Journée internationale pour la sensibilisation et la lutte antimines à Bamako : gros plan sur l’une des menaces les plus redoutables

7 avril 2023

Journée internationale pour la sensibilisation et la lutte antimines à Bamako : gros plan sur l’une des menaces les plus redoutables

Le 4 avril 2023, Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines et l'assistance à la lutte antimines, a été commémorée à Bamako, où une cérémonie officielle a réuni les principaux acteurs de la lutte antimines et de l’assistance aux victimes d’engins explosifs. L’occasion annuelle de faire le point sur la menace et les réponses qui lui sont adressées.  

Cette cérémonie s’est tenue dans les locaux du Secrétariat permanent de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre. Réunis autour notamment d’un panel et de témoignages de victimes, les représentants du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, des Forces de défense et de sécurité maliennes et de la MINUSMA, ont aussi inauguré quatre conteneurs servant de capacité de stockage d’armes et de munitions, remis par la Mission onusienne aux autorités maliennes.

Les humains derrière les chiffres

Ils étaient trois, deux militaires et un civil, à partager avec l’assistance leur douloureuse rencontre avec les mines. Le lieutenant Moussa DOUMA, actuellement Chef du Bureau local du Secrétariat permanant de lutte contre les armes légères à Bougouni (région de Bougouni) a été le premier à raconter sa surprenante histoire. « Ma première mine, c'était en octobre 2007, à Tenza (Nord du Mali). La deuxième mine, c'était 10 ans après, en 2017, pour l'ouverture (du tronçon ndlr) Nampala-Djabali. Donc, dès l'aller et au retour, j'ai aussi eu "la chance" de rencontrer la mine, dit-il sur un ton d’autodérision. La quatrième mine, c’est elle qui a eu raison de moi et qui, finalement, est partie avec ma jambe gauche. C'est le 27 décembre 2018. Je quittais Tombouctou pour Sévaré via Douentza. C'est juste à l’entrée de Douentza, à un kilomètre du checkpoint et à quatre kilomètres du centre-ville ». Au cours de cette décennie, Moussa DOUMA a pu voir les dispositifs changer. Si la première mine était industrielle, celle qui lui arrachera avec sa jambe 11 ans plus tard était artisanale, ce qui indique le niveau de prolifération de ces explosifs, de « démocratisation » de leur fabrication mais aussi de dangerosité. « On peut tout mettre dans une mine artisanale », explique l’officier blessé. « Ils utilisent des bidons de 20 litres, ils y mettent de l'engrais ou des morceaux de fer. Ils font tout pour aggraver la charge ». Ces charges sont déclenchées à distance, « ils utilisent des téléphones, c’est avec ça qu’ils font la télécommande ». « C’est psychologiquement très difficile » confie le Sergent Chaka KONÉ également victime d’une mine et amputé de sa jambe droite. « Mais, ajoute-t-il, ce qui doit t’arriver arrive et il faut l’accepter même si ce n’est pas facile ».

Victime civile, Aboubacrine Ag MOUSSA de Tombouctou a vu son père sauter sur une mine pendant leurs travaux champêtres. Ce jour-là, faucille en main ils labourent la terre lorsque le père tombe sur un plastique bleu qui après quelques coups supplémentaires va provoquer une détonation. Aboubacrine est projeté en arrière. Son père grièvement blessé est évacué vers la ville la plus proche et décèdera de ses blessures trois jours plus tard.

Des histoires comparables à de nombreux autres et qui feront dire au Lieutenant-Colonel Adama DIARRA que les mines sont « aveugles et silencieuses ». « Aveugles » car selon l’officier, elles ne visent pas leurs cibles et ne font pas de distinctions entre civils et militaires et « silencieuses » car elles peuvent rester enfouies des années durant avant d’être heurtées et de « libérer leur potentiel de destruction ».

Du Nord au Centre, un fléau qui sévit au Mali…

Au Mali, on évalue les victimes directes et indirectes des Engins explosifs improvisés (EEI) et des mines à près de 1 325 personnes, soit près de 60% des personnes tuées lors d’attaques malicieuses de 2014 à 2022. Selon le lieutenant-colonel Adama DIARRA, Secrétaire permanent de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, la situation a empiré entre 2021 et 2022 où « le nombre de victimes civiles a presque doublé, passant de 119 à 205 ». Pour lui, « il s’agit de la plus forte hausse connue depuis 2018, lorsque la menace des engins explosifs improvisés est passée des zones du Nord au Centre, plus densément peuplées ». Cela a rendu plus difficile l'accès des populations à leurs moyens d'existence, leurs services sociaux de base et l’assistance humanitaire. Pour faire face à ce fléau, M. DIARRA insiste sur « la mise en place d'une autorité nationale de lutte anti-mine pour assurer une coordination et une coopération locale, régionale et inter étatique afin de contrer la dissémination des EEI et de mines ».

Accompagner l’État en première ligne de la lutte  

Parmi les moyens de lutte contre les mines et les EEI, figure la coopération entre le Mali et les Nations unies, à travers la MINUSMA et UNMAS, son service de lutte antimines. Depuis le début de son déploiement en 2013, la MINUSMA appuie les autorités maliennes aux plans stratégique et technique pour la fouille et la destruction des mines et des EEI ainsi que dans la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre. D’après Jean-Guy LAVOIE, Directeur d’UNMAS au Mali, a permis de former « plus de 620 membres du personnel des forces armées, la mise à disposition de 68 armureries et zones de stockage des munitions construites ou réhabilités ». Il s’agit des fruits « d'une collaboration étroite, basée sur la confiance. Grâce à leur assiduité remarquable depuis 2013, les Forces armées maliennes ont considérablement amélioré leur capacité à lutter contre les engins explosifs » a souligné Jean-Guy LAVOIE. La création du centre d’excellence de lutte contre les restes explosifs de guerre, les mines et les EEI en 2015 au sein du Génie militaire du CCO en est une autre illustration. UNMAS a formé le personnel et équipé le centre qui a pour mission de conseiller le commandement dans la lutte contre les engins explosifs mais aussi gérer le matériel et les ressources humaines qui y concourent et coordonnent les efforts de tous les acteurs et commandent les équipes d’intervention sur le terrain. 

Pour le directeur d’UNMAS, la lutte contre les EEI et les mines, ainsi que la gestion des armes et munitions « contribuent directement à la restauration, à l'extension de l'autorité de l’État et à la protection des civils ».

Autre aspect du travail de la MINUSMA contre les mines, la sensibilisation des populations touchées par ces menaces, dont les femmes et les enfants, et les organisations non gouvernementales, nationales et internationales, sur les risques associés aux engins explosifs. Depuis 2015 plus de 460 000 membres de ces communautés ont reçu une éducation et une sensibilisation aux risques liés aux explosifs.