Conférence de presse du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix

18 mai 2017

Conférence de presse du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix

Bamako, le 17 mai 2017
Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG), Chef de la MINUSMA, M. Mahamat S. Annadif
Nous nous retrouvons en ce début de soirée parce que nous avons depuis deux jours un hôte de marque qui est dans nos murs, il s’agit de M. Jean-Pierre Lacroix, qui est le nouveau Chef du Département des opérations de maintien de la paix, il a pris fonction cela fait à peu près 45 jours. Il nous a fait l’honneur d’être parmi nous pour sa première sortie de New York.
Nous venons de rencontrer le Président de la République, le Premier ministre avec un certain nombre de membres du Gouvernement. Nous avons rencontré également l’opposition dans toute sa diversité, la Médiation Internationale ainsi que les Forces internationales qui opèrent avec nous au Mali. Il va bientôt partir et comme vous le savez tous ces échanges ont porté sur la situation au Mali : sécuritaire, mise en œuvre de l’accord, la situation régionale autant de points d’intérêt sur lesquels nous avons eu des échanges très fructueux avec nos frères et sœurs maliens. Nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions éventuelles que vous aurez à poser aussi bien à M. Lacroix qu’à moi-même. Soyez à l’aise et nous sommes prêts à répondre à toutes les questions que vous jugerez utiles pour vous permettre d’apprécier aussi bien les actions des Nations Unies ici, que la situation sécuritaire de façon générale tant au Mali qu’au niveau de la sous-région. Je vous remercie.
Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix (SAG), M. Jean-Pierre Lacroix
Merci M. le Représentant spécial,
Bonsoir Mesdames et Messieurs,
Merci de vous être joints à nous en ce début de soirée. Comme l’a dit M. Annadif, j’ai pris mes fonctions il y a six semaines à la tête du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et j’ai souhaité faire cette première visite depuis que j’ai pris mes fonctions en Afrique, au Mali pour examiner avec les autorités maliennes et avec aussi le Représentant spécial et nos collègues de la MINUSMA la situation, les évolutions en matière politique, en matière sécuritaire la dimension régionale et recueillir les vues des interlocuteurs maliens et de nos collègues sur les prochaines étapes. Je voudrais préciser qu’avant d’arriver à Bamako et de passer quelques jours au Mali, nous nous sommes arrêtés avec le Représentant spécial dans deux capitales qui jouent un rôle important dans cet effort collectif pour ramener la paix et la stabilité au Mali et au Sahel. Nous nous sommes arrêtés d’abord en Algérie, puis ensuite au Niger où nous avons eu des échanges très utiles avec les autorités de ces pays.
Tout d’abord, je voudrais avant de développer un peu, rendre hommage et remercier très chaleureusement les autorités maliennes pour leur accueil, vous l’avez dit M. le Représentant spécial, nous avons été accueillis très chaleureusement par Son Excellence le Président de la République. Nous avons également été accueillis par M. le Premier ministre et plusieurs membres du Gouvernement ; puis nous avons eu par ailleurs des contacts avec des représentants des forces politiques. Nos remerciements très chaleureux aux autorités maliennes qui ont organisé cet accueil et bien sûr nos remerciements très chaleureux aussi au Représentant spécial et à son équipe.
A ces remerciements, je voudrais ajouter un hommage pour le travail remarquable qui est fait tous les jours par la MINUSMA, par le Représentant spécial et par nos collègues civils, militaires et policiers, qui n’ont qu’un but, c’est aider le Mali à retrouver la paix et la stabilité, qui travaillent dans des conditions que vous savez difficiles.
Nous avons eu l’occasion hier d’aller à Tombouctou avec M. Annadif pour rencontrer l’équipe des Nations Unies là-bas. Vous savez qu’elle a subi tout récemment des attaques. Il n’y a pas longtemps, un de nos soldats a été tué à Tombouctou et cette attaque fait suite à de nombreux autres ; et vous le savez, plusieurs de nos soldats ont été tués. Je voulais rendre hommage à leur mémoire, à leur sacrifice et dire toute ma solidarité, la solidarité de toute la famille des Nations Unies et notre appui à nos collègues et aux membres de la MINUSMA.
