POINT DE PRESSE de la MINUSMA du 02 mai 2019

3 mai 2019

POINT DE PRESSE de la MINUSMA du 02 mai 2019

Bonjour et bienvenue à toutes et à tous, chers confrères journalistes, chers auditrices et auditeurs de la radio de la Paix, MIKADO FM, merci de nous être fidèles.

Et bienvenue à notre point de presse qui a lieu toutes les deux semaines ici au quartier général de la MINUSMA près de l’aéroport à Bamako. Je reçois ce jeudi comme invités, la Représentante Spéciale Adjointe du Secrétaire général de la MINUSMA, Mme Joanne Adamson et le Directeur de la Division droit de l’homme de la MINUSMA M. Guillaume Ngefa.

Avant de donner la parole à Mme Adamson, j’aimerais vous faire le point des activités de la MINUSMA et des incidents sécuritaires des deux dernières semaines. 

ACTIVITES

  • Le 25 avril, le Représentant spécial du Secrétaire général et chef de la MINUSMA, M. Mahamat Saleh Annadif a rencontré le nouveau Premier ministre Boubou Cissé à la Primature. M. Annadif l’a félicité et l’a assuré du soutien de la MINUSMA dans le succès de ses fonctions. Pour sa part, le Premier ministre a assuré M. Annadif que son gouvernement ferait de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix une priorité.
  • Les Nations Unies participent au renforcement de la sécurité des populations de Tombouctou. Le 29 avril dernier, une délégation composée de l’Ambassadrice du Royaume du Danemark, de l’Ambassadeur du Canada, de la Chargée d’Affaires du Royaume de la Norvège,  du Chef de la Coopération du Danemark, du Directeur Régional des Routes représentant le Ministère des Infrastructures et de l’équipement du Mali et de la Représentante spéciale Adjointe du Secrétaire générale de l’ONU pour la MINUSMA et Coordinatrice Résidente du Système des Nations Unies au Mali, Mme Mbaranga Gasarabwe a procédé à la remise de six postes de contrôle au profit des Forces armées maliennes et au lancement de la réhabilitation de la route de l’aéroport de Tombouctou. Ces différents projets financés par les Nations Unies à travers le Fonds Fiduciaire pour la Paix et la Sécurité au Mali ont coûté plus d’un milliard 500 millions de FCFA. Les postes de contrôle ont pu être renforcés grâce aux contributions du Canada et du Royaume de la Norvège à hauteur de 263 millions de francs CFA tandis que la route reliant l’aéroport à la ville de Tombouctou coûtera environ 1 milliard 264 millions de FCFA grâce à la contribution du Royaume du Danemark.
  • Le 19 avril, M. Annadif a rencontré une délégation Bangladaise, incluant les représentants de plusieurs ministères qui ont visité les contingents bangladais de la MINUSMA. Des discussions ont porté sur l’environnement opérationnel de la MINUSMA.
  • Le 25 avril, M. Annadif a rencontré une délégation belge de New York et Bruxelles. Le 26 avril, il a rencontré une délégation du ministère des Affaires étrangères canadien. La Belgique et le Canada ont réitéré leur engagement envers le Mali et ont salué les efforts de la MINUSMA.

LA FORCE

Les Casques bleus néerlandais, présents au sein de la MINUSMA depuis avril 2014, ont quitté définitivement la Mission le 30 avril dernier. Ces cinq dernières années, 6 000 casques bleus des Pays-Bas ont apporté leur soutien à la MINUSMA, notamment à travers des missions de reconnaissance. La MINUSMA est reconnaissante envers les Pays-Bas pour leur engagement pour la paix et la stabilité au Mali.

La Force de la MINUSMA a poursuivi ses opérations de sécurisation, de contrôle de zones, d’escortes de convois, de sensibilisation de la population, d’assistance sécuritaire au Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) ainsi que des patrouilles de reconnaissance et de dissuasion (terrestres et aériennes) dans nos différentes zones de déploiement. Une vingtaine d’opérations (permanentes et temporaires) avec un accent particulier sur le Centre du pays sont actuellement en cours.

  • La phase de rattrapage du processus de Désarmement, Démobilisation, Réintégration intégrés accéléré s’est déroulée du 16 au 30 avril 2019 dans les localités de Tombouctou, Gao et Kidal. Cette phase s’est globalement bien déroulée. Toutefois sur le site de Tombouctou il y a eu un blocage du côté du MAA/PLATEFORME lié à des querelles internes. Après échanges pour trouver une solution, la Commission Nationale DDR a accepté de prolonger les opérations.

Par ailleurs, la Force continue d’apporter son concours à la sécurisation des trois camps MOC en attendant que les bataillons mixtes aient les capacités opérationnelles nécessaires.

  • Plusieurs activités CIMIC ont été menées dans les secteurs. Dans le secteur Ouest, le bataillon bangladais a entrepris une séance de consultations médicales à Bankass, le 21 avril 2019, au cours de laquelle 153 patients ont été examinés. Il a ensuite fait un don de vêtements aux collectivités locales de Bankass et Koro, le 24 avril 2019.
  • Toujours dans le cadre des activités civilo-militaires, le 19 avril, des membres de la cellule CIMIC de la Force ont visité l'orphelinat Ashed à Bamako, réhabilité par la MINUSMA. Il s’est agi de la réalisation d’un forage et de la construction d’un château d’eau, ainsi que l’installation d’un réseau électrique dans le nouveau bâtiment a Mountougoula. Cela permettra aux 75 orphelins de vivre dans des conditions meilleures que leurs lieux de résidence actuel.
  • Pour terminer avec les activités de la Force, il faut retenir que les soldats de la paix ont effectué 2126 patrouilles, tenu 606 check-points et mené 112 escortes du 17 au 29 avril. 

