Transcription de la Conférence de Presse de la Mission du Conseil de Sécurité des Nations Unies au Sahel.

24 octobre 2017

Transcription de la Conférence de Presse de la Mission du Conseil de Sécurité des Nations Unies au Sahel.

Bamako, le 21 octobre 17

Propos liminaires : le Président du Conseil, l’Ambassadeur François Delattre (France)

Comme vous le savez, le Conseil de Sécurité effectue une mission importante au cours de laquelle il s’est rendu au Mali, en Mauritanie et demain, au Burkina Faso. Cette visite qui rassemble l’ensemble des membres du Conseil de Sécurité est co-organisée par la France, avec deux autres membres du Conseil, l’Ethiopie et l’Italie dont les ambassadeurs sont présents à mes côtés. Cette visite intervient pendant le mois de la présidence française du Conseil de Sécurité, au cours duquel, la France a tenu à faire de la situation dans le Sahel, l’une de ses toutes premières priorités et à la faire partager par l’ensemble des membres du Conseil.

Nous savons mesdames et messieurs, que les terroristes ne connaissent pas de frontières au Sahel. Nous savons également l’ampleur de la menace qu’ils font peser sur l’ensemble des Etats de la région mais aussi, au-delà, sur l’Europe et sur le monde. La lutte contre cette menace terroriste nous concerne tous. Dans ce contexte, les pays du G5 ont pris, il y a quelques mois de cela, la décision courageuse de s’unir pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale qui lui est intimement liée, à travers l’établissement de la Force conjointe du G5 Sahel. Nous sommes convaincus que cette force est un outil adapté pour contribuer au rétablissement de la paix et de la sécurité dans l’ensemble de la région du Sahel.    

Nous sommes convaincus aussi, que son action est complémentaire de l’opération de maintien de la paix au Mali, la MINUSMA, car elle couvre une zone d’action géographiquement bien plus large et qu’elle a pour vocation, de mener des opérations anti-terroriste, ce qui n’est pas le rôle de la MINUSMA.

Le G5 Sahel est également la réponse la plus adéquate aux attaques récurrentes qui frappent la MINUSMA. La complémentarité du G5 sahel et de la MINUSMA est donc avérée, elle est évidente et notre objectif est de veiller à ce que ces deux forces coopèrent de plus en plus étroitement et, de la manière la plus efficace possible. Pour vous dire le fond de notre pensée, nous pensons que la MINUSMA et la Force conjointe du G5 Sahel, sont des outils complémentaires qui ont vocation même, à constituer un modèle type d’articulation vertueuse entre une opération de maintien de la paix onusienne et, une opération africaine de paix.   

Dans ce contexte, la communauté internationale et en tout premier lieu le Conseil de Sécurité, ont la responsabilité morale et politique, d’apporter tout le soutien nécessaire aux Etats africains qui s’unissent à l’échelle régionale contre le terrorisme. C’est un point qui est essentiel pour nous, c’est l’un des messages qu’est venu apporter le Conseil de Sécurité aujourd’hui : vous pays du G5 Sahel n’êtes pas seuls pour affronter la menace terroriste à laquelle vous faites face. Ce soutien est en effet essentiel pour donner les moyens à la Force du G5 Sahel d’agir efficacement, en lui permettant de bénéficier de ressources durables et prévisibles mais également, de compter sur un appui logistique, directement sur le terrain. Et les Nations Unies, nous en sommes convaincus et cette mission nous l’a, je crois, démontré, ont un rôle clef à jouer à cet égard. C’est dans cet esprit que le Conseil de Sécurité a adopté, en juin dernier, une résolution pour saluer les efforts des pays du G5. C’est dans cet esprit que le Secrétaire général des Nations Unies, M. António Guterres, vient de faire des propositions ambitieuses, en vue d’un soutien onusien à la Force conjointe, en la décrivant et je le cite, comme : « une opportunité à ne pas manquer ».

