSMA et qui nous ont dit qu’eux étaient les premiers concernés par l’action de la MINUSMA. On l’a aussi entendu dans le Centre. Ils vivent des situations difficiles et compliquées et sont bien placés pour mesurer ce que l’on fait et sont bien placés pour nous dire certaines attentes et certaines critiques. Tout cela, encore une fois, nous le recevons dans une approche constructive parce que notre but est de soutenir les efforts en cours et de soutenir la population.

La MINUSMA est sollicitée. Vous le savez, nous avons maintenant un Mandat pour le Centre et un Mandat pour le Nord et les moyens de la Mission sont toujours les mêmes. Les états membres ne nous ont pas donné davantage de moyens. Alors nous faisons deux choses. D’abord, nous faisons le maximum pour réorganiser le dispositif afin, malgré ces contraintes de moyens, d’être là où le besoin se fait le plus sentir et d’optimiser nos moyens. Je crois qu’il faut comprendre. Parfois, on voit seulement la composante militaire, et de manière trop exclusive. La MINUSMA c’est un ensemble d’actions avec des civils, des policiers, des militaires qui font beaucoup de travail politique, travail de réconciliation, de soutien aux efforts politique au niveau national à travers l’action de tous les jours de M. Annadif notamment mais aussi des efforts au niveau local, encourager les efforts de réconciliation des communautés, encourager le retour des services, encourager le retour de l’Etat, encourager le retour de la police et des services judiciaires parce qu’il faut que la justice puisse travailler, qu’il y ait pas d’impunité, c’est fondamental.

Nos moyens militaires sont aussi en soutien aux FAMa qui sont dans un processus de reconstruction qui n’est pas facile. Il est d’autant moins facile que les FAMa sont aussi en opération. Je crois qu’il y a peu de cas dans le monde de forces armées qui sont à la fois en reconstruction, et en même temps dans un processus d’opération difficile. Tout cela nous le comprenons et encore une fois, c’est un défi. Nous sommes là pour apporter notre concours.

Je voudrais par avance dire que nous souhaiterions faire plus avec davantage de moyens. Ce n’est pas tellement une question de Mandat. Tout ce que nous faisons collectivement avec la population, les sociétés civiles, les autorités…tout cela a pour but de faire revenir l’État, de faire reculer la menace terroriste. Nous avons un Mandat suffisamment robuste pour aller contrer les acteurs terroristes lorsqu’il le faut. Je crois que ce qui est important est de continuer les efforts.

De notre côté, que nous fassions le maximum pour nous adapter aux circonstances qui changent. Nous avons en cours un plan d’ajustement ou d’adaptation de notre Force qui est au service de l’ensemble de la Mission et au service des Maliens, au service des autorités. J’ai personnellement dit aux états membres qu’il faudrait un effort de leur part sur les ressources pour nous permettre de mener à bien ce plan d’adaptation. Nous avons aussi une exigence qui est de poursuivre et de renforcer cette étroite coopération avec les populations, avec les acteurs locaux. Ce n’est que de cette façon que nous réussirons un effort collectif avec les Maliens, leurs autorités, leurs représentants à tous les niveaux et bien sûr les partenaires qui travaillent à nos côtés que ce soit l’Union européenne ou encore le G5-Sahel, qui connait une nouvelle dynamique à la suite du Sommet de Pau qui a donné une impulsion et redéfinit les priorités stratégiques. Les Nations unies et la MINUSMA soutiennent le G5-Sahel de manière très concrète. Nous souhaiterions avoir un Mandat pour faire plus mais le Mandat que nous avons, nous voulons le mettre en œuvre pleinement.

Voilà mesdames et messieurs, quelques commentaires que je voulais faire. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Olivier Salgado : Merci M. Lacroix, nous allons passer à des questions si nous n’avons plus d’intervention. Nous allons commencer par Madame. Un micro arrive, merci de vous présenter rapidement et de poser votre question.