UNPOL

  • La Composante Police de la MINUSMA a accompli au cours des deux dernières semaines ses missions relatives à la protection des populations civiles ainsi que de leurs biens, au développement et au renforcement des capacités des Forces de Sécurité Maliennes (FSM). Elle a mené plusieurs patrouilles motorisée et pédestre de sécurisation dans les localités de Toya, Douentza, Sévaré et Tombouctou. Les équipes de patrouilles conjointes avec les FSM, ont recueilli des informations relatives à la situation sécuritaire et ont sensibilisé les personnes rencontrées sur la cohésion sociale, la lutte contre la délinquance juvénile, les violences faites aux femmes et ont exhorté la collaboration avec les forces de sécurité maliennes et la MINUSMA.

 

  •   Le 26 avril dernier, la Police des Nations Unies (UNPOL) conjointement avec d’autres sections de la MINUSMA, a participé à la cérémonie de lancement du projet « Mon voisin, mon frère » à Bankass, à environ 165 km au Sud-Est de Sévaré. Ce projet initié par l'ONG "Search For Common Ground (SFCG)" avec le soutien de la Division des Affaires Civiles de la MINUSMA, a été officiellement inauguré par le préfet de Bankass en présence du sous-préfet, des maires des communes du cercle de Bankass, des directeurs et coordonnateurs de programmes œuvrant dans le domaine de la cohésion sociale, des membres des conseils locaux ainsi que des leaders traditionnels et religieux de Bankass. Le représentant de "Search For Common Ground", a présenté le projet suivi de l’installation du cadre de mise en œuvre et de suivi du projet. UNPOL a assuré la sécurité sur les lieux et a saisi l’opportunité pour sensibiliser les populations sur la cohabitation pacifique et la tolérance sociale.
  •   Le 16 avril, une délégation composée de UNPOL, du Juge d’Instruction du Pole Judiciaire de Bamako, des membres de l’Office Central de Lutte contre les Crimes contre l’Humanité, les Génocides et les Crimes de Guerre (OCLCH), de la section des Affaires Judiciaires et Pénitentiaires, conduite par le Procureur Général de Mopti, s’est rendue dans les villages d’Ogossagou et Wélingara dans la commune de Bankass, dans le cadre de la poursuite des investigations suite à l’enquête ouverte relative aux attaques desdits villages. Sur les lieux sécurisés par une équipe conjointe UNPOL/FSM, la mission s’est entretenue avec les représentants de la communauté peule d’Ogossagou et Wélingara et a poursuivi les investigations sur le terrain.  UNPOL a saisi l’opportunité pour sensibiliser les populations sur la cohabitation pacifique, la tolérance sociale et la collaboration avec les Forces de sécurité.
  • Concernant le développement et le renforcement des capacités des Forces de Sécurité Maliennes, la Police de la MINUSMA a poursuivi ses séances de formations à Bamako et dans les zones de déploiement de la Mission. Les formations portent entre autres sur les thèmes :

« Les renseignements dans la lutte contre le Terrorisme », « la formation théorique et pratique sur le Maintien de l’ordre », «la gestion des archives », « le recyclage de l’unité de cavalerie » et « la protection des hautes personnalités (PHP) » à Bamako.

  • A Tombouctou a démarré le 29 avril la formation des formateurs en protection des enfants.
  • Pour terminer avec ce chapitre, retenez que du 1er juillet 2018 au 2 mai 2019, la Police de la MINUSMA a formé 6274 agents des Forces de sécurité maliennes.
  • Du 15 au 28 avril, UNPOL a mené 721 activités opérationnelles. Il s’agit de patrouilles, d’escortes et de missions parfois conjointes à Bamako et dans les régions de Gao, Mopti, Tombouctou et Kidal.

DIVISION DES AFFAIRES CIVILES

  • Les 16 et 17 avril, la MINUSMA, à travers sa Division des Affaires civiles (DAC) a parrainé un atelier sur la gouvernance locale à l'intention des autorités et des représentants des communautés du cercle de Koro, qui a été organisé par le Groupe de recherche et d'applications techniques (GRAT). La rencontre a réuni 40 participants, dont sept femmes. Les participants représentant les communautés peul et dogon ont recommandé la poursuite de l'organisation de dialogues intercommunautaires et intracommunautaires, la mise en place de comités de réconciliation pour les communautés peul et dogon et le suivi de ces comités et le retour volontaire des personnes déplacées dans leur localité d'origine.
  • Le 25 avril, la DAC a participé à la cérémonie de signature d'un accord entre les Bobos du village de Konessedougou dans la commune de Timissa dans le cercle de Tominian (région de Ségou) et les Bellas du village de Torokoro-carrefour dans la commune de Madiama, cercle de Djenné (région de Mopti). L'objectif de l'accord est de mettre en œuvre les recommandations formulées (incluant l'établissement d'accords de prêts sur les terrains et des délais clairs de prêts fonciers) lors des dialogues intercommunautaires facilités, du 08 au 09 avril à Madiama, par la DAC.
  • Le 26 avril, le Chef du Bureau par intérim de la MINUSMA de Kidal a officiellement remis le projet d'aménagement d'une adduction d'eau au profit du Centre de santé communautaire du quartier d'Etambar à Kidal. D'un coût de 17 millions de FCFA, le projet d'adduction d'eau potable est la continuité de deux projets à impact rapide réalisés par la Mission en 2017, qui visaient respectivement la réhabilitation du bâtiment du CSCOM d'Etambar et la fourniture de matériel médical.