C’est dire combien cette visite du Conseil de Sécurité, encore une fois, voulue par la France, comme le cœur de sa présidence du Conseil de Sécurité, est importante. C’est dire aussi, combien elle intervient à un moment particulièrement important. Cette visite nous permet de mesurer avec nos propres yeux, de première main, la situation sur le terrain mais également, d’avoir un échange direct  avec les Etats du G5, sur les recommandations du Secrétaire général et sur la meilleure manière de soutenir d’avantage encore la Force conjointe, que ce soit de façon bilatérale ou via des mécanismes multilatéraux, dont bien sûr les Nations Unies.

Cette visite nous permettra également de préparer, dans les meilleures conditions, la réunion ministérielle du Conseil de Sécurité, que présidera le Ministre français de l’Europe et des Affaires Etrangères, M. Jean-Yves Le Drian, le 30 octobre prochain à New-York et qui aura précisément pour objectif de définir, collectivement, la meilleure manière dont la communauté internationale et l’ONU, peuvent soutenir la Force du G5 Sahel.

Un point également pour rappeler que la stabilisation du Sahel ne saurait, évidemment, passer que par une approche purement sécuritaire. Elle appelle également une réponse politique. Il n’y aura notamment pas de stabilité dans la région sans résolution de la crise au nord-Mali. C’est quelque chose dont nous avons parlé ici et qui est, je crois, extrêmement important. De même, notre action passe par une action déterminée dans le domaine du développement. Il faut que l’action de la communauté internationale marche, en quelque sorte, sur les deux jambes : la jambe de la paix et de la sécurité, la jambe du développement et on voit bien que les deux sont absolument inséparables. C’est dans cet esprit que nous nous mobilisons. Je parle pour la France avec d’autres, via l’alliance pour le Sahel, avec l’ensemble de la communauté des bailleurs. Nous attachons également beaucoup d’importance à ce que la force conjointe, respecte les standards internationaux en matière de droits de l’Homme et nous travaillons déjà, avec les Etats du G5, afin de leur donner les moyens d’agir en ce sens.

Vous connaissez donc l’engagement, la détermination qui est celle de la France sur ce dossier. Ce que je peux vous donner, peut-être à ce stade aussi, je ne veux pas être trop long, c’est les messages qu’à ce stade de notre mission, me paraissent devoir être retenus. Si je devais résumer les choses, à ce stade encore une fois de notre mission, il reste encore une grosse journée et la fin de l’après-midi, je dirais que, sous le contrôle de mes collègues, j’ai entendu trois messages.

D’abord, une volonté commune, unanimement partagée par l’ensemble de nos interlocuteurs, d’éradiquer la menace terroriste, car cette menace est perçue comme existentielle et de nature à menacer même la stabilité des Etats concernés car, cette menace nous a été présentée comme étant totalement inséparable des trafics. Trafics d’armes, trafics d’êtres humains, trafics de drogue bien sûr, trafics de cigarette qui la nourrissent et s’en nourrissent car, ce rétablissement de la paix et de la sécurité nous a été présenté comme l’une des conditions, d’un développement réussi, lequel développement à son tour, sera un facteur favorable pour la paix et le développement. Ça c’est le premier message : une volonté très forte d’éradiquer le terrorisme.

Deuxième message que nous avons entendu c’est un engagement déterminé derrière la Force du G5 Sahel. Je dois dire que j’ai été frappé par la force des messages reçus des deux Présidents de la République que nous avons rencontrés, le Président de la Mauritanie et le Président du Mali. La volonté de l’un et de l’autre, de mettre en commun les ressources de leurs pays et plus généralement des pays du G5, pour parvenir à éradiquer la menace à laquelle je viens de faire allusion est d’une parfaite clarté.

Le troisième message, dans la suite des deux premiers donc, une volonté commune forte d’éradiquer la menace terroriste. Sur cette base, un engagement déterminé derrière la Force du G5 Sahel pour les pays concernés.