Très rapidement, nous avons donc fait le point avec nos interlocuteurs sur plusieurs aspects de la situation. Cette visite et ces contacts interviennent dans un contexte qui est marqué d’une part par le prochain examen du renouvellement du mandat de la MINUSMA. Puisque, vous le savez, le mandat de la MINUSMA qui nous est donné par le Conseil de sécurité est renouvelé chaque année au mois de juin et pour préparer cette échéance, nous devons faire rapport au Conseil de sécurité de la situation et de ses évolutions, nous devons également faire certaines recommandations. Ce travail, il est fait en pleine transparence et dans une interaction très étroite avec les maliens et avec les autorités maliennes, dont nous cherchons à recueillir les vues et les suggestions dans cette perspective.
Le deuxième élément de contexte, c’est la situation au Mali que vous connaissez évidemment parfaitement, qui est caractérisée par la persistance des défis en matière de sécurité voire même dans certaines régions, et je pense au centre du Mali, un accroissement des défis sécuritaires ; qui est caractérisé sur le plan politique par la mise en œuvre de l’Accord de paix, un processus qui évolue lentement, trop lentement sans doute même s’il y a eu des progrès réalisés récemment. Il y a une dynamique qui mérite d’être encouragée et poursuivie.
Sur le volet politique et de même que sur le reste des questions que je vais évoquer, j’ai eu l’honneur de remettre au Président une lettre que lui a adressée le Secrétaire général des Nations Unies. Une lettre qui traduit et exprime toute l’amitié du Secrétaire général pour le Mali, son engagement pour ce pays, son amitié personnelle avec le Président de la République. C’est notamment sur le volet politique que nous avons eu l’occasion d’échanger pour marquer à la fois qu’il y a une appréciation, des progrès réalisés dans des domaines comme la mise en place des autorités intérimaires au nord, le début des patrouilles mixtes, la tenue de la Conférence d’Entente Nationale (CEN) avec les perspectives que ceux-ci ouvrent et qui méritent d’être poursuivies et amplifiées dans différents domaines.
Au regard de la situation sécuritaire, nous avons parlé de ce que peut faire la MINUSMA pour se renforcer, pour mieux appliquer son mandat. Son mandat, vous le savez, il est robuste mais, malgré tous les efforts qui ont été faits, il y a encore des manques en matière de capacités.
Nous avons bon espoir que prochainement, un certain nombre de renforts arriveront et qui permettront de pallier ces manques et de donner à la MINUSMA en matière sécuritaire les moyens dont elle a besoin pour assurer ses missions, à la fois mieux protéger les personnels civils et militaires de l’opération mais surtout, mieux assurer des missions aux bénéfices des populations et de la stabilisation des zones dans lesquelles elle est déployée. En particulier, nous attendons un déploiement prochain dans le centre du pays qui aidera à travers la présence d’une force de réaction rapide qui sera déployée par le Sénégal. Une force de réaction rapide qui aidera à répondre aux défis sécuritaires dans cette région.
Mais il y a d’autres progrès à faire, cela a trait à l’addition d’équipements et de moyens technologiques qui permettront d’être plus efficaces. Cela a trait aussi à une évolution des méthodes des procédures et des modes d’action qui permettront d’être plus présents autour des zones de déploiement.
Une autre dimension qui a été évoquée par le Représentant spécial et sur laquelle je voudrais revenir, c’est la dimension régionale ; je l’ai dit, nous étions avant d’arriver à Bamako à Alger et au Niger. L’initiative du G5 constitue un progrès très encourageant dans la mesure où cette initiative montre la volonté des pays de la région de prendre en main de manière plus active les défis qui sont non seulement ceux du Mali mais aussi ceux du Sahel tout entier.
Cette initiative est très fortement soutenue par les Nations Unies, elle est aussi soutenue comme vous le savez par l’Union Africaine et nous examinons les moyens par lesquels les Nations Unies sur place, la MINUSMA, pourraient aider la future opération du G5, de même que d’autres partenaires sont prêts à apporter leur concours également. Certains pays européens le feront, je pense, l’Union européenne en tant que telle semble aussi dans de bonnes dispositions vis-à-vis de cette initiative. Il faut maintenant nous organiser et nous coordonner pour que ce soutien soit le plus optimal possible, que les ressources soient bien utilisées parallèlement au travail que font les pays du G5 pour mieux préciser le type de missions qui seront engagées.
Voilà un aperçu des différents sujets que nous avons évoqués, j’ai sans doute oublié quelques aspects mais je suis évidemment disponible pour répondre à vos questions avec le Représentant spécial et merci de votre attention.
