La RSSG chargée de la question des violences sexuelles dans les conflits à Tombouctou pour écouter des victimes

19 avril 2016

La RSSG chargée de la question des violences sexuelles dans les conflits à Tombouctou pour écouter des victimes

La Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question des violences sexuelles dans les conflits, Mme Zainab Hawa Bangura, s’est rendue au Mali du 12 au 17 avril.  Objectif : échanger avec des acteurs en charge de la protection des femmes, rencontrer des victimes et discuter avec le gouvernement de l’élaboration d’un cadre de coopération pour notamment agir contre l’impunité et mieux accompagner les victimes de violences sexuelles, dans le cadre du processus de paix et de réconciliation.

 

Dans le contexte post-conflit du Mali de 2016, la question des violences sexuelles en période de conflit reste une préoccupation majeure. Les victimes déclarées attendent toujours justice et réparation. De nombreuses autres, par crainte d’être stigmatisée n’osent pas dénoncer leurs agresseurs.

 

Six jours, c’est la durée impartie à la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies chargée de la question des violences sexuelles en période de conflit, pour s’enquérir de la situation en République du Mali. Six jours durant lesquelles Mme Bangura s’entretiendra avec le Premier Ministre et plusieurs membres du Gouvernement, le Président de l’Assemblée Nationale du Mali, le Chef d’État-major des Armées mais aussi les Directions de la Gendarmerie et de Police Nationale, certains membres du corps diplomatique accrédités au Mali, sans oublier le Représentant Spécial Adjoint pour le pilier politique, Monsieur Koen Davidse, les différents responsables de division au sein de la MINUSMA, de nombreux acteurs travaillant sur le processus de paix et des représentants de la société civile. Un programme chargé pour cette première visite officielle de la RSSG, qui conduira Mme Bangura jusqu’à Tombouctou.

Elément essentiel du travail de guérison des victimes de violences sexuelles en général : la justice. C’est l’une des raisons pour lesquelles Mme Bangura a rencontré tous les acteurs de la chaîne pénale, du législateur qui fait les lois aux Forces de sécurité chargées de veiller à leur application en passant par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation. Des rencontres ont également été organisées avec les Directions de la Gendarmerie et de la Police Nationale.

 

La lutte contre les violences sexuelles en période de conflit nécessite l’implication de tous et de toutes mais aussi, des relais pour partager l’information. Selon Zainab Hawa Bangura, en la matière, les leaders religieux du Mali peuvent jouer un rôle : « Je suis née musulmane, j’ai grandi musulmane et je mourrai musulmane. Je veux travailler avec vous pour m’assurer que tout le monde sache à travers le monde que ce que l’on inflige aux femmes au Mali ; ce n’est pas l’Islam. Vous êtes les gardiens de la moralité ; nous avons besoin de votre aide, ces femmes ont besoin de votre aide, » a-t-elle déclaré à la sortie de l’entretien qu’elle a eu avec eux.

Les partenaires du Mali aussi n’ont pas été oubliés lors de cette visite qui coïncidait avec la présence sur le territoire du Dr. Sarah Sewell, sous-Secrétaire d’Etat américain pour la Sécurité Civile, la Démocratie et les Droits de l’Homme. Une réunion a donc eu lieu à l’ambassade des Etats Unis au Mali. L’Ambassadeur, Son Excellence Paul Folmsbee, le Dr. Sewell et la Représentante Spéciale ont, pour l’occasion, réaffirmé leur volonté de travailler ensemble afin de contribuer au combat pour la fin des violences sexuelles liées au conflit au Mali. Ensemble, les deux personnalités ont tour à tour pu discuter avec des représentants de la société civile, des acteurs clef de la lutte contre l’extrémisme violent ou encore les membres de la Commission des Droits de l’Homme du Mali.

 

Le Premier Ministre, le Ministre de la Défense, celui de la Sécurité et celle de la Femme de l’Enfant et de la Famille, ainsi que celle de la Justice, Garde des Sceaux, ont également été visités par la Représentante et la sous-secrétaire d’état américaine. Ce qui aura permis de rappeler l’importance du combat contre les violences sexuelles faites aux femmes.

Plaidoyer pour les femmes victimes de violence sexuelle

 

Le samedi 16 avril dernier, Madame Bangura s’est rendue à Tombouctou, l’un des théâtres des violences commises sur les femmes pendant la crise. Cette dernière étape de sa visite au Mali était une occasion pour elle et sa délégation de toucher du doigt les réalités.

 

Cette visite a été marquée par la rencontre avec les victimes de violences sexuelles et autres violences basées sur le genre. Une visite importante qui a permis à Madame Bangura de s’imprégner du quotidien des Tombouctiennes qui ont subi ces horreurs.