INCIDENTS

  • Le 18 avril, la Force a trouvé une mine sur le chemin du convoi voyageant entre Mopti et Gao, sur l’axe Boni-Hombori, environ 20km à l’Est de Douentza. Le convoi a pris les mesures de sécurité nécessaires jusqu’à l’arrivée de l’équipe de déminage.
  • Le 20 avril au matin, un véhicule faisant partie du convoi entre Douentza et Boni a sauté sur une mine (EEI). L’attaque a fait un mort parmi les Casques bleus assurant le convoi, quatre autres blessés et un véhicule endommagé. Un assaillant a été tué et huit autres personnes ont été détenues, puis libérés sans charges retenues. Le corps du Casque bleu tué et les quatre blessés ont été évacués à l’hôpital de Tombouctou. Par la suite, le corps du Casque bleu tué a été rapatrié à Bamako pour une cérémonie de recueillement avant le retour de la dépouille en Egypte. Les casques bleus blessés ont ensuite été évacués à l’hôpital régional de Dakar. Deux d’entre eux ont été transportés en Egypte pour la poursuite de leurs soins, un troisième est toujours à l’hôpital de Dakar.
  • Le 24 avril, à la suite de l’attaque sur un convoi civil près de Douentza, la MINUSMA en collaboration avec les forces internationales a facilité l’évacuation de 13 civils, jusqu’à Gao où ils ont été transportés avec le soutien logistique de la Mission jusqu’à l’hôpital régional de Gao.
  • Le 21 avril, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le Mali et Chef de la MINUSMA, M. Mahamat Saleh Annadif, a condamné l’attaque terroriste complexe perpétrée contre le camp des FAMa à Guiré dans la région de Koulikoro. M. Annadif s’est dit outré par cette attaque abjecte et a salué le courage et la détermination des valeureux soldats maliens qui ont infligé de lourdes pertes aux assaillants.
  • Le 1er mai, un véhicule de la Police des Nations unies (UNPOL) a percuté une moto transportant deux civils sur l’axe Sénou-Bamako (leur identification est en cours). Un des civils est décédé des suites de ses blessures, le deuxième a été évacué par la protection civile malienne. Les policiers de l’unité de police constituée à bord du véhicule ont été interrogés par la gendarmerie. Une enquête interne au sein d’UNPOL est en cours.

Questions/ Réponses

Idrissa Niono, radio Emergence

Vous venez de faire un résumé des activités menées par la MINUSMA. En ce qui me concerne, je suis du cercle de Ténenkou et de Youwarou, j’aimerais savoir quelles sont les activités menées au niveau de ces localités d’autant plus que ce sont les deux cercles les plus frappés en ce moment par l’insécurité.  

Myriam Dessables

Pour ces deux dernières semaines, je n’ai pas les détails sur ces deux cercles en particulier. Comme vous le savez, nous l’avions indiqué lors de notre point de presse il y a deux semaines, toute la région a été quadrillée au cours de l’opération Oryx et une division de tâches a été établi entre la Force de la MINUSMA et les FAMa. On pourra vous donner plus de détails sur quelles opérations ont eu lieu où par la Force et par les FAMa.

Je donne la parole à Madame Joanne Adamson Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général pour les questions politiques.

Intervention de madame Joanne Adamson, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général 

Mesdames et Messieurs les journalistes, bonjour,

Je vous remercie d’avoir fait le déplacement pour participer à cette conférence de presse très importante.

Nous sommes présents aujourd’hui pour présenter publiquement les conclusions de l’enquête conjointe menée par les chargés des droits de l’homme et les experts de la police scientifique et technique de la MINUSMA sur l’attaque du village d’Ogossagou, dans la commune et le cercle de Bankass, région de Mopti, le 23 mars dernier.

Cette enquête et la présentation publique de ses conclusions se font conformément à la résolution 2423 (2018) du Conseil de sécurité des Nations Unies qui, je le rappelle,  donne à la Mission le mandat de « surveiller, sur le territoire national, les violations du droit international humanitaire et les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits, concourir aux enquêtes et lui faire rapport à ce sujet, de même que publiquement, selon qu’il convient, et contribuer aux activités de prévention de ces violations et atteintes ».

Ainsi, et dans le cadre de l’accompagnement au Gouvernement dans la lutte contre l’impunité, la MINUSMA a conduit toute une série d’enquêtes sur différentes allégations de violations et d’abus des droits de l’homme commis sur l’ensemble du territoire malien, en particulier dans les régions du Centre.

Nous saluons ici la volonté politique du gouvernement et l’ouverture d’enquêtes et de procédures judiciaires, notamment sur les incidents de Nantaka, Boulkessy, Koumaga, Koulogon-Peul et tout récemment Ogossagou, pour s’assurer que les auteurs de ces graves violations et abus ne resteront pas impunis. Il convient en effet de rappeler que les cas documentés par la Mission constituent des crimes face au droit pénal malien et se doivent d’être jugés devant les tribunaux nationaux compétents.

La protection physique est un élément dans notre stratégie de Protection des civiles. Mais la justice et la lutte contre l’impunité sont également des éléments très importants dans la prévention de la violence. Il faut que les auteurs sachent qu’il y aura des conséquences. Les populations des villages du centre, qu’elles soient Peule, Dogon, Arabe, Sonhrai et autres, attendent des résultats des enquêtes judiciaires en cours – nous les soutenons dans leurs attentes légitimes et travaillons avec les autorités maliens pour atteindre cet objectif.

Dans le cadre du cycle de violence sur fond de tensions communautaires au centre du Mali, l’année 2019 a été marquée par deux évènements majeurs : l’attaque du village de Koulogon-Peul le 1er janvier, ayant couté la vie à 39 membres de la communauté peule, et celle du village d’Ogossagou le 23 mars dernier, ayant fait au moins 157 morts.

La Mission a partagé le rapport sur l’incident de Koulogon-Peul avec le Gouvernement malien le 8 avril dernier, auquel le Gouvernement a répondu. Le rapport final sera donc publié très prochainement.

Aujourd’hui, nous vous présentons les résultats de l’enquête sur l’incident d’Ogossagou ; c’est ainsi que je vais donner la parole à M. Guillaume N’Gefa, Directeur de la Division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA et représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au Mali.

