La protection des droits de l’Homme: Pour la dignité de toutes et tous, partout au Mali

21 juin 2017

La protection des droits de l’Homme: Pour la dignité de toutes et tous, partout au Mali

Juin 2017. Le soleil plombe sur Konna, dans le cercle de Mopti. L’homme d’une soixantaine d’années assis sur un tapis de paille coloré chasse une mouche du revers de la main et reste un moment silencieux, les yeux rivés sur le sol. Il pousse un soupir avant de reprendre son témoignage ; un moment difficile, qui fait remonter à sa mémoire des souvenirs douloureux.

Attentifs et empathiques, Abdouramane Bakayoko et Amadou Bâ, les chargés des droits de l’Homme de la MINUSMA, notent les détails de son histoire pour tenter de faire la lumière sur les allégations de violations de droits de l’Homme touchant sa famille.

Des entretiens comme celui-ci sont courants dans le cadre du travail d’investigation, au cœur des activités de la Division des droits de l’Homme et de la Protection (DDHP) de la MINUSMA. Un travail qui consiste d’abord à recueillir les témoignages des victimes, aller à la rencontre des populations pour échanger sur leurs droits, afin de rapporter, et amener les autorités à agir et à poursuivre en justice les auteurs de ces violations. Une mission délicate, mais combien essentielle à la lutte contre l’impunité, à la protection des droits de l’homme et au renforcement de l’état de droit au Mali.
 
« Nos équipes couvrent tous les évènements où on a reçu des informations sur de possibles violations des droits de l’homme. La DDHP vient pour établir les faits. On parle en toute confidentialité aux gens, à ceux qui ont vu ou entendu, et on compile et recoupe les témoignages pour faire la lumière, » explique Abdouramane Bakayoko, chef d’équipe du bureau des droits de l’Homme de Mopti. « Ensuite, on va analyser les informations, confirmer le nombre de victimes, tenter d’identifier les auteurs, pour ensuite saisir les autorités. »
 
« Nous enquêtons sur les allégations d’abus de droits de l’Homme ; c’est un travail délicat, qui demande beaucoup de rigueur dans la collecte de l’information, » précise Amadou Bâ. Mais également une bonne dose d’empathie ; car témoigner est un processus difficile, qui ravive beaucoup d’émotions pour les victimes.
 
 
Une mission : découvrir la vérité
 
Le départ pour Konna a été fixé pour 8h. Comme chaque jeudi, jour de marché dans le village, une patrouille de la Police des Nations Unies, UNPOL, se rend à Konna. Cette semaine, une équipe du bureau de la DDHP se joint au convoi pour rencontrer des victimes alléguées de violations de droits de l’Homme.
 
Le village de Konna est animé les jours de marché. S’il n’y a pas eu d’attaque de groupes extrémistes contre le village depuis l’intervention de Serval en 2013, la présence de certains éléments dans les environ se fait quand même sentir et la situation reste tendue. Le premier arrêt de la mission d’investigation sera donc le point de contrôle d’entrée du village, où l’équipe s’arrête pour discuter avec les forces de sécurité. L’adjudant en service de la gendarmerie de Konna rapporte le récent incendie d’une école primaire dans un cercle environnant. Les chargés des droits de l’Homme notent le témoignage pour vérification et enquête ultérieure, et rappellent l’importance de documenter de tels incidents et de partager l’information avec les équipes de la MINUSMA. Le convoi se remet en marche, non sans avoir échangé les contacts avec l’adjudant en service de la gendarmerie de Konna.
 
 
Une approche : confidentialité et discrétion
 
Pour éviter d’attirer l’attention sur les victimes, Abdouramane et Amadou se déplacent à pied jusqu’à une maison. « Nous ne venons pas avec une grosse équipe de sécurité et des militaires très visibles ; nous essayons d’être discrets dans notre approche, c’est important pour le respect et la sécurité de la famille, » explique Abdouramane.
 
Tout en marchant, les collègues discutent des procédures. « On ne va pas parler avec les autorités du contenu des échanges sans l’accord des personnes interrogées, c’est important que ces dernières le sachent pour s’exprimer en toute confiance. Il est également important qu’elles nous disent ce qu’elles attendent des autorités pour qu’au besoin, nous puissions faire du plaidoyer, » souligne Abdouramane Bakayoko. Expliquer le déroulement de l’entretien en sélectionnant les mots justes est d’ailleurs la première étape lors des discussions avec les victimes.
 
Chaque entretien est différent. Certaines victimes sont réticentes à parler. D’autres s’ouvrent plus facilement. Chaque fois, les chargés des droits de l’Homme prennent le temps qu’il faut pour écouter et mettre la personne en confiance. « On demande souvent aux victimes si la gendarmerie, les autorités sont venues. Pour nous, c’est très important de savoir parce que ça montre que les autorités prennent action. Il faut aussi indiquer aux personnes interrogées que c’est un bon signe que ces gens viennent les rencontrer, que c’est la justice qui suit son cours, » précise Abdouramane.
 
 
Une responsabilité : lutter contre l’impunité
 
« Le plus difficile dans ce travail, c’est d’être toujours en contact avec des gens qui souffrent ; mais c’est un travail qui est aussi stimulant. Lorsqu’on réussit à obtenir des informations, c’est là qu’on peut agir, que des actions peuvent être prises. C’est ce qui est important, » constate Abdouramane qui travaille depuis 2007 sur les questions de droits de l’Homme.
 
« On interagit aussi avec les populations pour leur expliquer leurs droits. On leur donne des outils pour qu’elles puissent comprendre les limites, indiquer à certains acteurs que ce n’est pas leur rôle de prendre telle ou telle action, et dénoncer elles-mêmes, » précise-t-il.
 
Le travail d’investigation en est d’abord un de vérification ; cette étape permet ensuite d’activer le travail d’autres acteurs, au sein même de la MINUSMA. La section des Affaires civiles pourra, par exemple, travailler à la cohésion sociale à la suite de troubles dans une région spécifique.
 
« L’important, c’est de lutter contre d’impunité ; si on règle l’impunité, je pense que la majorité des problèmes seront réglés. La justice doit être équitable pour tous, » conclut Amadou Bâ.
 
Si vous êtes victimes ou témoins de violations ou d’abus des droits de l’Homme, vous pouvez contacter la Division des droits de l’Homme :
 
Bamako, Kayes, Sikasso, Ségou, et Koulikoro : 94951351 (Bambara, Songhaï, Français, Arabe, Tamasheq).
 
Gao et Ménaka : 94951663 (Bambara, Songhaï, Français, Tamasheq) ;
 
Kidal : 94951244 (Tamasheq, Arabe, Bambara, Songhaï) ;
 
Mopti : 94950028 (Bambara, Français, Bozo et Peulh) ;
 
Tombouctou : 94951177 (Bambara, Songhaï, Français) ;
 
Pour plus d’information sur le travail de la MINUSMA au niveau des droits de l’Homme, consultez :