La MINUSMA accompagne les premiers pas de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR)

6 novembre 2015

La MINUSMA accompagne les premiers pas de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR)

Du 26 au 28 octobre s’est tenu au siège de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation à Koulouba, un atelier de formation des membres de ladite structure. Entrée en matière pour les Commissaires fraîchement désignés, l’objectif général de cette rencontre, co-organisée par la MINUSMA et le Centre pour le Dialogue Humanitaire (HD), était de leur permettre de comprendre ce que l’on attend de la CVJR et les voies et moyens d’actions qu’elle devrait utiliser pour y parvenir.

 

Outil principal d’application de la justice transitionnelle au Mali, c’est Le 15 janvier 2014 qu’une ordonnance présidentielle crée la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, qui stipule qu’elle a pour mission de : « contribuer à l’instauration d’une paix durable, à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques ».  Le 14 octobre 2015, sa mise en place fut parachevée par la nomination des 15 commissaires qui la composent. Durant cet intervalle de plus d’une année, son Président fut nommé mais aussi et surtout, l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, préalable indispensable à la fin des hostilités et au début du travail de la Commission, fut signé.  L’opérationnalisation de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation figure d’ailleurs au Titre V de cet Accord.

 

Tous les Commissaires ayant été réunis, la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) peut démarrer ses travaux. La MINUSMA, dont le mandat est d’accompagner l’Etat et le peuple malien sur le chemin de la paix durable, de la réconciliation et de la stabilité, est naturellement à ses côtés en tant que partenaire stratégique. Pour l’appuyer dans ce premier travail, la Mission des Nations Unies au Mali a mis à sa disposition des experts dans le domaine de la justice en général et de la justice transitionnelle en particulier, puisque c’est de cette dernière dont il est principalement question, comme nous l’explique Mme Kora Andrieu, Officier des Droits de l’Homme, spécialiste de la Justice Transitionnelle : « L’objectif général était de donner aux commissaires des connaissances de base en matière de justice transitionnelle, en particulier sur le droit à la vérité et les expériences d’autres Commissions Vérité dans le monde (Maroc, Afrique du Sud, Tunisie…), et de leur donner un aperçu concret des réalités du travail qui les attend, y compris pour les recherches et l’investigation ».

 

 

La CVJR, une réponse aux préoccupations de plusieurs couches sociales maliennes

 

« Recherches et investigations », est-ce à dire que la Commission Vérité Justice et Réconciliation va se substituer à la justice ? A cette question, le Président de la Commission, le Ministre Ousmane Oumarou Sidibé, répond de façon très claire : « Certainement pas, nous ne sommes pas un tribunal, nous ne sommes pas des juges ! Ce que nous faisons, c’est écouter les victimes et faire des enquêtes, mais des enquêtes non judiciaires. Nous savons que la justice malienne et la Cour Pénale Internationale (TPI) sont saisies de plusieurs dossiers, qu’il y a une Commission d’enquête internationale prévue par l’Accord issu du processus d’Alger… Mais nous, ce que nous faisons, ce sont des enquêtes non judiciaires, dans le cadre d’une justice réparatrice. » Ainsi la CVJR offrira-t-elle aux victimes du passé un forum pour faire enfin reconnaitre la réalité de leurs souffrances, qui seront entendues au cours d’audiences publiques et recueillies, sur la base d’enquêtes approfondies, dans le rapport final.

 

Au cours des travaux et au fur et à mesure que les exposés se succédaient, les Commissaires entraient à chaque fois un peu plus dans le vif du sujet. Ce qui a permis de faire émerger un certain nombre de questions fondamentales, relatives notamment à la temporalité de la Commission dont le mandat est initialement de trois ans. Devrait-il être allongé, compte tenu du fait qu’il faille revenir sur des faits s’étant produits lors des crises occasionnées depuis 1960 par les coups d’Etat militaires (1968, 1991, 2012) et les rebellions armées (1963, 1990, 2006, 2012) ? Autres interrogations des membres de la Commission : comment éviter le risque de « doublon » avec les autres structures de l’Etat mais aussi de la société civile ? Comment se différencier du travail du Ministère de la Réconciliation Nationale qui organise déjà des rencontres inter et intra-communautaires ? Ainsi que de celui de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la Reconstruction du Nord, qui gère déjà le retour des réfugiés ? Quels liens établir avec les tribunaux en charge de ces dossiers liés à la crise ? Et avec la Commission de recensement en charge des réparations selon le décret de 2012 ? Comment donc créer des articulations efficaces avec ces structures, éviter les doublons et permettre ainsi à la CVJR de jouer pleinement et de façon efficiente le rôle qui lui a été confié ?

 

A cette dernière et épineuse question de la collaboration avec l’existant, un début de réponse a été trouvé et réside dans les procédures qui seront utilisées pour déterminer les cas à étudier : « C’est un grand défi. Nous travaillerons avec les Associations de droits de l’Homme, les ONG qui détiennent déjà des bases de données. Nous allons croiser ses bases de données pour faire un mapping (cartographie ndlr), afin d’avoir une idée sur les endroits où il y a eu le plus de violations. Cela va nous aider dans nos enquêtes. Mais cela se fera selon et sous réserve de la mise en place de notre Manuel de Procédures », a tenu à expliquer le Président Sidibé.

 

La méthode

 

Le Manuel de Procédures et le Règlement Intérieur de la CVJR détermineront la façon concrète dont travaillera la Commission et ses structures et quel sera son plan d’action. Son adoption est donc une priorité absolue pour le Président et pour les Commissaires. Concomitamment à la rédaction de ce document de base, d’autres points cruciaux doivent également être éclaircis. Il s’agit des questions liées au poids des éléments (témoignages, documents…) recueillis par la Commission auprès des tribunaux ; à l’administration des réparations aux victimes ; à l’accès de la CVJR aux documents, archives et autres éléments ; à son pouvoir sur les récalcitrants ; aux définitions qu’elle fait des violations (physiques, économiques…) ;  à la nomination ou pas des responsables dans son rapport final ou encore au fait de promouvoir activement le pardon ou de laisser ce choix aux victimes.  

 

Ces trois jours auront permis aux membres de la Commission et à leurs partenaires de jeter les bases d’un travail fastidieux et d’une importance capitale. Un travail que les membres de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation ont entamé avec l’appui technique et logistique de la MINUSMA. Appui qui, conformément au mandat de la Mission et de sa Division des droits de l’Homme, représentant le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme au Mali, se poursuivra tant que cela sera nécessaire, en lien avec tous les autres partenaires techniques et financiers.

 

Avec 50 Commissions Vérité déjà créées dans le monde, cette instance exceptionnelle n’est pas une première. Au Mali La CVJR n’a pourtant pas de précédent, d’où la nécessité de la soutenir afin que, tout en tenant compte des expériences des autres Commissions du même type, elle s’adapte au contexte malien, marqué par les différentes crises que le pays a vécu.