Le troisième message que j’ai reçu et que je crois, nous avons tous reçu, c’est un appel clair et dénué d’ambiguïté, de l’ensemble de nos interlocuteurs, à commencer par les deux Chefs d’Etat que je viens d’évoquer, à un soutien international accru, à travers notamment, le Conseil de Sécurité. Et ça c’est un message que je crois, nous emmènerons, nous les représentants du Conseil de Sécurité, par devers nous en rentrant à New-York et que nous partagerons avec nos capitales.

Dans ce cadre-là, je ne veux pas une fois de plus, être trop long, l’analyse de la France rejoint les messages que nous avons reçus, auxquels je viens de faire allusion. Nous sommes convaincus qu’il y a nécessité et urgence pour la communauté internationale, à travers le Conseil de Sécurité, à apporter le soutien résolu dont les Etats du G5 Sahel ont besoin pour réussir et, ce que la France souhaite c’est que les pays du Conseil de Sécurité s’unissent, pour répondre ensemble à cet appel clair et dénué d’ambiguïté, que nous avons entendu. L’enjeu est considérable.

Permettez-moi enfin, de dire un mot sur l’un des volets que j’ai évoqué qui est, la rencontre que nous avons eu dans le cadre du CSA (Comité avec les partenaires pour la paix et la réconciliation au Mali. Je crois sur ce terrain que la mission que nous menons avec le Conseil de Sécurité, souhaitait également rencontrer les membres du CSA, afin de leur rappeler l’importance de la mise en œuvre accélérée de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, qui est une clef pour la stabilité dans l’ensemble de la région, donc le message a été bien passé de notre côté. Nous avons écouté, je dois dire, avec beaucoup d’attention, les messages des parties, c’est-à-dire Gouvernement et groupes sur l’état de la mise en œuvre de l’Accord. Je crois que c’était une bonne réunion. Nous avons fait part des préoccupations de l’ensemble des membres du Conseil mais aussi, je dois dire, de l’impatience de l’ensemble des membres du Conseil de Sécurité, concernant la nécessité d’avancées concrètes, tangibles, rapides, de la part de toutes les parties, dans la mise en œuvre de l’Accord. Il est urgent d’avancer, urgent d’avancer de manière concrète et je crois qu’avec tous mes collègues du Conseil de Sécurité, j’ai passé ce message, amical bien sûr, de manière très claire. Au total je pense que ce fut, cette réunion du CSA, ce fut une réunion importante, à bien des égards. Très constructive et très importante. Tous les participants repartent de cette réunion, non seulement avec une appréciation commune, non seulement avec un engagement renouvelé et partagé mais aussi, avec une feuille de route, une vraie feuille de route et le Conseil de Sécurité continuera de suivre de très près cette question dans les semaines qui viennent. Nous attendons, pour notre part en tous cas des résultats concrets, tangibles, importants dans la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali dans les toutes prochaines semaines et en tout état de cause avant la fin de l’année.

Voilà, pardon d’avoir été un petit peu long. Je souhaiterais aussi remercier très chaleureusement tous ceux qui ont permis le succès de cette mission, à commencer par le Représentant spécial Annadif et l’ensemble de ses équipes qui font un travail extraordinaire, ainsi que l’ensemble des autorités, qui ont organisé notre accueil. Mais aussi, de tous les autres groupes y compris les représentants de la société civile avec qui nous avons eu des entretiens particulièrement riches et intéressants.

 

Intervention du Co-Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’Ambassadeur Tekeda Alemu (Ethiopie) (traduit de l’Anglais)

J’aimerais pour commencer, remercier M. l’Ambassadeur Delattre qui est à l’origine de cette initiative des plus enrichissantes pour les membres du Conseil de sécurité. Nous avons pu voir beaucoup de choses, j’aimerais me concentrer sur deux ou trois choses que nous avons constatées.

Nous avons pu constater, tout d’abord, l’ampleur des défis auxquels se heurte la région. Ces défis sont liés au terrorisme, bien sûr mais pas uniquement, ils sont aussi liés au changement climatique, à la dégradation de l’environnement, à la criminalité transnationale organisée et, aux conséquences que ces phénomènes peuvent avoir sur la paix et la sécurité dans la région.