 

Après une visite de courtoisie au Gouvernorat, Madame Bangura et sa délégation ont ensuite rencontré des représentantes des associations de victimes de violences sexuelles et autres violences basées sur le genre au quartier général de la MINUSMA. Une rencontre de vérité au cours de laquelle les différents défis à la résolution du problème ont été passés en revue. Ils se posent en termes structuraux, d’accompagnement juridique psychosocial et de réinsertion économique mais également de plaidoyer, pour une meilleure prise en charge des questions de violences faites aux femmes.

Pour un responsable du Réseau des associations des victimes de Tombouctou, opérationnel depuis bientôt deux ans, ‘’cette rencontre est capitale pour qui connait la place de la femme dans la société’’. Elle est surtout une occasion de passer en revue les problèmes auxquels sont confrontées les associations, principalement la question de l’accès à la justice qui se trouve souvent entravée par ‘’une lenteur, voire un manque de volonté administrative’’

 

Tombouctou : au plus près des réalités du terrain

 

On sait le drame que vivent les femmes sur les théâtres de conflits. Tombouctou n’y a guère échappé. Au total, 696 cas de violences sexuelles ont été recensés à la fin de l’année 2015. Entre autres faits associés, 40 cas d’exécutions sommaires, 20 disparitions forcées, 60 femmes détenues, 30 mariages forcés, avec leurs corollaires d’abandons de classes pour les filles, de grossesses précoces, de maladies graves comme les fistules, etc.

 

Les problèmes sont énormes et méritent une mobilisation, surtout de la part des femmes que Madame Bangura, attentive et très émue, a encouragées à rester fortes et surtout, à ne pas abandonner le combat car, leur a-t-elle dit, ‘’la dernière chose à faire serait d’abandonner ; si vous abandonnez, tout sera perdu’’.

 

Dans une sphère culturelle où le sujet est presque tabou, les femmes, de peur d’être mise à l’écart de leur propre famille et d’être stigmatisées par la société, n’osent presque jamais dénoncer les viols qu’elles ont subis. Un obstacle supplémentaire à la lutte contre l’impunité.

 

Ce fut ensuite pour elles l’occasion de se retirer pour discuter à huis clos. Intimité d’autant plus importante que les réalités culturelles locales font que la femme se confie plus facilement à la femme, surtout sur des questions aussi sensibles.

 

Les acteurs humanitaires en fonction dans la région ont ensuite eu l’opportunité de partager leur quotidien avec l’hôte de marque et sa délégation. Un tour d’horizon des difficultés du terrain a ainsi été fait ; les défis sont nombreux, et nécessitent des solutions adéquates.

 

’Le financement est le nœud du problème car, malgré leur disponibilité et leur engagement, les acteurs demeurent bloqués soit par l’insuffisance ou par l’inexistence des moyens pour accomplir les tâches’’, explique un participant. Une conséquence logique au manque de financement est le manque d’infrastructures appropriées. Tombouctou dispose d’un seul centre d’accueil spécialisé qui reçoit plus de 120 victimes, au-delà de ses capacités.

Des humanitaires engagés, mais sans moyens appropriés

 

Un autre aspect non moins important soulevé par les humanitaires est le plaidoyer pour le retour effectif des magistrats pour instruire les dossiers. Sur les cinq cercles de Tombouctou, trois ont déjà vu le retour de leurs magistrats, certes, mais leur retour dans les deux autres cercles est vivement souhaité.

 

Reste aussi cette question cruciale de la sécurité, qui freine l’élan des acteurs du monde humanitaire et réduit leur marge de manœuvre pour les quelques projets qu’ils ont les moyens de soutenir. Les activités de sensibilisation des communautés pour leur faire comprendre leurs droits sur le sujet sont par conséquent limitées et ne touchent pas certaines régions à risque.

 

En réponse, la Représentante spéciale du Secrétaire général qui reconnait que ‘’le secteur des violences sexuelles est le secteur le moins financé’’, a évoqué les efforts en cours, notamment un projet d’accord avec le gouvernement du Mali qui permettra le déploiement d’experts, notamment dans le domaine de la justice.

 

En marge de ces rencontres, la Représentante spéciale s’est entretenue avec les femmes ‘’casques bleus’’ de la MINUSMA en service à Tombouctou. A la faveur d’un déjeuner, elle leur a présenté son mandat, partagé avec elles ses expériences, et les a surtout exhortées à bien remplir la rude et noble mission qui est la leur, dans cet environnement si difficile.

 

Cette visite vient à coup sûr éclaircir l’horizon des activistes de défense des droits des femmes victimes de Tombouctou, et laisse entrevoir une lueur d’espoir dans la résolution de la multitude de problèmes rencontrés dans la lutte contre les violences sexuelles. Les victimes et toutes les personnes travaillant dans le domaine en attendent beaucoup ; non seulement pour régler les cas en instance, mais aussi prévenir, afin que plus jamais rien ne soit comme par le passé.