Moumine Sendébou, journaliste au "Studio Tamani" : Vous avez eu ce matin des rencontres avec les groupes signataires et les partis politiques, qu’est-ce qu’on peut noter de ces rencontres. En même temps, quel est clairement la position de la MINUSMA ? Les attaques se multiplient au Centre du pays et ce sont les civils et les militaires maliens qui payent le prix. Pourquoi aujourd’hui, jusqu’à présent, la MINUSMA n’a pas la possibilité d’intervenir ?

Amadou Salah Touré, journaliste à la radio "Salam" et au site d’information en ligne "LumièreInfo+.com" : Merci beaucoup, ma première question. Si vous comprenez la mobilisation des Maliens ou voire, certains jeunes au Sahel contre la communauté internationale. C’est parce que pour eux, aujourd’hui, le Sahel est dans un complot international. Est-ce que vous comprenez leur mobilisation ? C’est la première question.

Jean-Pierre Lacroix : Le Sahel est dans ? je n’ai pas bien compris la question…

Amadou Salah Touré, journaliste à la radio "Salam" et au site d’information en ligne "LumièreInfo+.com" : Le Sahel est dans un complot international selon beaucoup de jeunes qui font des mobilisations. Deuxième question : la MINUSMA est là, mais, comme ma sœur a « marché un peu sur ma langue »… Troisième question : on n’a pas compris pourquoi les camps maliens sont attaqués, les camps nigériens mais jamais il n’y a pas eu une attaque dans le camp MINUSMA. Les gens ne comprennent pas cela. 

Olivier Salgado : Cela fait trois questions déjà mais nous allons donner la parole à monsieur derrière.

Iné Ombotimbé, journal le "Bercail" : M. Lacroix, vous venez de boucler une mission dans la région de Mopti, Gao et Tombouctou, concrètement quelles sont les leçons que vous tirez de cette mission ? La deuxième question : il y a quelques semaines de cela, la jeunesse de Bandiagara, s’était révoltée contre la MINUSMA. Vous venez d’une mission là-bas, qu’est ce qui s’est passé exactement ? Qu’est-ce qui s’est passé exactement avec la population de Bandiagara ?

Olivier Salgado : Merci pour les questions ? Monsieur Lacroix, si vous voulez bien répondre. 

Jean-Pierre Lacroix : Je crois que la première question de Madame portait sur les contacts avec les partis politiques, enfin avec toutes les parties, y compris les groupes signataires. Nous avons rencontré tout le monde. L’impression que je retire c’est que, malgré les divisions, les positions de chacun, les convictions de chacun qui s’expriment, encore une fois librement, dans le cadre de cette belle démocratie qui est le Mali, malgré tous les défis, il y a aussi quelque chose qui, comment dirais-je, malgré tout une préoccupation commune. Je pense que le Dialogue national qui vient de se terminer a dû, sans doute, beaucoup contribuer à faire émerger cette préoccupation et ces visions largement partagées, sur la nécessité d’une consultation électorale démocratique qui se tienne dans de bonnes conditions ; sur l’importance de la mise en œuvre de l’accord au Nord ; sur l’importance de se mobiliser sur les défis au Centre. Mais bien sûr, il y a des positions diverses, les gens viennent d’horizons et de parcours différents mais moi, je ressens quand même, qu’au-delà de ces divisions il y a des objectifs qui sont très largement communs. Ça c’est la première chose. C’est mon impression.