Très franchement, nous avons aussi constaté l’engagement des cinq pays du G5 Sahel, de leurs dirigeants et des différentes parties.

Nous avons constaté le rôle que joue M. le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Annadif et, nous avons mieux compris tout ce qu’il fait concrètement. La MINUSMA fait énormément de choses. Hier, nous avons été témoins d’une expression de solidarité portée à son paroxysme et avons pu comprendre vraiment la valeur du multilatéralisme. Je veux parler de l’occasion qui nous a été donnée de prendre part à une occasion des plus solennelles. Nous avons en effet pu rendre hommage aux plus de 140 soldats de la MINUSMA qui ont payé de leur vie, le service rendu au peuple malien. Nous avons été témoins de cet exemple de valeur de solidarité qui sont au cœur même des Nations Unies.

L’autre message qui ressort de cette visite du Conseil de Sécurité renvoie aux responsabilités de la communauté internationale par rapport à la région. Il s’agit de veiller à ce que la Force conjointe du G5 Sahel puisse fonctionner, ceci ne sera possible que si un appui prévisible et adéquat lui est accordé. En toute honnêteté, il s’agit là du plus grand défi qu’il faudra relever et aussi du principal message que nous ramènerons avec nous à New-York.

Cette responsabilité de la communauté internationale, c’est là le principal message que nous allons transmettre avec nous. La communauté internationale se doit absolument d’aider les pays de la région. Certaines des difficultés que rencontrent ces pays de la région ne sont pas dues à ce qui se passe dans la région même mais, à des facteurs extérieures, d’où la responsabilité de la communauté internationale.

En guise de conclusion, je dirais qu’il y a dix ou quinze ans nous voyions dans le Mali un exemple, un exemple de développement démocratique, de progrès pour l’Afrique et nous étions fiers de l’exemple du Mali. Aujourd’hui le Mali connait des revers, du fait, certes de faiblesses maliennes, mais aussi et surtout du fait de facteurs extérieurs. A titre national, en tant qu’africain, je me réjouis du jour où le Mali sera à nouveau une source de fierté pour l’Afrique, c’est faisable. Cela sera possible dès lors que les maliens s’approprieront des problèmes rencontrés mais aussi des solutions à y apporter.

Je remercie la presse et les journalistes qui sont venus en nombre, merci à tous pour votre présence.

 

Intervention du Co-Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’Ambassadeur Sebastiano Cardi (Italie)

Je voudrais tout d’abord remercier à mon tour l’Ambassadeur Delattre et la France, d’avoir pris l’initiative de cette mission dans trois pays du Sahel, qui est vraiment très importante pour le Conseil de Sécurité. Je voudrais aussi remercier le Représentant spécial du Secrétaire général et chef de la MINUSMA, M. Annadif pour leur accueil, pour toute l’assistance qu’ils nous ont donné. Très brièvement je pense à trois ou quatre choses. Le Sahel très naturellement, comme l’ont dit l’Ambassadeur François Delattre et l’Ambassadeur Tekeda Alemu, le Sahel est de plus en plus au centre de l’attention des Nations Unies et du Conseil de Sécurité. Naturellement, on se penche sur la Force du G5 Sahel dont les aspects sécuritaires de la question mais aussi, des aspects de développement qui sont pris en compte par ailleurs par la stratégie intégrée pour le Sahel des Nations Unies. Et la mission du Conseil de Sécurité dans les trois pays, témoigne de cette attention croissante, qui inclue naturellement le Mali et le futur de l’accord de paix, comme il a été rappelé. Alors, toutes les rencontres que nous avons eu à Bamako et hier en Mauritanie qui ont été rappelées, se sont avérées très utiles pour approfondir l’objectif principal de notre mission qui est, de se pencher sur la mise en place du G5 Sahel et, de recueillir tous les éléments nécessaires à l’évaluation que le Conseil de Sécurité devra effectuer dans les semaines et mois à venir, comme l’a rappelé l’Ambassadeur de France, sur la base aussi naturellement du rapport du Secrétaire général, qui est sorti il y a quelques jours. Je retiens d’abord que la mise en œuvre de l’Accord de paix au Mali est aussi fondamentale pour le pays lui-même mais pour toute la région sahélienne. Le Conseil de Sécurité appuie pleinement l’Accord et il faut souhaiter les progrès rapides à cet égard. Il a été très important, à mon avis aujourd’hui, de recueillir les manifestations constructives d’engagements de toutes les parties. En deuxième lieu, j’en retiens qu’il faut  travailler dans le sens d’une intégration croissante de divers instruments militaires et civils qui existent dans la région. C’est là le sens, naturellement comme l’a bien expliqué l’Ambassadeur François Delattre, de la création de la Force du G5 Sahel, que l’Italie appuie pleinement et qui pourra combattre le terrorisme et le trafic qui persistent dans la région à travers le trafic d’armes, de drogues et d’êtres humains dans la région sahélienne. Je pense qu’il faut souligner que la communauté internationale devra soutenir les efforts des pays du Sahel, qui disposent de moyens limités pour faire face à ces menaces, parce que ces menaces sont nos défis et nos défis appartiennent à toute la communauté internationale et, ils ne connaissent pas de frontières comme nous l’avons entendu ces jours-ci. Nous retournons donc à New York, avec d’importants éléments d’évaluations qui nous aideront, aideront le Conseil de Sécurité, à prendre des décisions nécessaires pour soutenir les pays du Sahel dans leurs efforts.

