Vers l’appropriation d’un instrument juridique international favorable aux femmes : la Résolution 1325 du Conseil de sécurité

4 novembre 2014

Vers l’appropriation d’un instrument juridique international favorable aux femmes : la Résolution 1325 du Conseil de sécurité

Depuis 2010, les Nations Unies en collaboration avec les organisations de la société civile organisent dans les pays en crise ou post crise des Journées ‘’Portes ouvertes’’ sur la Résolution 1325 consacrée à : « Femmes, Paix et Sécurité ». Le Mali, à travers les associations féminines, appuyées par la MINUSMA et les agences du système des Nations Unies, va lancer pour la première fois cette journée afin de faire, d’une part le point de la situation des femmes maliennes et de dégager, d’autre part les priorités d’actions relatives à la mise en œuvre de cette Résolution dans le contexte de crise qui caractérise le pays.

En prélude à cette importante manifestation auront lieu le 6 novembre et de façon simultanée à Mopti, Gao et Tombouctou, un débat sur la mise en application de la Résolution 1325 en termes d’obstacles, d’avancées, d’opportunités et de priorités des femmes au Mali. La session concerne toutes les catégories de femmes de toutes les régions du Mali, victimes ou affectées par les actes de violence.

 

La Résolution insiste sur le concept dit des trois 'P', à savoir prévention, protection et participation des femmes aux instances de prise de décisions. Les femmes ne sont pas seulement citées comme victimes de guerres et de conflits armés mais également comme des actrices de la paix et de la reconstruction. Reconnaitre ce rôle et ne pas marginaliser les femmes constitue une avancée majeure dans la résolution des conflits. La Résolution évoque à deux reprises la nécessité de protéger les civils, notamment les femmes et les enfants. Dans le cas du Mali ces groupes vulnérables ont payé un lourd tribut suite au déclenchent de la crise, notamment et surtout par les groupes terroristes. 

 

Au sujet de ces forfaits, l'Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Mali, Suliman Baldo, à l’issue de sa troisième visite au Mali entamée en octobre ; a appelé les autorités maliennes à « sortir de la culture des arrangements politiques » au détriment des victimes des violations des droits de l'Homme survenues depuis le début de la crise. L’Expert a plaidé pour une meilleure protection des populations civiles au Nord, en particulier les femmes et les enfants, rappelant ainsi la nécessaire application de la Résolution 1325

 

Présence des femmes dans les instances de prise de décisions 

 

Il existe un décalage entre les principes proclamés et les réalités du terrain. « Pour renforcer la présence des femmes dans les instances de prise de décision, il faut l’appropriation de la résolution 1325 par les femmes comme instrument de plaidoyer  avec l’actualisation du plan d’action » précise Mme Yaba Tamboura, Conseillère technique au Ministère de la femme, de l’enfant et de la famille et Point focal genre. Le plan dont il est question vise la mise en œuvre de la « Politique nationale genre » adoptée en 2010 avec l’appui des partenaires techniques. Ce document qui contient six orientations stratégiques doit être adapté à la situation actuelle à travers une dynamique accompagnée par tous les acteurs de la promotion de la femme au nombre desquels l’unité genre de la MINUSMA, l’ONU Femmes et le Fonds des Nations Unies pour la population.

 

C’est justement dans ce sens qu’est prévue la Journée ‘’Portes ouvertes’’ sur la résolution 1325 au cours de laquelle les femmes et différents acteurs de la promotion des droits des femmes et des filles, vont  évaluer l’état de la promotion des droits de ces catégories sociales et se fixer un agenda des priorités pour le futur. Cela se fera sur la base des données collectées lors de l’atelier de la fin du mois au cours duquel sera discuté le rôle de la femme malienne pendant la crise. La place des femmes dans les processus de médiation et de justice, les violences faites aux femmes et la participation politique des femmes sont les thèmes majeurs de cette session.

 

Parlant  du renforcement de la participation et de la présence des femmes aux instances de prises de décisions, la Conseillère et Point focal genre souligne la nécessité  de « mener des campagnes de sensibilisation visant à atténuer le poids des us et coutumes ainsi que des discours religieux qui vont au-delà de l’interprétation correcte des textes ».  Elle insiste par ailleurs sur la mise en œuvre effective de la Politique Nationale Genre comme opportunité qui produira des résultats escomptés pour un développement durable et harmonieux pour tous. « L’adoption d’une loi sur la question des quotas à l’Assemblée nationale, pourra augmenter la présence des femmes dans les instances politiques et de décision » ajoute-t-elle.

 

Pour elle, « le plafonnement des dépenses électorales, la lutte contre la marchandisation des votes, afin de favoriser l’égalité des candidats dans la compétition et l’émergence d’un vote d’opinion, plus axé sur les propositions et les bilans des candidats que sur leurs ressources financières  ou le statut du candidat » constituent des opportunités favorables à l’émergence des femmes dans les sphères de décision.  De son avis, cette lutte doit être avant tout par les femmes elles-mêmes, appuyées en cela par les hommes et les institutions partenaires. Une nécessité bien perçue par Conseil de sécurité qui a ainsi accordé une importance particulière à la prise en compte du genre dans le mandat de la MINUSMA.

 

Des progrès enregistrés dans la situation des femmes au Mali 

 

Quant à la situation des femmes au Mali, il existe des acquis qui ressortent aussi bien de la constitution, des textes particuliers, que de la politique appliquée par le gouvernement, appuyé par ses partenaires, dans le domaine de la promotion de la femme et de la famille. Cet appui des partenaires techniques et financiers dans le cadre de la coopération bi et multilatérale concourt à la réalisation de l’objectif d’équité du genre. Un principe reconnu depuis l’indépendance du Mali à travers un système constitutionnel qui pose le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes.  Le Mali a de plus souscrit à la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, à la Charte Africaine des droits de l’homme et des Peuples ainsi que de nombreux textes internationaux relatifs aux droits de la femme et à l’égalité entre hommes et femmes.

 

En outre, la Constitution accorde la prépondérance des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés sur les lois nationales. C’est dire donc que la Résolution 1325 bénéficie d’opportunités favorables à sa mise en application au Mali.  Pour  Maitre Saran Keita Diakité. Présidente du Réseau paix et sécurité des femmes de l’espace Cédéao/Mali, « l’importance que revêt les piliers de la Résolution 1325 est qu’ils prennent en compte l’ensemble des préoccupations liées à la promotion et à la protection des droits des femmes pendant et après les conflits ».

La femme malienne connaît en effet une diversité de situations qui détermine son niveau accès aux ressources productives, à la prise de parole et la  participation à la prise de décision ou encore aux opportunités économiques et sociales.

Mme Tamboura dénonce malgré tout « certaines pratiques coutumières et religieuses qui demeurent encore les références pour la gestion des rapports entre les femmes et les hommes dans la famille ». La prise en mains de la Résolution 1325 par les femmes et les décideurs permet de conférer un rôle plus important aux femmes dans le processus de paix, en les associant à la prévention de la violence et en leur donnant accès aux négociations de paix comme récemment à Alger.