La deuxième chose c’est votre question sur les attaques au Centre. Bon, encore une fois, je reviens de Mopti. Nous avons écouté de très nombreuses personnes, représentants des communautés et de la population civile et, elles nous ont dit, bien sûr nous reconnaissons les défis de sécurité mais elles nous ont presque unanimement dit qu’elles appréciaient l’action de la MINUSMA et qu’elles reconnaissaient que là où nous étions intervenus, il y avait eu des progrès en matière de sécurisation. Encore une fois ce n’est pas moi qui le dis mais ce sont eux. Est-ce que cela veut dire que tous les problèmes ont été réglés ? Bien sûr que non. Personne ne le dit. Est-ce que cela signifie qu’il faut juste maintenant s’arrêter et se croiser les bras ? Au contraire. Moi, ce que j’observe c’est d’abord que les autorités maliennes s’investissent beaucoup. Le Premier ministre s’est rendu plusieurs fois dans la région. Le Ministre Guindo récemment, que nous avons rencontré ce matin y est allé également. Il y a des efforts de réconciliation des accords locaux qui ont été signés, qui ont permis ensuite à nos collègues de faire davantage en matière de sécurisation, de faire venir des projets. On nous a exprimé (la population) beaucoup de reconnaissance pour des projets très concrets qui avaient été mis en œuvre, pour que les gens puissent revenir à leurs activités normales, et ils nous ont demandé davantage, ce qui est normal. Reconstruire des ponts, faire des projets en matière d’eau ou permettant de générer rapidement des emplois pour les jeunes. Moi, je n’ai pas du tout entendu : « Il y a des attaques et vous ne faites rien ». Cela ne veut pas dire encore une fois qu’il n’y a plus d’attaque. Cela ne veut pas dire qu’il faut s’arrêter. Cela veut dire qu’il y a une dynamique qui inclut aussi, je le répète, les autorités maliennes locales et nationales, même si les FAMa sont elles-mêmes encore en difficulté. Il y a des endroits du Centre d’où les FAMa sont partis et nous espérons, et nous allons les aider, qu’elles pourront revenir de manière à ce que nous ne soyons pas, ou le moins possible, ou le moins longtemps possible seuls à être présents. Parce que notre objectif commun, c’est le retour de l’Etat partout. C’est cela qui fera que la paix et la prospérité pourra ensuite se développer au Mali.

Alors, je n’ai pas très bien compris la question sur le complot, je ne sais pas exactement. Je pense qu’au Sahel il y a des menaces réelles, ça c’est sûr. Il y a une reconnaissance croissante de la gravité de cette situation, à la fois par, évidemment les pays de la région mais aussi par la Communauté internationale. C’est cela qui est important. Je pense qu’il y a une volonté de consolider les efforts en cours et de faire plus aussi. Encore une fois récemment le sommet de Pau l’a démontré et bien d’autres choses encore. Il y a bien d’autres initiatives je pense aux travaux de la CEDEAO, à la suite du sommet de Ouagadougou, l’initiative qui s’appelle PSSS, c’est-à-dire le Partenariat pour la stabilité et la sécurité au Sahel. Donc, il y a surtout une reconnaissance du caractère sérieux de la situation et de la nécessité de faire davantage, en étroit partenariat avec les pays du Sahel.

Je vous rappelle, Monsieur Touré, qu’il y a eu des attaques fréquentes contre les camps de la MINUSMA, nous avons eu des morts. Je voudrais juste dire quand-même, parce que je ne peux pas laisser passer ça, l’année dernière en janvier, le camp d’Aguelhok a été attaqué. Nous avons eu onze morts tchadiens, les compatriotes de M. Annadif. Sans compter les nombreux blessés qui ont repoussé l’attaque des terroristes et qui ont permis, grâce à leur action héroïque, non seulement de protéger le camp mais de faire en sorte qu’Aguelhok soit restée entre les mains des Forces et de la présence légitime. Moi je me souviens, j’étais allé à Aguelhok et les populations m’avaient dit : « si la MINUSMA part, on va partir avec vous ». S’il n’y avait pas eu cette réaction à l’époque des soldats de la MINUSMA, aujourd’hui Aguelhok serait contrôlée par des groupes terroristes et je ne vous parle pas des attaques contre de EID, de mines. Rien que cette année, nous avons eu plusieurs dizaines de blessés à cause de ces attaques. Donc tout le monde est visé. C’est pour cela que je dis, nous sommes dans le même bateau. La population souffre, elle a des victimes, les FAMa, nous-mêmes. Parce que ceux qui nous attaquent et qui vous attaquent savent que nous sommes dans le même camp. Nous travaillons pour la paix et ce n’est pas la paix qu’ils souhaitent.