 

Session de question-réponses

Anthony Fouchard, RFI

Ma question s’adresse à l’Ambassadeur français. Si le Conseil de Sécurité veut apporter un soutien un peu plus conséquent au G5 Sahel, il va falloir convaincre vos partenaires américains et britanniques pour ne citer qu’eux ; est ce que ça progresse dans cette voie là ou est-ce que les Etats-Unis sont notamment, toujours réticents à apporter un soutien financier à ce G5 Sahel ?

 

SEM François Delattre

Je crois qu’il est important de raisonner en dynamique. Nous partons des efforts d’abord des pays du G5 Sahel pour, face à la menace terroriste que j’évoquais, s’organiser, mettre en commun leurs moyens.   

Une deuxième étape a été le vote de la résolution 2359 par laquelle, le Conseil de Sécurité à l’unanimité, a salué ces efforts et leur a apporté son soutien. Une troisième étape, il y a quelques jours, a été le rapport important du Secrétaire général des Nations Unies par lequel, António Guterres a mis sur la table des recommandations très ambitieuses et très importantes sous forme de quatre options destinées justement à incarner ce soutien, par le Conseil de Sécurité et la communauté internationale, à la Force du G5 Sahel. Cette mission très importante du Conseil de Sécurité au Sahel, à l’initiative de la France avec le plein accord de l’ensemble de ses partenaires, nous a permis, je crois, à travers les messages que je viens d’évoquer, de faire un progrès important dans cette direction à travers, encore une fois, les trois messages que sont, venants de la part de nos interlocuteurs, l’expression d’une volonté commune, d’éradiquer la menace terroriste, un engagement déterminé à cet effet derrière la Force du G5 Sahel mais aussi, un appel, un appel clair et dénué d’ambiguïté, de l’ensemble de nos interlocuteurs (à commencer par les deux présidents que nous avons vu avant d’aller voir demain le président du Burkina Faso), à un soutien international accru, à travers notamment le Conseil de Sécurité à la Force conjointe du G5 Sahel. Une cinquième étape qu’elle a aussi programmée dans le calendrier, sera la réunion ministérielle du Conseil de Sécurité des Nations Unies que le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean Yve Le Drian, présidera le 30 octobre prochain et qui marquera en quelque sorte la fin de la présidence française du Conseil de Sécurité. A partir de cette cinquième étape, je crois qu’il faudra d’abord mesurer le chemin parcouru en un temps limité, chemin qui me parait important. Elle est tout à fait dans le bon sens par rapport au souhait de la France. Et il faudra, à partir de ce moment-là, en fin de séquence, examiner les options possibles, voir comment répondre à celle que propose le Secrétaire général et aller de l’avant. Pour répondre à votre question, pour aller de l’avant, les conditions me paraissent aujourd’hui, sensiblement plus favorables qu’elles ne l’étaient il y a quelques semaines encore. Je ne peux pas parler à leur place, mais j’ai senti de la part de l’ensemble de mes collègues du Conseil de Sécurité, un esprit très positif, plus couvert par rapport aux messages convergents unanimes que nous avons reçu de l’ensemble de nos interlocuteurs.