Mais avant de terminer je veux dire un mot sur la situation politique. Nous espérons tous qu’il y aura du progrès dans la formation du nouveau Gouvernement. Je crois qu’il y a des évènements même aujourd’hui. J’ai vu que dans les discussions beaucoup de parties ont soulevé la question de la stabilisation du Centre. Je veux joindre ma voix à celles de ceux qui ont dit que le nouveau gouvernement, j’espère va travailler dans un esprit de rassemblement pour faire face à ce très grand défi au centre du Mali. En attendant des développement et l’annonce d’un nouveau gouvernement, je veux souligner que nous espérons que ce gouvernement va combattre l’impunité, va travailler avec nous pour sécuriser le Centre du pays et continuer nos efforts conjoints à cet objectif.

Je reste à votre entière disposition pour toute questions après la présentation. Je passe la parole à mon collègue M. Guillaume Ngefa.

Intervention du Directeur de la Division des droits de l’homme de la MINUSMA, M. Guillaume Ngefa.

Bonjour Mesdames et messieurs les journalistes,

À mon tour, je vous remercie pour votre participation à ce point de presse de la MINUSMA.

Comme annoncé auparavant, la MINUSMA a déployé du 25 au 29 mars 2019, une mission d’enquête spéciale des droits de l’homme dans la région de Mopti, plus précisément dans le village d’Ogossagou (environ 18 km au sud de la ville de Bankass, dans la commune de Bankass, cercle de Bankass) suite aux allégations de graves abus des droits de l’homme ayant occasionné la mort d’une centaine de personnes et des destructions de propriété.

L’objectif de la mission spéciale d’enquête des droits de l’homme était d’établir les faits, examiner les circonstances et l’ampleur de l’attaque, en identifier les auteurs et en établir le bilan et situer les responsabilités des acteurs impliqués. L’équipe de la mission était composée de 10 chargés des droits de l’homme et une chargée de la protection de l’enfance de la Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) appuyés par deux experts de la police technique et scientifique de la Police des Nations Unies (UNPOL).

Je souhaiterais ici vous présentez la méthodologie utilisée lors de l’enquête.

Dans un premier temps, l’équipe a procédé à la collecte et l’analyse d’informations préliminaires à travers de nombreuses sources primaires, secondaires et différents rapports internes, ainsi que la consultation et la certification des photos et vidéos obtenues des sources ouvertes.

Une fois déployée à Mopti/Sévaré, l’équipe s’est entretenue avec les autorités régionales militaires, judiciaires, administratives et médicales, et a conduit en parallèle des entretiens avec plus d’une dizaine de blessés pris en charge à l’hôpital de Sévaré.

Le 27 mars, la mission a été déployée in situ dans le village d’Ogossagou pour enquêter sur les allégations des abus commis. Elle a visité la partie du village où se trouvaient les trois fosses communes où a été enterrée la majorité des victimes. L’équipe a mené 25 entretiens individuels et confidentiels avec les survivants et autres témoins directs de l’incident, ainsi que des entretiens de groupes avec plus d’une centaine de personnes.

A Mopti/Sévaré puis Bamako, l’équipe a poursuivi les entretiens additionnels avec diverses autorités régionales et communales, les membres du cadre de concertation de la société civile, y compris les représentations des communautés peule et dogon, les responsables politiques et militaires des groupes d’auto-défense et traditionnels peuls et dogons opérant dans la zone ainsi que les déplacés internes à Mopti.

Au total, la Mission s’est entretenue de manière individuelle avec plus de 90 personnes, victimes, autorités et autres acteurs compris. 

Permettez-moi maintenant de vous présenter un bref contexte de l’attaque.

L’attaque menée sur le village d’Ogossagou n’est pas un incident isolé mais s’inscrit au contraire dans une dynamique d’accentuation progressive de violences répétées sur fond de tensions communautaires dans la région de Mopti, et particulièrement dans le cercle de Bankass. Des attaques et des actions de représailles sont menées par des groupes d’auto-défense communautaire, possédant pour la plupart des armes de guerre et agissant en toute impunité, à l’encontre de populations civiles, peule et dogon.

Je tiens à souligner ici que le cercle de Bankass est devenu, depuis novembre 2018, l’épicentre de ces violences : entre le 1er novembre 2018 et le 22 mars 2019, veille de l’incident, la Division des droits de l’homme et de la protection a documenté au moins 37 incidents et/ou attaques ayant conduit à des abus de droits de l’homme commis par des groupes armés organisés d’auto-défense communautaire, dont 21 sont attribuables à des présumés chasseurs traditionnels (dozos) ayant conduit à la mort d’au moins 100 membres de la communauté peule, et 16 attribuables à des groupes armés organisés d’auto-défense peuls ayant conduit à la mort d’au moins 15 membres de la communauté dogon.

Avant le 23 mars, plusieurs tentatives d’attaques sur la partie du village d’Ogossagou habitée par les peuls par des chasseurs traditionnels opérant dans la zone avaient eu lieu, y compris le 15 janvier dernier. Cependant, toutes ces attaques ont été repoussées par des éléments armés peuls regroupés dans le cadre du processus de « désarmement volontaire ». Il convient ici de noter la présence, depuis plusieurs mois, d’une soixantaine d’éléments armés peuls, pour la plupart habillés en tenue militaire, dans la partie peule du village d’Ogossagou dans l’attente d’une éventuelle intégration au programme de réduction de la violence communautaire au centre du Mali, annoncé par le gouvernement en 2018. Une présence d’ailleurs connue et tolérée tacitement par les autorités administratives et militaires.

De plus, le 20 mars, soit trois jours avant l’attaque, un communiqué du groupe de chasseurs Dan Nan Ambassagou faisait état « d’attaques des bandits armés habillés en tenue militaire » qui menacent le « pays Dogon », et de la détermination du groupe à y répondre.