Célia D’Almeida, Journal du Mali :
Je voudrais rebondir sur le dernier volet que vous avez abordé, à savoir la Force du G5 Sahel. Lors du sommet ici à Bamako, les membres du G5 Sahel avaient laissé entendre qu’ils souhaitaient voir cette force être indépendante de la MINUSMA, voire la remplacer sur le terrain. Ce soir, vous nous parlez de travailler ensemble, de soutien, alors comment tout ceci va se mettre en place ?
SAG M. Jean-Pierre Lacroix :
Sur la Force du G5, vous l’avez compris, c’est une force qui a vocation à combattre les groupes terroristes. Le concept d’opération qui a été agréé par les pays du G5, soutenu par l’Union Africaine, prévoit un déploiement par étapes et dans un premier temps en tous cas, une concentration des efforts sur certaines zones frontalières. Ces zones frontalières, vous le notez, la plupart d’entre elles sont proches de la région du centre du Mali, qui est affectée par cette dégradation des conditions sécuritaires. Donc, elle aura un mandat et des responsabilités d’une nature différente de celles de la MINUSMA. La MINUSMA a pour mandat de contribuer à la stabilité, ce qui n’exclut pas l’usage robuste de la force, mais ce n’est pas la même chose que la lutte contre le terrorisme, c’est différent.
Mais ce qu’il faut, et je crois que chacun le comprend, c’est de bien organiser l’articulation entre ces deux forces, et j’ajoute : pas seulement entre ces deux forces, puisqu’il y a également Barkhane, et évidemment, les Forces Armées maliennes, qui sont en reconstruction avec l’appui de la communauté internationale ; mais celle-ci relève d’un pays qui appartient au G5 donc, bien entendu, cette synergie de l’opération G5, elle devra intégrer les Forces Armées maliennes à mesure que celles-ci renforcent leurs capacités et renforceront leur présence, notamment dans les zones où opérera l’opération du G5. Donc, il y a une complémentarité. Ce n’est pas un exercice complètement nouveau pour la MINUSMA de travailler à la complémentarité de différentes forces, puisqu’il y a déjà les FAMa, il y a Barkhane. Donc, ce travail il doit se faire mais, les différences dans les responsabilités, les différences dans les mandats, elles sont très claires.
Je voudrais juste préciser qu’à la fin des fins, le responsable de la sécurité au Mali ce sera et ce devra être les Forces Armées du Mali. Et donc, ces initiatives et l’action du G5, elle est encore une fois fondamentale, elle peut avoir une contribution très importante, mais cela fait partie d’une évolution qui doit amener, et on l’espère le plus vite possible, l’Etat malien et ses Forces de sécurité à être en capacité de se redéployer partout. Et nous avons partagé avec nos interlocuteurs maliens l’importance qu’ils s’attachent à continuer à travailler à la réforme du secteur de sécurité, à renforcer le cadre institutionnel, les orientations générales qui doivent présider à cette réforme et à travailler à tout ce qui est nécessaire pour que cela se matérialise, de manière à ce que des Forces Armées maliennes renforcées et inclusives puissent opérer partout, sur le territoire.
Serge Daniel, RFI et AFP :
Bientôt on va célébrer l’anniversaire, c’est à dire les deux ans de la signature de l’Accord de paix. Quand vous faite le bilan de cet Accord de paix, à votre avis, qu’est-ce qui a fonctionné et qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Et ensuite, il y a quand même des acteurs, et si tout le monde sait que l’Accord est plus ou moins en panne dans des domaines ou des secteurs, à votre avis, sans langue de bois, est-ce la faute du Gouvernement malien ou la faute des groupes armés ?