 

Kaourou Magassa, TV5 Monde

Monsieur Delattre, vous parlez d’un soutien de la communauté Internationale, alors moi j’aimerais savoir, quelle forme prendrait ce soutien ? Si vous y avez réfléchi est ce qu’il sera financier, est ce qu’il sera logistique ? Est-ce que la MINUSMA appuiera plus encore la Force du G5 Sahel qui sera créée bientôt ?

 

SEM François Delattre

Je crois d’abord que la première forme de soutien, elle est politique et nous y sommes déjà, puisque la résolution 2359 à laquelle je faisais allusion, a été votée au mois de juin à l’unanimité des membres du Conseil de Sécurité, pour saluer les efforts entrepris par les pays du G5 Sahel à travers la création de cette Force commune.  Donc le soutien politique, il est sur la table et, il est unanime. Ce qui est au Conseil de Sécurité une forme d’expression particulièrement forte. Maintenant, l’enjeu de cette valse à cinq temps, si j’ose dire, que je viens d’évoquer devant vous, c’est de voir comment en effet, trouver un consensus sur le soutien le plus efficace possible à la Force du G5 Sahel, sur tous les terrains, en effet, que vous avez évoqué. J’ai moi-même mentionné la nécessité d’une articulation qui, à certains égards, peut devenir un modèle entre la MINUSMA et la Force du G5 Sahel qui, petite parenthèse, en l’espace de quelques semaines a déjà fait des progrès considérables. Ça aussi c’est un message qui nous a été passé que tous mes collègues ont pu entendre comme moi, au cours de ces dernières réunions. La Force du G5 Sahel, a déjà affirmé, il y a quelques jours, sa déclaration initiale d’opérationnalité, ce qui est un pas important. Et, il nous a été dit que les progrès dans sa mise en place étaient déjà importants. Nous aurons l’occasion de visiter le quartier général de Sévaré qui, là aussi prend forme, nous le verrons, c’est un peu tôt pour le dire. Autrement dit, on parle d’une Force qui est déjà, non seulement en train de se constituer mais, en train, une fois de plus, de franchir les premières étapes de l’opérationnalité. Ça c’est un deuxième élément de réponse à votre question. Je crois, un troisième élément de réponse à votre question, ce sera à l’occasion des prochaines étapes que j’évoquais notamment la réunion du 30 octobre qui sera présidée par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, de voir sur quelle base, ou comment examiner le rapport du Secrétaire général et les quatre options très claires qu’il met sur la table, à travers un paquet logistique sous différentes formes ou, à travers un soutien opérationnel et logistique apporté par la MINUSMA, dans le cadre de son mandat actuel, ou dans le cadre d’un mandat révisé. Voilà les options qui sont sur la table. Le Secrétaire général n’a pas caché, y compris en public, qu’il était lui-même favorable aux options, autres que les quatre recommandations principales que je viens d’évoquer. Et je crois qu’on revient tous dans nos capitales et vers New York, avec encore à la fois, un message très clair reçu de l’ensemble de nos intervenants et reçu notamment des deux Présidents de la République que nous avons rencontré, celui du Mali et celui de Mauritanie, selon lesquels, le soutien devrait être à la hauteur de l’engagement des pays du G5, c’est-à-dire important et déterminé.

 

Baba Hamed, Jeune Afrique /Associated Press

Sur les 400 millions d’euros, quel est le niveau de financement du budget du G5 Sahel ? Qu’est-ce qui vous fait croire que la Force du G5 Sahel peut être efficace dans la lutte contre le terrorisme ?