Donc la troisième question qui porte un peu sur les leçons des visites à Gao et Mopti. D’abord c’est le sentiment qu’aujourd’hui il y a une forte solidarité entre les acteurs locaux, la population, leurs représentants, nos collègues, les autorités. Le sentiment que j’ai vraiment retiré c’est qu’il y a une conscience que nous travaillons en commun et qu’il faut faire plus, que les défis sont toujours là, importants, mais que si nous nous en donnons les moyens, nous pouvons arriver à les surmonter. Encore une fois ce n’est pas de l’optimisme béat. C’est du volontarisme de notre part, de la part de nos collègues de la MINUSMA qui font tous les jours énormément d’efforts.

Olivier Salgado : Merci bien pour ces réponses. Nous avons une question au fond ? Coralie ? Et ensuite nous passerons devant ici, avec Mame.

Coralie Pierret, RFI: Vous avez fait référence au Dialogue national et vous revenez du Centre, donc Dioncounda Traoré qui est le Représentant du Chef de l’État pour le Centre a annoncé ouvrir un dialogue avec les djihadistes, notamment des leaders de GISM, Koufa et Ag Ghali. Quelle est la position de la MINUSMA par rapport à ça, sur un éventuel dialogue avec les terroristes?

Et la deuxième question, est une question un peu plus technique. Peut-être Mr. Annadif pourra répondre. Après l’attaque de Sokolo dans le centre du Mali aussi, depuis le mois de décembre Il y a des alertes dans cette région, les FAMA notamment vers Diabaly avaient demandé des renforts. La MINUSMA était informé il me semble, depuis la MINUSMA a envoyé des renforts à Diabaly et si oui combien d’hommes, est-ce qu’on peut avoir quelques détails ?

Mame Diarra, Radio Mikado : Vous avez mentionné le Dialogue national inclusif qui s’est tenu sans la participation de l’opposition, en tous cas les principales parties, est-ce que dans vos consultations avec elles lors ce séjour, vous avez senti qu’elles adhérent désormais aux recommandations de ce dialogue national inclusif? Et deuxième question, la réunion du haut niveau du CSA, tenue au mois de décembre, après une interruption, comment cette médiation pourra aujourd’hui mieux jouer son rôle face aux différents obstacles au processus de paix.

Olivier Salgado: Merci. Et enfin une question par ici.

Maciré Diop, L’Indépendant : Ma première question c’est surtout à la nouvelle posture de la MINUSMA. Vous avez tantôt insisté sur la lutte contre le terrorisme. Est-ce qu’on doit comprendre désormais que la MINUSMA va être beaucoup plus engagée, voir même que son mandat également, va être porté beaucoup plus sur la lutte contre le terrorisme ? Ma deuxième question est par rapport à la situation humanitaire parce qu’avec ces attaques, c’est surtout la situation humanitaire qui se dégrade davantage alors qu’on voit que tout est porté sur les efforts en tout cas militaires. Est-ce que vous pensez aussi à cet aspect qui aussi très important. Je vous remercie.

Jean-Pierre Lacroix : Merci beaucoup. Il y avait d’abord la question sur le dialogue avec Katiba Macina avec Koufa. Il y a eu effectivement plusieurs déclarations émanant des autorités Maliennes, y compris hier. Nous allons suivre avec beaucoup d’intérêt toute ces différentes prises de position. Je crois que ce qui est important quand on parle de dialogue avec les parties quel quelles soit, d’abord est-ce qu’il y a une disposition au dialogue ? Pour faire quoi ? Et est-ce que les actes correspondent à un minimum à une prédisposition au dialogue parce que s’il y a des représentants des autorités maliennes qui sont tués, attaqués, les écoles attaquées, fermées, la population est harcelée. Ce ne sont pas des symptômes de prédisposition au dialogue très évident. Donc je vous laisse avec ces considérations.

