La paix par le dialogue

3 juin 2022

La paix par le dialogue

Au cours des dernières années, la violence armée s'est intensifiée dans les régions du Centre du Mali. Cette détérioration de la situation sécuritaire a eu un impact délétère sur le tissu social occasionnant des violences intercommunautaires. Cette situation a amené le Conseil de Sécurité des Nations Unies à placer en 2019 la stabilisation du Centre parmi les priorités stratégiques de la MINUSMA. A travers des partenariats avec le ministère de la Paix, de la Réconciliation et de la Cohésion nationale et des ONG locales et nationales, la MINUSMA s'emploie à ramener la paix dans les régions du Centre (Bandiagara, Douentza, San, Ségou et Mopti) en favorisant la tenue de dialogues pour la prévention et la résolution des conflits intra et intercommunautaires. Projecteur sur ces collaborations qui font renaitre l’espoir d’une réconciliation et d’une pacification.

De 2021 à 2022, la MINUSMA et ses partenaires de mise en œuvre ont tenue 24 dialogues dans les régions du Centre du Mali. Une enveloppe de 88 millions de francs CFA y a été consacrée. Les sessions de dialogue qui sont organisées dans des zones identifiées comme prioritaires par les Equipes régionales d’appui à la réconciliation (ERAR) et leurs homologues communaux, les Comités communaux de réconciliation (CCR), sont encadrées par des termes de référence précis. La priorisation des zones d’intervention se fait dans le cadre d’un exercice continu et les critères qui la guident font partie d’une méthodologie d’analyse de conflit consultative. Cette méthodologie prend en considération, entre autres, la tendance d’augmentation des violences dans une zone, l'impact que l'escalade de la violence pourrait avoir sur la population civile ou l’arrivée récente des personnes déplacées, facteur qui peut mener à des tensions au sein des communautés d’accueil. Les critères tiennent aussi compte des exigences du ministère de la Réconciliation Nationale et du statut des acteurs locaux susceptibles d’avoir un impact sur le bon déroulement du processus de médiation. Dès lors, la conduite de ces dialogues inclusifs et participatifs permet aux différentes parties prenantes de trouver des consensus et de s’engager sur la voie de la réconciliation, en mutualisant les efforts des communautés participantes.

Les initiatives locales, moteur du dialogue entre les communautés

Ces initiatives locales de médiation et réconciliation offrent aux représentants des communautés l’opportunité d’entamer une réflexion sur les préoccupations qui sont au cœur des tensions locales qui les affectent. Elles leur permettent ainsi d’identifier des pistes de solutions concrètes vers l’indispensable retour de la cohésion sociale. Au cours des débats, une recherche spécifique est menée sur les besoins et les préoccupations prioritaires des femmes et des jeunes.

À l’issue des dialogues, les partenaires de la MINUSMA, les ERAR/CCR, les ONG IMADEL mais aussi AFAR, rédigent un texte dans lequel sont formulées les recommandations opérationnelles et la méthodologie de suivi-évaluation des actions qui ont fait l’objet des discussions.  Cette « feuille de route » est également signé par les participants impliqués qui s’engagent à respecter les provisions et à soutenir directement la mise en œuvre de ces « accords de paix locaux ».

La signature symbolique des accords est tout aussi importante que leur mise en œuvre effective et le suivi des recommandations par des comités de suivis mis en place à cet effet. Les communautés à travers leurs représentants respectifs sont toutefois encouragées à poursuivre les discussions entre elles, ce qui se traduit, le plus souvent, par une baisse des tensions entre belligérants. Aussi d’une manière générale, les autorités locales retrouvent-elles un espace d’échanges directs avec les leaders communautaires. Ce qui permet d’arriver à un engagement collectif pour consolider la réconciliation et la cohésion sociale et éviter une nouvelle escalade des violences.

Ogossagou, l’exemple d’une mission de bons offices de la MINUSMA

L’exemple de l’accord d’Ogossagou - village situé dans le cercle de Bankass et théâtre de deux massacres en 2019 et 2020 - est caractéristique de la nature régulière et continue des processus locaux de médiation des conflits intercommunautaires soutenus par la MINUSMA.

La MINUSMA a, en effet, facilité les échanges qui ont abouti à l’accord signé le 8 octobre 2021 et qui a couronné le processus de réconciliation. En mars 2020, la Force de la MINUSMA avec les Forces armées maliennes (FAMa) a instauré une Base d’opérations temporaire à Ogossagou, fournissant ainsi un cadre sécurisé pour les efforts de réconciliation à venir.

Une série des séances de sensibilisation, des dialogues intra et intercommunautaires ainsi que des efforts de médiation de la part de la MINUSMA ont contribué à la signature de l’accord de paix d’octobre 2021 entre les communautés peulh et dogon et l’espoir d’un retour à la cohabitation pacifique et au vivre ensemble. La paix et le vivre-ensemble restent encore fragiles dans ce village et les efforts de réconciliation et de stabilisation sont toujours en cours, la MINUSMA suit régulièrement cet accord avec les autorités communales de Bankass et les partenaires ERAR et IMADEL. Elle a organisé en février  et avril dernier des missions et des sessions d’échange et de dialogue entre les communautés Peulhs et Dogons des deux villages d’Ogossagou et des dix villages environnants dans les communes de Dimbal et Bankass.

La réconciliation est un processus exigeant en temps et en ressources, qui porte ses fruits à moyen et long terme, à l’exemple de la stabilisation du cercle de Koro. En effet, en 2017, Koro était le cercle le plus instable et marqué par le plus haut niveau de violence. Grâce aux initiatives menées depuis le début de l’année 2019 par la MINUSMA en synergie avec l’ERAR et les partenaires locaux en soutien aux processus locaux de dialogue et de paix centrés sur les communautés, une dynamique positive de réconciliation et de stabilisation intercommunautaire a été enregistrée dans la zone. De même qu’une réduction de la violence de plus de 90% qui s’est largement maintenue depuis fin 2020.

A suivre aussi l'interview du Colonel Théodore Adrien Sarr sur l'action de la MINUSMA à Ogossagou :

Dans les autres cercles du Centre où des accords moins formels ont été conclus les dialogues intercommunautaires ont souvent créé des conditions telles que la cessation de la violence, la levée des blocus autour des villages et le retour du bétail volé. Elles ont amélioré la sécurité et la liberté de mouvement pour que la population civile puisse reprendre ses activités économiques et avoir accès aux terres agricoles, aux pâturages, aux marchés et aux services sociaux de base.

En capitalisant sur l’expérience d’interventions couronnées de succès et en s’adaptant aux besoins des différentes zones des régions du Centre, la MINUSMA continuera à appuyer les autorités maliennes dans leurs efforts de prévention et résolution des conflits intra et intercommunautaires.