A la source des dividendes de la paix

16 mars 2016

A la source des dividendes de la paix

 

Le Sous-secrétaire général des Nations Unies à l’appui à la consolidation de la paix, Mr. Oscar Fernandez-Taranco, a effectué une visite de travail au Mali du 9 au 12 mars dernier. Venu participer à la Conférence internationale sur la gestion des frontières et le développement dans le Sahel, Monsieur Fernandez-Taranco a mis ce séjour à profit pour s’enquérir des efforts de consolidation de la paix au Mali, en particulier ceux déployés dans le cadre du Fonds pour la Consolidation de la Paix (PBF), placé sous sa responsabilité.

 

M. Oscar Fernandez-Taranco, lors de sa visite au Mali a été reçu en audience par le Représentant Spécial du Secrétaire Général, Mr. Mahamat Saleh, et la Représentante Spéciale Adjointe du Secrétaire Général (RSASG), Coordonnatrice Résidente du PNUD (CR) et Coordonnatrice Humanitaire (CH), Mme. Mbaranga Gasarabwe.

 

Un fonds à quelles fins ?

 

En 2005, les Nations Unies ont créé le Fonds pour la Consolidation de la Paix (en anglais PeaceBuilding Fund, PBF). Logé au Secrétariat Général de l’organisation, ce fonds permet d’aider les pays touchés par les crises à se relever. Il a pour objectif principal de renforcer la résilience des populations face aux conflits, en leur donnant les moyens de créer les conditions d’une paix durable, à travers le financement et l’aide à la mise en œuvre de projets de développement dans de nombreux domaines. En 2014, le Mali accède à ce fonds et enclenche ainsi une dynamique de relèvement dans plusieurs domaines. C’est le Fonds pour la Consolidation de la Paix qui permet à la MINUSMA et les autres agences, fonds, bureaux et programmes des Nations Unies au Mali de financer 5 projets d’envergure dont la mise en œuvre se déroule de janvier 2015 à juin 2016. Des projets considérés comme étant des aspects essentiels des dividendes de la paix.  

 

Le Peacebuilding Fund, entre infrastructures et participation communautaire

 

Pour disposer de ce fonds, d’un montant total d’11 millions de dollars américains, l’Etat malien a préalablement élaboré un plan pour la consolidation de la paix, dans lequel, quatre grands domaines d’intervention ont été retenus. Ainsi, la Réconciliation Nationale et le Dialogue ; l’Appui aux secteurs de la Sécurité et de la Justice ; la Restauration de l’Autorité de l’Etat et la Gouvernance Inclusive et enfin, la Réintégration communautaire des réfugiés et des personnes déplacées, ont été identifiés par les dirigeants maliens. 

 

Pour Aissatou Kaspar-Guissé, la Chargée du Programme au Bureau d’Appui à la Consolidation de la Paix, basé à la MINUSMA : « Le Fond pour la Consolidation de la Paix, est là aussi pour donner des dividendes de la paix et soutenir la mise en œuvre de l’Accord, en montrant aux populations les bienfaits de la paix. Il ne s’agit pas seulement pour le PBF de donner aux populations des infrastructures donc je dirais du ‘’hard’’ (en anglais ‘’dur’’ ou matériel ndlr), mais c’est aussi de donner du ‘’soft’’ (en anglais ‘’doux’’ ou immatériel ndlr). Ici, on parle de médiation, de gestion de conflits, de discussions entre les populations et de participation communautaire ». 

Mme Aissatou Kaspar-Guissé et les bénéficiaires du projet PBF conjoint entre ONU FEMMES-MINUSMA-UNFPA, rencontrées dans le centre communautaire des femmes de Tombouctou.

Mme Aissatou Kaspar-Guissé et les bénéficiaires du projet PBF conjoint entre ONU FEMMES-MINUSMA-UNFPA, rencontrées dans le centre communautaire des femmes de Tombouctou.

 

Exemple très parlant de la ‘’philosophie’’ et des effets positifs du fonds : le Projet de Renforcement de la Capacité de Résilience des Femmes et des Jeunes au Conflit. Mise en œuvre avec le Programme des Nations Unies pour le Développement PNUD et l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel ONUDI, ce projet offre plusieurs formations, notamment en matière de gestion interne des associations et des coopératives, de techniques de marketing ou encore d’élaboration de business plan. D’inestimables acquis comme en témoigne l’une des bénéficiaires de la région de Tombouctou, Harby Fantou Sy : «… On nous a aussi formées sur les produits agroalimentaires. Grâce à l’ONUDI et le PNUD, on a pu devenir des formatrices de nos produits agroalimentaires. Ils nous ont formés en céréales, ils nous ont formés en légumes et fruits. Les formatrices étaient vraiment à la hauteur (…) tout ce qu’il y a dans le commerce aujourd’hui on le connait Dieu merci », s’est-elle réjouit. Imghane Ag Khalil a lui aussi bénéficié de cette formation, à l’issue de laquelle il est désormais autonome et c’est là, selon lui, l’intérêt majeur de cet enseignement : « Franchement, c’est une formation qui personnellement m’a beaucoup servi. A chaque fois que les partenaires demandent aux jeunes et aux femmes d’apporter des projets pour qu’ils les financent, il faut obligatoirement passer par des cabinets de montage et des bureaux d’études qui demandent souvent des sommes élevées (…) A la fin de cette formation, chacun de nous a monté lui-même son projet. J’ai personnellement monté un projet de maraichage, particulièrement tourné vers la culture de la pomme de terre et de l’oignon (…) je pense que si j’ai les équipements nécessaires, je pourrais aller loin dans ce projet-là. »