En ce qui concerne la question adressée à Mr. Annadif, je suis certain qu’il donnera plus d’éléments sur Diabaly. Il y a des renforts qui ont été déployés de la part de la MINUSMA dans cette zone.

Le dialogue national et l’opposition. Bien, nous avons rencontré les partis d’opposition et nous avons parlé de cette question. Mais ce qui apparait c’est que d’un côté, effectivement, elles n’ont pas participé au stade national du dialogue national inclusif, mais elles ont aussi souscrit ou rejoints les principales conclusions de ce dialogue national inclusif. Je crois qu’à chacun son rôle au Mali. Encore une fois, c’est la vitalité de la démocratie malienne et en même temps, le Mali a besoin de mobilisation autour de certains objectifs qui sont essentiels pour le retour de la paix et la stabilité dans ce pays. Je crois que c’est dans cette perspective que nous encourageants tous les acteurs de s’inscrire.

La réunion du CSA. Je pense que c’était très important que le CSA se réunisse à nouveau à haut niveau. Nous avons besoin de la mobilisation d’une médiation internationale. J’ai aussi rencontré les représentants de la médiation. J’ai trouvé extrêmement important que le ministre Sabri Boukadoum, le ministre des Affaires étrangères de l’Algérie qui se mobilise est venu pour présider cette réunion du CSA. Encore une fois, le Mali bénéficie d’un atout essentiel qui est l’unité de la communauté internationale autour des efforts qui sont faits pour ramener la paix et la stabilité dans votre pays. Et je le dis parce que la plupart des grandes situations auxquelles l’ONU est confrontée, la communauté internationale est malheureusement divisée et que ce soit le Yémen, Syrie, Proche-Orient ou bien d’autres situations y compris en Afrique et au Mali au contraire, tous les partenaires internationaux sont réunis, unis au tour des mêmes objectifs. Je voudrais le signaler parce que c’est un atout formidable. Vous avez cet atout, vous avez l’atout de votre démocratie, la vitalité de cette liberté de parole sur laquelle faut vraiment construire et poursuivre les efforts.

Et enfin la dernière question, je pense que tous les efforts qui sont fait pour ramener la paix et les efforts de la MINUSMA entrent dans le cadre de son mandat qui un mandat robuste. Je voudrais le signaler parce que c’est un atout formidable. Vous avez cet atout, vous avez l’atout de votre démocratie, la vitalité de cette liberté de parole sur lesquels il faut vraiment construire et poursuivre les efforts.

Enfin la dernière question. Je pense que tous les efforts qui sont faits pour ramener la paix et les efforts de la MINUSMA dans le cadre de son mandat, qui est un mandat robuste, sont des efforts qui visent à contrer, à faire reculer le terrorisme. Si vous me demandez si la MINUSMA a mandat d’aller chercher un par un au fond des forêts ou des déserts les groupes terroristes d’une façon proactive ? Non ! Mais, d’autres, y compris certaines forces internationales (G5 Sahel, Barkhane) le font. Mais cela ne veut pas dire que le travail qui est fait par la MINUSMA dans son ensemble, les collègues civils, police et militaire, ne font pas un travail qui n’est pas in fine et a pour but de faire reculer le terrorisme. Mais c’est un défi qui est à la fois de nature politique et de nature sécuritaire.

Lorsque dans le Centre ou à Gao, nous déployons la MINUSMA, ses militaires, ses policiers et ensuite les civils, réconcilier les communautés, ça veut dire donner beaucoup moins de prise aux terroristes pour qu’ils exploitent les tensions entre communautés, ça veut dire fermer l’espace pour les empêcher de diffuser leur présence et leurs messages. Travailler pour sécuriser des espaces et permettre aux acteurs humanitaires de se déployer et de mettre en place des projets, c’est aussi faire reculer le terrorisme, l’empêcher de se développer. Contrôler certains axes, patrouiller comme nous le faisons dans la région de Gao ou encore dans plusieurs zones du Centre, malgré encore une fois, les limitations de nos moyens, c’est aussi contenir cette menace et empêcher les groupes de s’éparpiller partout où ils souhaiteraient le faire.