Permettez-moi maintenant de présenter le résumé des conclusions de l’enquête.

Au terme de sa mission, l’équipe d’enquête spéciale a conclu que le samedi 23 mars 2019, aux alentours de 5h du matin, un groupe composé d’au moins une centaine d’hommes armés, identifiés en majorité comme des chasseurs traditionnels (dozos) et accompagnés par une dizaine d’hommes en tenue militaire et des individus en tenues civiles, a mené une attaque planifiée, organisée et coordonnée sur la partie peule du village d’Ogossagou.

L’attaque a donné lieu à une confrontation armée ayant opposé les dozos aux éléments armés peuls faisant partie d’un rassemblement de candidats au processus de désarmement volontaire installés dans le village et qui s’étaient constitués de facto en groupe d’auto-défense. Les assaillants étaient en unités constituées avec un commandement sur le terrain, disposaient d’armes lourdes et ont attaqué à partir d’au moins deux endroits différents du village. Le groupe de chasseurs, supérieurs en nombre et en puissance de feu, à continué d’avancer sur le village, ciblant de manière indiscriminée hommes, femmes et enfants et incendiant les maisons à l’aide de torches et autres combustibles préparés à cet effet.

Dans leur mode opératoire, ont ciblé les chefs spirituel et traditionnel du village et ont exécuté les victimes civiles devant les membres de leurs familles, dans l’intention d’atteindre leur intégrité morale et en connaissance de l’impact de tels actes sur toute une communauté.

L’attaque a été exécutée avec des armes diverses, dont en majorité des armes à feu automatiques de type AK47, ainsi que des fusils de chasse traditionnels, des machettes et des couteaux. Les quelques 1351 douilles recueillies sur les lieux par les experts de police scientifique d’UNPOL et les nombreuses habitations criblées de balles, bien supérieures aux nombres de douilles retrouvées après les attaques sur Koulogon-Peul, Minima Maoudé-Peul et Libé-Peul, témoignent de l’ampleur et de l’intensité de l’attaque, et confortent ainsi la confrontation entre les dozos et les éléments peuls armés basés dans le village.

Au cours de l’attaque, les assaillants ont tué au moins 157 membres de la communauté peule, dont au moins 12 éléments du groupe d’auto-défense.

L’enquête a permis de démontrer que les assaillants ont tué par balle la majorité des victimes de manière indiscriminée, dont des femmes et des enfants. En revanche, les allégations de meurtres par arme blanche, y compris des égorgements, n’ont pas été corroborés. Les dozos ont également incendié plusieurs cases dans lesquelles les villageois s’étaient réfugiés, en y bloquant tout accès de sortie ; à ce stade, l’enquête n’a pas permis de déterminer avec exactitude si les victimes retrouvées calcinées sont mortes asphyxiées et/ou brûlées-vives ou ont été tuées par balle auparavant. L’équipe a pu confirmer et localiser au moins 3 fosses communes contenant au moins 40 corps dans chacune des deux premières et au moins 70 corps dans la troisième.

L’attaque a également causé des blessures par balles, par armes blanches et par autres moyens physiques à au moins 65 personnes, dont 43 (17 enfants) ont été prises en charge à l’hôpital de Sévaré où l’équipe s’est rendue.

Par ailleurs, l’équipe a pu déterminer que 210 bâtiments, soit 95% de la partie du village habitée par les peuls, ont été détruits par incendie. Les dozos ont délibérément incendié plusieurs dizaines de cases et de greniers contenant des réserves de nourriture essentielles, et ont tué plusieurs dizaines de têtes de bétails. Le nombre de 410 habitations et de 80 greniers avancé par plusieurs sources semble être surestimé par rapport à la taille du village. Les dozos ont également souillé l’eau du puits du village, seule source d’eau potable, en y jetant les corps mutilés de deux hommes et une femme laissée pour morte qui a survécu. L’équipe a analysé l’état du puits et a constaté que l’eau était visqueuse et mélangée avec du sang et autres déchets.

Je tiens maintenant à souligner que les faits documentés et corroborés lors de l’enquête constituent des atteintes graves au regard du droit international des droits de l’homme, à savoir notamment :

a) des privations arbitraires du droit à la vie ;

b) des atteintes à l’intégrité physique et mentale, notamment des cas de blessures physiques infligées volontairement et des abus d’une cruauté significative ; et

c) des atteintes au droit à la propriété.

Je tiens également à souligner que ces graves abus des droits de l’homme constituent également des violations du droit pénal malien.

De plus, l’attaque planifiée, organisée, et coordonnée sur la partie peule du village d’Ogossagou s’inscrit dans un contexte d’attaques systématiques ou généralisées, en connaissance de cause, par des groupes de chasseurs traditionnels à l’encontre des populations civiles peules.

Ainsi, les abus documentés lors de l’attaque de la partie peule du village d’Ogossagou, pris dans leur contexte, pourraient être qualifiés de crimes contre l’humanité, si jugés par un tribunal compétent, en vertu du droit international pénal, particulièrement l’article 7 du Statut de Rome.

Pour conclure, je tiens donc à rappeler que les atteintes aux droits de l’homme constatées dans le cadre de cette enquête sont prohibées par le droit international des droits de l’homme et le droit national malien, et pourraient, si jugés devant un tribunal compétent, constituées des crimes contre l’humanité.

Questions /Réponses

Christelle Pire, France 24

Vous avez parlé d’armes de types militaires, d’armes lourdes, est ce qu’en dehors des kalachnikovs AK47, vous avez connaissance de preuve qu’il y avait d’autres armes ? Il y avait des rumeurs qu’il y avait des lance-roquettes, des grenades et même des tirs d’artilleries le matin, est ce que vous avez des preuves de ce genre de faits ?