SEM François Delattre 

A partir du moment où la menace terroriste nourrie par tous les trafics que l’on sait est perçue comme une menace existentielle d’une ampleur toute particulière, à la fois par rapport aux pays du Sahel mais aussi au-delà, pour l’ensemble de la région, pour l’Europe et à certains égards pour le monde, à partir du moment où ce constat est fait, il est fait aujourd’hui en commun, la question est de savoir comment on lutte le plus efficacement contre le terrorisme, outre les autres combats qu’il nous faut mener bien sûr pour le développement ? Et à partir de là, les réflexions s’organisent autour, bien sûr de l’articulation entre la Minusma et la Force du G5 Sahel qui est en train de se construire, est en train de prendre forme sous nos yeux. La question est naturellement celle aussi du rôle de Barkhane, qui est aujourd’hui la colonne vertébrale de la lutte contre le terrorisme dans l’ensemble de la région. Et, je crois que le meilleur levier pour répondre à votre question, pour l’efficacité de la Force du G5 Sahel, c’est la nécessité de répondre à cette menace terroriste de la manière la plus efficace possible. Et c’est ce sur quoi vont porter les discussions futures à partir, encore une fois de plus, sur les quatre grandes options formulées par le Secrétaire général. Quelle est le schéma d’organisation et le schéma de soutien à la Force du G5 Sahel qui est le plus efficace pour lui permettre de répondre à sa mission première qui sera de contribuer à l’éradication du terrorisme dans l’ensemble de la région, je crois que c’est ça la meilleure réponse à votre question. Encore une fois, nous serons demain à Sévaré au quartier général de la Force et nous aurons en ce moment-là des échanges avec ceux qui portent sur le terrain la Force du G5 Sahel. Voilà les cadres de l’équation dans laquelle nous travaillons et cette équation est beaucoup plus structurée aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a seulement quelques semaines, sur la base des cinq étapes que je viens de mentionner et sur la base aussi, de l’organisation très rapide de la force conjointe du G5 Sahel.

La question sur le financement, on sait tous que l’union européenne a déjà mis sur la table 50 millions d’euros, on sait tous que la France, à travers des contributions importantes est déjà à près de 10 millions d’euros de contributions. Les Etats du G5 Sahel apportent naturellement et cela va s’en dire, leurs contributions petit à petit, mais en réalité de manière assez rapide par rapport au calendrier serré que j’évoquais. Les choses se mettent en place dans de bonnes conditions.

Aaron Ross, Reuters

Aujourd’hui même il y a eu une attaque au Niger dans laquelle une dizaine de militaires nigériens ont été tués. Apparemment, les assaillants sont venus du côté du Mali. Quelle analyse faites-vous de la persistance de ces attaques et aussi du fait qu’ils sont entrés à une quarantaine de kilomètres du sol nigérien et le fait que les assaillants parviennent à circuler librement à travers les frontières dans la région ?

SEM François Delattre

Merci de mettre le doigt sur cette tragédie que nous avons apprise durant nos réunions. Permettez-moi d’abord, au nom de la France, de condamner, le plus fermement ces attaques et aussi d’exprimer notre profonde sympathie à l’égard des familles des victimes, à l’égard aussi des pays touchés, notamment nos amis du Niger touchés par cette attaque et de leur exprimer à nouveau la pleine solidarité de mon pays. Je crois que malheureusement, cette tragédie et d’autres qui l’ont précédé, ne font que souligner s’il en était besoin, combien la menace est réelle et combien cette menace ne s’arrête pas aux frontières et combien dans ce contexte, il est important de lui répondre de manière très urgente et très déterminée à commencer par la zone des trois frontières pour les raisons même que vous avez évoquez. Je crois que malheureusement, cette tragédie est un élément de plus pour souligner l’urgence d’une réponse forte et déterminée dans la lutte contre le terrorisme, à travers, la création de la Force conjointe du G5 Sahel et, à travers le soutien que la communauté internationale a la responsabilité morale et politique de lui apporter.