SAG M. Jean-Pierre Lacroix :
Deux ans de l’Accord de paix, oui c’est long. Il y a eu indubitablement une lenteur dans la mise en œuvre, des retards. Je ne pense pas que vous vous attendez vraiment à ce que je me livre à une évaluation de qui est fautif, qui ne l’est pas. Je crois que ce qui est important, c’est de regarder vers l’avenir et de voir ensemble tout ce qu’on peut faire pour accélérer cette mise en œuvre. Il y a une attente forte, au Mali, c’est clair, votre question en témoigne, il y a une attente aussi des partenaires, des amis du Mali qui ont un intérêt fort pour ce pays, pour sa stabilité, pour la stabilité de la région, qui ont de l’amitié aussi pour ce pays, qui ont engagé des ressources importantes, qui sont prêts à continuer à le faire, et qui en même temps évidemment ont une attente. Et cette attente, je crois qu’elle est partagée avec les membres du Conseil de sécurité, qui souhaitent à partir des quelques progrès que j’ai mentionné tout à l’heure, voir ces progrès se poursuivre et voir de manière assez précise le cap qui se dessine pour les prochaines étapes, avec des échéances de manière à ce que le chemin à parcourir soit visible devant nous. Et cela, c’est un objectif essentiel du travail commun que nous faisons, je ne vais pas entrer dans les différents éléments, j’ai évoqué tout à l’heure les pistes ouvertes après la Conférence d’Entente Nationale, le progrès vers la charte, le processus relatif à la réforme constitutionnelle, d’autres éléments encore. Sur tous ces points, nous encourageons nos amis maliens à continuer ces efforts et à générer le plus de perspectives pour l’avenir proche.
Amadou Maïga, Studio Tamani :
Où en sommes-nous au niveau de la construction des sites de cantonnement ?
SAG M. Jean-Pierre Lacroix :
Sur les sites de cantonnement, je vais laisser la parole au Représentant spécial pour donner d’avantage d’éléments, parce qu’il est sur le terrain et parce qu’il connaît cela par cœur. Simplement, je crois que la MINUSMA a fait beaucoup déjà et elle est prête à faire plus. Je ne pense pas que ce soit vraiment, et j’en suis sûr, là où il y a un blocage. Nous sommes à disposition et nous faisons le maximum pour créer des conditions pour que le cantonnement se fasse.
RSSG M. Mahamat S. Annadif :
Avant de répondre à la question concernant les sites de cantonnement, je voudrais juste compléter M. Lacroix au sujet de difficultés que M. Serge Daniel avait appelé « pannes de l’Accord ». Moi, je crois que pour comprendre un peu la situation dans laquelle nous nous trouvons, à un mois du deuxième anniversaire de la signature de l’Accord, moi je le diviserais en deux temps : il y a la période qui couvre de juin 2015, date de la signature de l’Accord, à juin 2016. Pendant cette première année, vous le savez, l’Accord est un document assez complexe, beaucoup d’entre vous savent dans quelles conditions il a été signé. Et un accord, par définition, c’est un compromis, où personne ne peut dire qu’il a gagné à 100% ; chacun a fait des concessions et les gens se sont rapprochés pour arriver à cet accord. Moi j’estime que la première année a servi aux uns et aux autres pour l’intérioriser, pour le vulgariser ; je crois que beaucoup d’entre vous, les gens de la presse, avez beaucoup contribué pour le faire. Beaucoup de textes qui sont destinés pour la période intérimaire ont été pris, le CSA a fonctionné normalement jusqu’au mois de juin où, vous vous rappellerez, on est arrivé à la signature de l’entente, qui a été une étape assez importante. Même s’il y a eu des difficultés, il n’y avait pas de blocage.
La deuxième phase, c’est depuis le 22 juillet 2016. Vous savez que l’Accord, après sa signature, il y a un cessez-le-feu entre le Gouvernement et les deux mouvements d’une part ; mais il y a aussi un cessez-le-feu entre les mouvements également. Et vous le savez, depuis le 22 juillet 2016, où il y a eu des affrontements entre la CMA et la Plateforme à Kidal, le cessez-le-feu entre les deux mouvements a été rompu. Et depuis lors, vous le connaissez mieux que quiconque, ces deux mouvements se regardent en chien de faïence. Même si, sur le plan politique, ils continuent toujours à siéger ; vous l’avez suivi, de temps en temps ils sont d’accord sur un certain nombre de choses, on a continué quand même à avancer.
L’une des preuves qui montre la détermination des acteurs, c’est l’événement du 18 janvier 2017, la tragédie qu’a connue le camp de regroupement de Gao qui préparait les patrouilles mixtes. Ce jour-là, je l’ai toujours dit, personne n’a su qui est de la CMA, qui est de la Plateforme, qui est du Gouvernement. Il y a eu cette attaque suicide qui a causé plus d’une cinquantaine de morts ; et l’élément positif, c’est que malgré la tragédie, dès le lendemain, les survivants ont dit que le meilleur hommage qu’on peut rendre à nos frères disparus, c’est de pouvoir maintenir cette cohésion. Ils l’ont maintenu jusque-là, bon gré mal gré, le MOC de Gao continue de faire son chemin. Mais, le fait que les deux mouvements continuent toujours à se harceler, continuent toujours à s’affronter, a été un élément comme je l’ai dit, je ne dis pas blocage mais de retard dans énormément de choses que nous devons faire.