Deuxième question, juste après ce massacre, certains avaient supposé un lien avec la milice d’An Amassagou, est ce que selon vous ce lien peut être avéré ? Est-ce que vous avez des preuves dans ce sens, ou à l’inverse, est ce que vous avez des preuves qui nient cette possible corrélation ?  

Guillaume Ngefa :

Merci pour vos questions. D’abord la première question sur l’utilisation d’autres armes lourdes, il s’agit des allégations que nous n’avons pas pu éventuellement corroborer. C’est vrai qu’il y a eu des témoignages qui disent qu’il y a des roquettes et autres mais l’enquête qui a été établie par la police scientifique de la police de la MINUSMA n’a pas pu effectivement déterminer cela. Et les douilles que l’équipe a pu récolter et analyser ne donnent pas cette piste.

Ce qui concerne le lien avec d’An Amassagou, on l’a dit, avant ces évènements, Dan Amassagou avait fait un communiqué de presse dans lequel ils annonçaient qu’ils prendraient des actions bien déterminées. Mais l’enquête que nous avons mené, ne détermine pas un lien direct avec ce groupe.

Massiré Diop, Journal l’Indépendant

Vous avez tantôt parler du communiqué de Dan Amassagou et puis le contexte de violences généralisées dans lequel cette attaque est intervenue. Pourquoi la MINUSMA n’a pas été à l’avant-garde pour prévenir le massacre qui a eu lieu à Ogossagou puisque la protection des civils fait partir également de son mandat ? 

Comme deuxième question, j’aimerais savoir s’il y avait un camp militaire proche du village ou bien une unité de l’armée qui pourrait intervenir pour prévenir ce massacre ?

Guillaume Ngefa :

En ce qui concerne le communiqué de presse de Dan Amassagou qui a été documenté comme toutes les déclarations qui sont faites par les acteurs aussi bien politiques et militaires au Mali qui sont suivis. Vous savez que la MINUSMA en raison de ce que je vous ai dit sur le nombre d’incidents suit à travers ses différentes divisions, toute la situation qui se passe dans le Centre du Mali. La Division des droits de l’homme avait déjà documenté et enquêté sur un certain nombre d’incidents, c’est pourquoi on vous a donné le chiffre de 37. Et les conclusions de ces enquêtes ont été partagées avec le Gouvernement, avec le Ministère de la justice dans le but justement de prévenir, de permettre aux autorités de prendre des actions appropriées. Lors de mes différentes missions surtout lorsqu’on a fait l’enquête de Koulongo, j’ai eu des entretiens avec les autorités militaires sur place et nous avons partagé les conclusions. En ce qui concerne le volet politique de ce que nous faisons, Madame Adamson pourra éventuellement partager avec vous ce que la hiérarchie de la Mission fait du travail que nous faisons au niveau des droits de l’homme. La prévention, oui ! tout ce que nous faisons, toute la question c’est de la prévention. Pourquoi la mission n’a pas prévenue cela ? n’oubliez pas qu’avant Ogossagou, il y a eu d’autres petits incidents (attaques) qui s’étaient passés dans les villages environnants et ces informations ont été bien documentées par le chargé des droits de l’homme et nous les partageons. N’oubliez pas que la responsabilité de la protection de la population civile revient d’abord à l’autorité malienne. Il nous appartient d’informer les autorités maliennes pour prendre les informations.

Pour savoir s’il y avait un camp militaire à côté, nous savons tout simplement est que dans le cadre du DDR entre guillemets, ces éléments ont été partagés dans trois sites. C’est pourquoi on a dit que la présence de ces éléments étaient connus par les autorités administratives et militaires locales dont certains dans le village d’Ogossagou. Nous supposons que les autorités étaient au courant de tout ce qui se passait dans ce sens. N’oubliez pas qu’au Centre du pays, il y a plusieurs attaques qui se passent au même moment. Et je pense que c’est là le défi auquel tout le monde est confronté. Au centre c’est de voir est ce que toutes les informations qu’on a, les déclarations qui sont faites par les différents acteurs, est ce que c’est véridique ou pas ? Mais l’essentiel en ce qui concerne la MINUSMA c’est la prévention. Madame Adamson va compléter. D’ailleurs le travail des droits de l’homme, l’analyse que nous faisons, c’est de la prévention. Et les conférences de presse dans lesquelles nous partageons le travail que les différentes unités ou divisions de la MINUSMA font dans leurs domaines respectifs, c’est aussi de la prévention.

Madame Joanne Adamson :

Je voulais d’abord revenir sur ce qu’a dit M. Ngefa sur les défis de pouvoir couvrir un tel territoire quand il y a plusieurs endroits où on a de la violence. Je vais aussi compléter quand on parle de la prévention et de la protection des civils, il y a plusieurs éléments qui puissent faciliter ces tâches. Il y a d’abord bien sûr la protection physique, la présence des forces, que ce soit la gendarmerie, les FAMa, la MINUSMA, qui que ce soit. Il y a aussi la dissuasion qui vient de la lutte contre l’impunité et les conséquences pour les auteurs de ces crimes c’est-à-dire la justice et les résultats qui viennent de la justice. Il y a aussi l’esprit de réconciliation entre les populations qui doit prendre en compte les causes profondes des évènements qui sont faits. Il y a une approche des autorités, c’est-à-dire dans le Centre le PSIRC et tout ce qui est lié au PSIRC c’est-à-dire une approche multidimensionnelle qui prend en compte les doléances et les défis dans cette région. Je sais quand on parle de la prévention, on parle seulement de la protection physique qui est très importante mais on dit quels sont les défis. Mais il y a ces autres aspects, réconciliation, justice et leadership multidimensionnel qui sont très importants, c’est pourquoi je dis qu’on a beaucoup d’espoir pour un nouveau gouvernement où il y a un rassemblement de tous les partis et de toutes les forces vives. Parce que beaucoup de gens ont dit que le Mali traverse un moment très difficile, c’est pourquoi je mentionne tous les aspects. Mais en parlant de ce que la MINUSMA a fait depuis Ogossagou, nous avons intensifié notre partenariat avec les forces de sécurité maliennes (la gendarmerie et les FAMa) pour voir si on peut être plus préparé et prévenir des attentats sur le terrain. De ne pas seulement réagir mais d’essayer d’avoir plus de renseignements sur ce qui peut se faire. Je veux souligner que c’est un partenariat avec les Forces maliennes y compris la gendarmerie. En avançant, nous devons continuer à mettre l’accent sur ce partenariat, comment nous pouvons faire face y compris avec les autorités nationales mais aussi régionales et locales pour créer une coalition pour combattre ces violences dans tous les aspects.