Encore une fois, il faut d’abord que les FAMa remontent en puissance. C’est quelque chose que nous soutenons de manière à ce qu’elles puissent progressivement prendre le lead sur ces questions. Il faut que le G5 développe aussi son action, nous le soutenons. La communauté internationale a clairement affirmé qu’elle allait poursuivre et renforcer ce soutien. Il y a aussi Barkhane. Le maitre mot, c’est la complémentarité. Tous ces efforts concourent à faire reculer le terrorisme et à faire revenir la paix au Mali et dans la région du Sahel.

Mbaranga Gasarabwe, Représentante Spéciale adjointe du Secrétaire général, Coordonnatrice Résidente du Système des Nations Unies et Coordonnatrice humanitaire

Vous m’avez posé une question sur la situation humanitaire et c’est l’occasion pour moi d’en parler. Je vais revenir sur cette complémentarité dont parlait M. Lacroix. Vous savez on le dit souvent et on le rappelle, les Nations Unies étaient au Mali ici avant la crise et la Mission a été déployée dans une situation de crise. Et cette situation de crise se caractérise d’abord par l’insécurité. Il faut donc contenir dans un premier temps cette situation d’insécurité pour qu’on puisse remonter en puissance avec le retour de l’Etat dans tous les cercles et au niveau de tous les villages qu’on sente qu’il y a l’autorité de l’Etat. On était hier à Mopti où on a visité le site des déplacés. On dénombre aujourd’hui 74 000 déplacés pour Mopti seulement pour près de 200 000 déplacés pour tout le territoire national. Le souhait de toutes ces personnes déplacées est de retourner chez elles dans leurs localités d’origine. Quand on a interagi avec la société civile hier, on sent une volonté de cohésion sociale entre les personnes déplacées et celles qui sont restées sur place. Il existe beaucoup d’actions de médiation au niveau local. Mais la question que l’on se pose est, est ce que les gens vont retourner chez eux, s’occuper de leurs activités, s’occuper de l’agriculture comme ils le faisaient avant, retrouver leurs biens ? C’est là le nerf de la guerre et il faut absolument voir si cette cohésion sociale est possible. Et on a vu que c’est possible. Je mets l’accent là-dessus, parce que ça concerne tout le monde. Je crois que les populations peuvent elles-mêmes contribuer à renforcer la sécurité. 

On a vu des exemples à Ténenkou. Vous savez c’est une région qui était très affectée. Aujourd’hui on a rouvert les six écoles. Et si ces écoles ont pu rouvrir et que les enfants peuvent aujourd’hui étudier, c’est en partie grâce aux efforts des communautés que nous appuyons à travers le « laboratoire de la paix ». Au niveau de la santé, de l’éducation, ce sont les populations elles-mêmes qui sont aux premiers rangs. Des jeunes ont témoigné que s’ils ne font pas ces activités, personne ne le fera à leur place. Ce sont des communautés qui ont une certaine affinité ou des connaissances du milieu et cela peut aider pour le retour de la paix. La sécurité reste donc un défi à relever.

Le nombre accru des déplacés accentue aujourd’hui la situation humanitaire. Quand les gens ne peuvent pas mener leurs activités à cause de l’insécurité, c’est l’insécurité alimentaire et même la famine qui les guettent. On continuera à demander au Programme alimentaire mondial et d’autres organisations ailleurs de venir nourrir les populations. Voilà ce qui nous guette. Sur ces questions nous travaillons avec les autorités nationales pour trouver des solutions. Nous sollicitons d’ailleurs les journalistes pour renforcer le plaidoyer pour la mobilisation des ressources pour assister les populations dans le besoin car en général, les conflits affectent plus les femmes et les enfants. Il faut aujourd’hui une symbiose entre les populations et les autorités qui doivent être aujourd’hui sur le terrain.