J’en cite pour exemple, qui intéresse beaucoup d’entre vous, l’opérationnalisation du MOC de KIDAL. Kidal était la première ville où on a mis le 28 février l’installation formelle des autorités intérimaires. Or, il est prévu dans l’Accord que c’est l’opérationnalisation du MOC qui devrait sécuriser les autorités intérimaires. Jusque-là, nous n’avons pas pu mettre en place le MOC tout simplement parce que, et il faut le dire, la CMA n’a pas libéré le camp, qui est appelé Camp N°1, qui devrait servir à cantonner les éléments qui vont servir à sécuriser les autorités intérimaires. Ceci, c’est un élément qui, moi personnellement, et je le dis, est dû au fait qu’il n’y a pas de cessez-le-feu entre les deux mouvements qui s’affrontent presqu’au quotidien ; et si on n’y prend pas garde, s’il y a une menace aujourd’hui de l’Accord, c’est de la persistance de ces actes d’hostilité entre ces deux mouvements. C’est un élément que je dois nécessairement souligner.
Nous œuvrons pour que la même ambiance puisse revenir. Ils n’en sont pas à leurs premiers évènements et je les interpelle officiellement de faire des efforts, comme j’interpelle de la façon la plus solennelle possible les responsables de la CMA de libérer le camp N°1 qui devrait servir à l’opérationnalisation du MOC, parce que c’est une décision qui a été prise et ils doivent la respecter. Et donc, cela me ramène un peu à cette question des sites de cantonnement. Les sites de cantonnement (les 8), on l’a souvent dit, ils sont prêts. Disponibles pour pouvoir accueillir aujourd’hui les éléments des mouvements. Ces éléments, on ne les a pas mis là à cause de la méfiance qui existe entre les deux mouvements. « Si j’amène mes éléments et que l’autre m’attaque, que vais-je faire ? ». Donc, cette hostilité entre les deux mouvements, je crois que nous au niveau de la communauté internationale, nous nous investissons pour trouver un arrangement. Mais n’empêche, le fait que le camp N°1 de Kidal n’est pas encore libéré par les éléments de la CMA, cela constitue également un facteur bloquant, et il faut le dire.
Adama Diarra, Reuters :
Est-ce que vous anticipez une réduction dans vos budgets pour le maintien de paix en Afrique suite à la décision américaine de réduire son financement par 1 milliards de dollars?
SAG M. Jean-Pierre Lacroix :
Vous le savez, il y a une attente de la part des Etats membres, notamment les Etats Unis, pour générer, disons le franchement, des économies ; mais peut-être encore plus, optimiser l’utilisation des ressources. Aux Nations Unies, c’est notre approche de toute façon d’optimiser les ressources. Nos contributeurs n’ont pas des moyens infinis même si nous soulignons souvent que le maintien de la paix, c’est un investissement efficace et souvent particulièrement économique en faveur de la paix et de la stabilité. Mais nous avons évidemment cet objectif : comment y parvenir ?