Donald N’goran, Alerte -Info

Vous avez dit tout à l’heure que les crimes commis pourraient être qualifiés de crimes contre l’humanité. J’aimerais savoir s’il y a des groupes d’auto-défense qui ont été ciblés à l’issue de l’enquête ou s’il y a eu des individus qui ont été à l’origine de ces attaques ?

Guillaume Ngefa :

Vous savez, les enquêtes de droits de l’homme ne sont pas des enquêtes criminelles. Il s’agit des violations, des obligations internationales souscrites par l’État. Ce que nous constatons sur le terrain, il s’agit tout simplement de la violation de ces articles, de ces principes, des violations graves. Si vous analysez ce que nous avons dit vous allez voir que les faits tels qu’ils ont été établis au terme de l’enquête peuvent constituer des crimes contre l’humanité si jugés par un tribunal compétent. Il s’agit là des éléments constitutifs d’une infraction bien déterminée, un crime international. L’élément le plus important ici, c’est d’abord la gravité de ce qui s’est passé. L’intention, la séquence et le fait aussi que ces crimes-là choquent la conscience nationale et internationale. Croyez-moi que les résultats de ces enquêtes seront partagés avec la justice malienne, les évidences (preuves) qui sont déjà préparées pour que la justice malienne fasse effectivement son travail. Et notre responsabilité, c’était justement de donner ces éléments en étant des enquêtes de droits de l’homme pour la justice malienne. On ne cible pas les gens, on fait des enquêtes sur les faits et lorsqu’on fait des enquêtes sur les faits il y a une relation qui est bien déterminée entre la victime et l’auteur et c’est ce que nous avons cherché dans ces enquêtes. Qui sont les victimes, qui sont les auteurs, comment ça s’est passé, … ?

Vous voyez on a posé la question de savoir si Dan Ambassagou était impliquée mais notre enquête ne le démontre pas. Notre enquête démontre tout simplement qu’il y a un groupe de chasseurs communément appelé dozos appuyés par des civils qui ont préparé une attaque, qui l’ont coordonné et qui l’ont mené et qui ont ciblé des personnes. Et c’est ces éléments-là qui vont permettre à la justice d’établir les responsabilités individuelles et collectives. C’était ça l’objet de la mission : identifier le présumé auteur. Maintenant il appartient à la justice malienne de savoir qui était le commandant, comment ça s’est passé, qui étaient les victimes ? Et nous allons aussi fournir la liste des victimes et un tel travail ne peut être fait que par la justice.

Drissa Togola, le Challenger

A cette date, est ce que vos enquêtes peuvent déterminer la provenance des assaillants par rapport à l’attaque d’Ogossagou ? En deuxième question, vous avez parlé d’usage des armes AK47, pensez-vous que ces armes peuvent être utilisées par les dozos ? et dernière question, est ce que vous confirmez que l’attaque a été réellement menée par les dozos ou par des individus habillés en dozos ?

Guillaume Ngefa :

La provenance des assaillants, oui. L’enquête a pu établir qu’il y a le groupe de personnes identifiées comme des dozos, des chasseurs traditionnels parce qu’ils étaient habillés comme des chasseurs traditionnels. Ils sont venus d’ailleurs et appuyés par des civils venant de villages environnants. Ça a été établi. Lors de notre interaction avec les différentes autorités civiles comme militaires et les témoins, cela a été établi. Par rapport à la provenance des armes AK47, pourquoi les dozos d’abord ? On vous a parlé de 37 incidents. L’année dernière, nous avons mené des enquêtes sur Koumaga. La Division mène donc des enquêtes et quand on voit le mode opératoire de cette attaque, comment ça été menée, c’est exactement le mode opératoire des individus qui sont apparentés si vous le voulez bien au dozos qui le font et qui sont connus. Et vous savez aussi que certains de ces incidents ont été déclenchés parce qu’il y a un groupe qui s’est attaqué à un leader dozos. Donc il y a des faits qui démontrent effectivement que dans cette relation de faits, d’attaques, de contrattaques et de représailles, effectivement a été établi. Quant à la question si les dozos utilisent des armes sophistiquées ou pas, je pense que ce débat est déjà dépassé. Vous savez, en Côte d’ivoire, les dozos étaient là, ils ont utilisé les mêmes types d’armes. Et les douilles que nous avons analysées, c’est-à-dire notre expertise balistique a démontré que ce sont ce type d’armes qui ont été utilisées aussi bien dans d’autres incidents que j’ai cité, Ogossagou, Koulongo Koumaga. Nous ramassons les douilles, on les analyse pour connaitre la provenance de ces armes, d’où ça vient et ça c’est plus facile à établir. Aujourd’hui, l’expertise balistique établit cela. Dans notre analyse nous avons aussi dit que tous n’étaient pas armés d’AK47, il y en a qui étaient armés de fusils traditionnels. Donc fusils traditionnels, AK47, les couteaux et autres objets contondants. Cela démontre effectivement qu’il y a utilisation de cela. Et enfin, vous n’êtes pas sans ignorer qu’il y a une circulation d’armes dans le Centre. On a vu que des civils sont allés déposer des armes auprès des autorités civiles dont le AK47, ça démontre quand même qu’il y a une présence de ce genre d’armes dans le Centre du pays. 