Mahamat Saleh Annadif, Représentant Spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUSMA

Je voudrais rappeler que cela fait plus d’un an que la mission de la MINUSMA a été étendue au niveau du Centre et qui a pour mandat principal la protection des civils. Dans le cadre de la protection des civils, nous menons au quotidien, ce genre de patrouilles dont on a beaucoup parlé dernièrement à la suite d’un nombre d’obstructions au niveau de Bandiagara. Mais elle concerne toute la région, tous les cercles, aussi bien Koro que Bankass et qui se font en parfaite coordination avec les FAMa.

Je précise bien que nous ne venons pas en substitution mais nous venons en appui aux Forces de défense et de sécurité maliennes. Par rapport à ce qui s’est passé à Sokolo, vous savez le même jour, il y a eu l’attaque à Sokolo et l’attaque à Dioungani. A Dioungani, aujourd’hui depuis quatre ou cinq jours, il n’y a aucune autre présence à part la MINUSMA qui est venue en secours à ces populations. Mais en même temps, nous avons envoyé des éléments aussi bien aériens que terrestres au niveau de Sokolo. Toutes les évacuations médicales ont été faites par nous et à l’heure où je vous parle, nous sommes pratiquement en commun avec nos partenaires des Forces de défense et sécurité maliennes.

Le travail est multiforme, il est quotidien. Peut-être qu’on en entend parler seulement que quand il y a des attaques, mais pour nous les attaques sont au quotidien. Tout ce qui menace la sécurité des populations, nous le prenons en charge au quotidien. La parenthèse de Bandiagara, nous avons su tout simplement que c’était une manipulation par un certain nombre de personnes qui cherchaient autre chose. Et aujourd’hui les populations ont compris que nous aidons à leur protection, nous aidons également le gouvernement à combattre l’impunité. Nous menons des enquêtes sur la question des droits de l’homme, accompagnons la chaine judiciaire, nous accompagnons également la réconciliation et la cohésion sociale. Toutes nos unités civiles sont déployées au niveau de cette région. Notre soutien, notre appui aux Forces de défense et de sécurité est d’abord régi par un accord que nous avons avec les FAMa et qui s’exécute à la bonne satisfaction des deux parties. 

De ce point de vue, je dis toujours qu’il ne faudrait pas voir uniquement la face visible qui est la Force. Il y a la police qui fait son travail, il y a toutes les unités civiles, la réconciliation, la médiation, les affaires civiles, de l’autre côté, les Agences des Nations Unies. C’est tout cet ensemble qui résume l’intervention des Nations unies dans tout le Nord, mais particulièrement au niveau du Centre où il y a eu cette attaque de Sokolo même si elle n’est pas de Ségou, elle est pratiquement mitoyenne aux régions du Centre dans lesquelles nous sommes déployés.

Amadou Kane, DW : Aujourd’hui, se déplacer dans le nord ou dans le centre du Mali est plus que problématique. Il faut emprunter un vol de MINUSMA ou c’est à tes risques et périls. Si ce n’est pas les hommes armés qui attaquent les voyageurs, ce sont les mines enfouies dans le sol qui causent malheureusement la mort. Aujourd’hui, qu’est-ce que les Nations unies font dans le cadre du déminage pour protéger les populations, pour stabiliser ces endroits au centre et au nord du pays ?

Les Américains seraient tout prêts de quitter le Sahel, du moins c’est la menace que laisse planer Donald Trump, le Président américain. Paris s’en inquiète. C’est quoi la position des Nations unies. La France pense que sans les Américains ce n’est pas possible. Est-ce votre avis ?