Imghane et Fatou ne sont que deux exemples parmi des centaines d’autres. Depuis 2015, autrement dit après quelques mois seulement, les chiffres relatifs à l’Appui à la Consolidation de la Paix, sont raisonnablement encourageants. Ainsi, 21 groupements de femmes ont été formés aux techniques de transformations agroalimentaires ; 300 jeunes l’ont été en entreprenariat, 737 personnes (dont la moitié est constituée de femmes) ont été formées en gestion des conflits. Outre la formation et l’équipement, la sensibilisation également tient une place de choix dans les activités comme ces 70 volontaires de la paix qui ont portés la bonne parole à 5358 personnes (dans le cadre du projet PBF conjoint PNUD-ONUDI). L’éducation également n’est pas en reste avec les 150 centres à passerelle, répartis à Gao et Tombouctou et qui ont déjà accueilli plus de 3850 enfants (projet PBF d’UNICEF).

De façon plus matérielle, 15 points d’eau communautaires ont déjà été réalisés (projet PBF conjoint OIM-HCR). Trois sites de cantonnement d’ex-combattants sont en cours de construction et emploient déjà 90 jeunes des localités concernées (projet PBF de cantonnement par UNOPS). 460 victimes de violences sexuelles ont été traitées, grâce aux kits de réparation des viols distribués et au renforcement des capacités de 30 centres de prise en charge (projet PBF conjoint ONU FEMMES-MINUSMA-UNFPA, s’inscrivant dans l’Initiative de Promotion du Genre).

Ces quelques chiffres ne constituent qu’une partie du bilan si l’on sait que les efforts sont en cours et s’intensifieront au fur et à mesure.

 

Rapide car conçu comme tel

 

La notion de fonds d’appui renvoie quasi systématiquement à celle de machinerie lourde et dont les effets se ressentent sur le long terme. Tout le contraire de l’approche présente, dont l’objectif premier est de contribuer à la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix signé. Ce qui passe nécessairement par l’aide au retour de l’autorité de l’Etat et la satisfaction des besoins urgents des populations notamment en eau, en santé, en éducation, en emplois… en somme, en tout ce qui est nécessaire à la vie et indispensable à la paix. Les lenteurs n’ont donc pas leur place lorsque l’objectif est à si court terme, comme le rappelle le Sous-secrétaire général des Nations Unies à l’appui à la consolidation de la paix, Mr. Oscar Fernandez-Taranco : « Ce Fonds a la caractéristique de viser une action rapide. Contrairement à d’autres fonds qui mettent énormément de temps à se mettre en place, l’avantage du Fonds pour la Consolidation de la Paix est qu’il vise à être très vite en application, très flexible dans les modalités d’exécution et catalytique, c’est-à-dire que nous visons à justement créer des conditions de démarrage des programmes qui permettent à des bailleurs de fonds beaucoup plus importants que notre « petit » fonds de venir soutenir les initiatives lancées par les Nations unies ».

 

Le PBF est un outil parmi d’autres pour permettre la consolidation de la paix. Pour que son action soit efficiente et qu’il tienne toutes ces promesses, l’implication d’autres acteurs est nécessaire, comme le souligne M. Fernandez-Taranco : « D’abord, la coordination entre les actions fournies par les différents ministères de l’État, l’action d’appui du Système des Nations unies ainsi que l’implication de beaucoup d’organisations de la société civile sont très importantes. Les défis au Mali demandent l’action coordonnée de tous les acteurs, donc la façon dont les Nations unies travaillent de façon étroite avec d’autres partenaires de la coopération internationale, bilatérale, avec les pays voisins et des organismes sous régionaux est très importante. Le leadership politique, la participation sociale, l’engagement des collectivités locales, l’engagement des femmes et des jeunes sont particulièrement importants pour qu’on puisse traduire des accords un impact réel et direct pour les populations. Celles-ci doivent sentir que tous ces efforts mènent à un changement et à une amélioration de leurs conditions de vie. »

Messieurs Fernandez-Taranco et Laico Traore (en bout de table) lors d’une rencontre avec des bénéficiaires venus spécialement de Gao et Tombouctou pour l’occasion

Messieurs Fernandez-Taranco et Laico Traore (en bout de table) lors d’une rencontre avec des bénéficiaires venus spécialement de Gao et Tombouctou pour l’occasion

 

Le Fonds au Mali est supervisé par un comité de pilotage composé de quatre membres représentant respectivement la Société Civile, les Partenaires Techniques et Financiers au Mali, les Nations Unies et le Ministère des Affaires Etrangères, qui en sont les deux co-présidents. Pour sa part, Mr. N’Tji Laico Traore, membre de tête au titre du Ministère, a recommandé, tout en reconnaissant la complexité de la crise avec un contexte sécuritaire volatile, de travailler en étroite collaboration avec les bénéficiaires des projets PBF en vue de rendre les résultats plus visibles.

 

L’exécution du Fonds de Consolidation de la paix peut être considérée comme une réussite, puisque le taux d’engagement des fonds pour l’année 2015 est de 89%.