Madi Kebe, Journal le Jour

Après l’attaque d’Ogossagou, on a apprit beaucoup de versions par rapport à l’identification des assaillants. Au cours de vos enquêtes, est ce qu’il vous est arrivé de révéler qu’il y a eu infiltration de mercenaires venant d’autres localités ou d’autres pays ?

Après vos enquêtes, combien d’auteurs ont pu être identifiés ?

Guillaume Ngefa :

Beaucoup de versions, c’est tout à fait normal. La victime a sa version, l’auteur a sa version, l’opinion a sa version et l’objet de l’enquête justement c’est d’établir les faits. Donc la mission qui a été ordonnée par la MINUSMA était justement pour entre autres établir les faits. Et nous avons tenté de faire cet exercice d’établissement des faits que nous avons partagé avec vous. Les infiltrations, la présence de mercenaires étrangers et ou des gens qui parlent des langues, c’est vrai qu’on se réfère à l’expérience ivoirienne parce qu’il y avait les dozos, mais notre enquête en ce qui concerne Ogossagou n’a pas pu établir la présence de dozos autres que ceux qui viennent du Mali et les victimes elles-mêmes disent que ces dozos parlaient les langues locales. Certains de ces dozos ont été reconnus par les victimes parce qu’ils n’ont pas quand même tué tout le monde et les enquêtes que nous avons mené de façon approfondie ne donnent aucun indice sérieux qui peut démontrer qu’effectivement qu’il y avait une présence étrangère par les personnes qui ont attaqué Ogossagou.

Joanne Adamson :

Je voudrais ajouter que par rapport à cette question, l’importance de la justice et le processus judiciaire. Bien sûr la justice c’est pour éclaircir et il y a aussi un effet de dissuasion mais nous sommes en train de faire nos conclusions préliminaires. Mais pour que la justice soit faite, il faut qu’il y ait des liens qui soit établis comme a dit M. Ngefa entre victimes et auteurs. C’est en ce moment-là que la justice peut approfondir la connaissance de ce qui s’est passé par ce que notre rapport ne va pas donner l’identité des individus et je crois que c’est important de ne pas blâmer toute une population. Quand on parle de dozos, de dogons ou de peuls, dans la justice il est très important qu’on soit précis. Il est très-très important de poursuivre les enquêtes et de mener à des résultats sinon on risque d’enflammer les débats. On ne parle pas de cibler une population c’est pourquoi j’ai parlé tout à l’heure de dogons, de peuls, de sonrhaï, arabes et autres. C’est très important de rester précis dans le cadre judiciaire.

Massiré Diop, l’Indépendant

Est-ce que vous avez connaissance des auteurs qui ont été interpellés dans le cadre du massacre d’Ogossagou ?

Qu’allez-vous faire si l’Etat ne réagit pas après les résultats de l’enquête que vous lui fournissez ?

Christelle Pire, France24

Vous avez parlé de personnes en habits militaires, est ce que vous avez des preuves d’une possible collision avec les autorités ou avec des vrais militaires, ou est-ce que c’était seulement des habits militaires utilisés ?

Guillaume Ngefa :

Vous savez que dans le cadre des évènements d’Ogossagou, il y a une enquête judiciaire en cours, il y a des personnes qui ont été appréhendées. Ces personnes bénéficient de la présomption d’innocence et je n’aimerais pas commenter sur les personnes commenter sur des personnes qui sont sous dépôt judiciaire. C’est la justice qui va déterminer oui ou non s’ils sont coupables ou pas. Mais ce que nous avons identifié et ce que nous avons dit, ce sont des dozos en général.

Qui va établir leur commandement, comment ils sont organisés, qu’est -ce qu’ils ont fait, où est qu’ils ont pu avoir ces armes, pourquoi ils ont attaqué, çà c’est l’exercice judiciaire. Pour nous c’est l’auteur, la victime et on met un lien et  ça permet d’aider la justice à faire son travail.

Ce qui concerne la question des personnes habillées en tenue militaire, il n’y a aucun lien qui a été établi avec l’armée. Les tenues militaires, tout le monde les porte aujourd’hui. Il y a tellement de groupes armés aujourd’hui qui utilisent les tenues militaires qu’on ne peut pas faire un lien avec çà. Et vous avez aussi qu’il y a eu quand même des attaques contre l’armée malienne et en termes de ces attaques-là, les assaillants ont pu prendre non seulement prendre les uniformes et l’armement, etc. Ce que nous avons voulu simplement démontrer c’est ce que ce ne sont pas des militaires mais voilà les personnes qui ont été identifiées comme telles habillées en militaire. Même quand vous promenez à Bamako, vous voyez de temps en temps des jeunes habillés en tenue militaire.

Joanne Adamson :

Je crois que ce sera le dernier point de presse avant le mois de ramadan et je voudrais de ma part et de la part du leadership de la MINUSMA souhaiter à ceux qui sont là, les auditeurs et à monde un ramadan Karim, je pense que ça commence peut-être le 5 mai selon la lune. Je vous souhaite un mois de paix de ramadan.


Particulièrement des fusils mitrailleurs de type AK47/Kalashnikov.

Communément, il est référence à un processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) au centre du Mali.

Communiqué de Dan Nan Ambassagou du 20 mars 2019, signé par Youssouf Toloba, Chef d’Etat-major général du mouvement.

Chiffres officiels donnés par les autorités judiciaires régionales en date du 28 mars. Les autorités locales étaient présentes lors de l’enterrement des premières victimes le 23 mars (première fosse commune), puis les autorités régionales lors de l’enterrement des autres victimes le 24 mars (deuxième et troisième fosses communes).