Baba Ahmed, Jeune Afrique et AP : Au niveau de la protection de la population, de 2013 à ce jour, il y a eu beaucoup de morts notamment au niveau des civils. Pensez-vous que c’est la MINUSMA qui a échoué ou c’est la politique du gouvernement malien qui n’a pas marché ?

Le SOFA qui lie le Mali à l’ONU au sujet du déploiement de la Minusma stipule qu’aucun fonctionnaire de la Minusma ne peut être considéré comme persona non grata par le gouvernement malien. Il y a deux mois un fonctionnaire de la Minusma a été déclaré ainsi et chassé du pays. Ni l’ONU, ni la Minusma n’a réagi. Quelle est votre position là-dessus ?

Mbaranga Gasarabwe : Les journalistes qui nous accompagnent savent qu’on les mobilise beaucoup pour les journées de déminage avec UNMAS. Nous avons beaucoup d’ONG nationales et internationales ici qui nous accompagnent et nous avons fait beaucoup de campagnes au niveau des écoles, des cercles, etc … et avons des correspondants pour sensibiliser les populations. Nous avons des fiches et des prospectus pour montrent les différentes sortes de mines et leur mode d’action. Nous sensibilisons aujourd’hui les jeunes de 14 ans et parfois plus à qui on donne de l’argent pour aller poser des mines et c’est une sensibilisation tout azimut que nous menons. Les enfants nous demandent de leur trouver des emplois afin qu’ils ne tombent dans ces mouvements négatifs.

Aussi au niveau de la MINUSMA nous menons des convois sur les routes, de grands convois qui sont menés. Il n’y a pas de risque zéro. Des fois, on peut tomber sur des mines qui viennent d’être posées mais il y a de grands efforts qui sont en train d’être menés. Il y a beaucoup de gens qui sont formés là-dessus, et ça c’est une occasion pour moi de remercier le ministère de la sécurité qui nous a même octroyé un colonel major que nous avons eu l’occasion de rencontrer, une femme très active avec qui nous travaillons non seulement sur les armes légères mais aussi sur les mines. C’est une bonne symbiose qui s’est établie. Merci bien.

Jean-Pierre Lacroix : Par rapport à la position des Etats unis sur le Sahel, il faut attendre de voir ce qui va être décidé et je crois que la question devrait plus être posée au représentant des Etats unis qu’à moi. C’est vrai, j’ai pris note des déclarations d’autres responsables sur le sujet. Pour nous, les Etats unis sont un partenaire très important, membre permanent du Conseil de sécurité qui a toujours soutenu la reconduction du mandat de la MINUSMA dont il est un contributeur financier très important. Ils sont les premiers contributeurs financiers des opérations de paix et font énormément dans le domaine de la formation notamment celle des policiers et des militaires qui sont ensuite intégrés dans les opérations de maintien de la paix. Il y a donc une coopération très forte ente nous les Nations unies (la MINUSMA en particulier) et les Etats unis et j’entretien un dialogue régulier entre les représentants des Etats unis à New York et à Washington.

Au sujet de la question sur ce qui a conduit à la situation actuelle du Mali, on pourrait écrire des pages sur des pages ou des thèses. Pour moi, il faut regarder vers l’avenir, ce qui est fait et surtout les défis à relever, la nécessité de la mobilisation et je crois que c’est de ça qu’il faut parler. Je suis convaincu qu’avec cette mobilisation, celle de la population et des autorités maliennes, des pays de la sous-région, de leurs partenaires, des Nations unies, de toutes les organisations qui concourent à ces efforts ; je crois que nous pouvons réussir et c’est sur cela qu’il faut se concentrer.

Sur le collègue qui a quitté la Mission dont les propos n’avaient pas pour objectif l’interprétation qui en a été faite, c’est un épisode que je regrette et là aussi il faut regarder l’avenir, que les autorités maliennes au plus haut niveau nous expriment leur confiance, leur soutien et leur volonté à relever tous ces défis ensemble.