D’abord, il y a des missions qui ont rempli leurs mandats et qui vont fermer leurs portes. C’est le cas en Côte-d’Ivoire. Il y a eu des difficultés ces derniers jours évidemment, mais les opérations de maintien de la paix n’ont pas non plus vocation à être partout là où un Etat rencontre tel ou tel problème. La mission de l’ONUCI en Côte-d’Ivoire a été remplie. D’ailleurs, à la demande des autorités ivoiriennes, l’ONUCI va incessamment fermer ses portes. Et c’est la même chose au Liberia où la mission se terminera l’année prochaine. Dans d’autres continents, en Haïti, le Conseil de sécurité a récemment décidé de réformer profondément la mission et cette nouvelle mission, qui sera concentrée sur l’état de droit, aura un budget beaucoup moins important. Et en Afrique, il y a peut-être des situations où nous pouvons faire la même chose. Le Secrétaire général des Nations Unies a mentionné publiquement la mission des Nations Unies au Darfour où, effectivement, les conditions sur le terrain sont différentes et peuvent ouvrir la porte à une diminution du format de la présence des Nations Unies. Vous savez que récemment, en République Démocratique du Congo, il y a eu un petit ajustement de notre format. Mais ce que je voudrais dire, c’est que c’est fait en tenant compte des besoins du terrain et de l’évolution de la situation sur le terrain. Il y a des pays où la situation de la sécurité a évolué de telles sortes qu’on peut envisager soit de partir, soit d’être moins présent ou d’envisager une différente forme des Nations Unies. Pour la MINSUMA, c’est différent. Elle est là avec son processus politique qui doit se poursuivre et s’intensifier, avec ses défis sécuritaires. La MINUSMA est appelée dans un avenir proche à rester et à rester avec ses moyens. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas en permanence penser à faire évoluer les priorités. Ce ne serait pas normal qu’on ne le fasse pas. En pleine concertation avec les maliens et les collègues de la MINUSMA, en fonction de la décision du Conseil de sécurité, nous travaillons à faire évoluer les priorités, et à faire des ajustements ici et là et nous écoutons les suggestions des autorités maliennes. Mais j’insiste sur deux points. Le premier, c’est que de toute façon, nous avons cette responsabilité d’optimiser les ressources ; d’ailleurs, cela ne porte pas seulement sur le format des missions mais la manière dont nous utilisons ces ressources. Et il y a un effort qui est fait pour dépenser mieux sur des moyens qui coûtent chers, le transport et autres. Mais il y a un agenda propre aux Nations Unies pour optimiser les ressources et mieux les dépenser et faire des économies là où on le peut. Mais le deuxième point, tout aussi important, c’est que ce qui compte, ce sont nos missions et les conditions sur le terrain politique, sécuritaire.
Boubacar Sidibé, Journal le Prétoire :
Monsieur le Secrétaire général adjoint, vous venez d’affirmer suite à la réponse de notre consœur que la MINUSMA a pour but d’aider le Mali d’aller à la stabilité et qu’elle n’a pas pour mission de lutter contre le terrorisme ; est ce que vous pensez qu’aujourd’hui, on peut stabiliser le Mali sans lutter efficacement contre le terrorisme et les actes d’hostilité commis par les terroristes?
Soumaila Guindo, Agence de presse allemande :
Dans la même dynamique que M. Sidibé, vous avez annoncé le déploiement d’une force sénégalaise au centre du pays, alors qu’on sait que cette partie du Mali fait l’objet de plusieurs attaques terroristes ; est ce que ce sera seulement une force de réaction ou une force d’action ? Est-ce que d’autres forces pourraient rejoindre le Sénégal ?
SAG M. Jean-Pierre Lacroix :
La question de la lutte contre le terrorisme, au fond, cela porte sur la distinction entre le mandat d’une force comme la MINUSMA et puis la lutte contre le terrorisme proprement dit. Je l’ai dit, la MINUSMA, a un mandat de stabilisation. Elle est là pour garantir dans ses zones de déploiement et dans le pays, dans toute la mesure du possible, le retour à une stabilisation, le retour pour les populations à une vie normale. Alors, oui, cette mission est d’abord difficile, elle rencontre des obstacles liés aux attaques, elle rencontre des difficultés liées aux capacités que nous efforçons d’améliorer. Mais ceci n’est pas la même chose que de lutter contre le terrorisme. La MINUSMA a pour mandat robuste d’utiliser la force y compris la manière ferme lorsqu’elle doit défendre les populations ou lorsque son mandat est attaqué. Et lorsque les groupes s’attaquent au processus de paix en réalité. Lorsque des groupes par leurs actions contre nous, contre la population, contre les autorités remettent en cause violement ce processus de paix, alors, il est légitime pour la MINUSMA d’utiliser la force robuste. C’est encore mieux de prévenir et c’est pourquoi nous travaillons à ce développement de capacités. Être plus présents dans les zones, prévenir les attaques pour que la population se sente rassurée mais aussi être capable de réagir efficacement face à ceux qui attaquent par la force, la stabilisation, nos efforts de paix collectifs, là c’est légitime.
Mais c’est une autre chose pour une opération d’avoir comme mission centrale d’aller chercher pro-activement les groupes terroristes pour les neutraliser. Ce qui est la mission de Barkhane et ce que je comprends est aussi, est la mission de la future opération du G5. Donc, tout cela peut s’articuler de manière efficace pour amener plus de stabilité et lutter pour les défis de sécurité au Mali et dans la région. Encore une fois, je le répète, cela demande un effort de coordination et d’articulation que nous sommes en train de faire.