Visite du Conseil de sécurité au Mali : la paix maintenant, mais sûrement

8 mars 2016

Visite du Conseil de sécurité au Mali : la paix maintenant, mais sûrement

 

Il est 21h30, ce vendredi 4 mars 2016 à l’Aéroport International Modibo Keita de Bamako Sénou, l’avion de ligne transportant la délégation du Conseil de sécurité, vient de s’immobiliser sur le tarmac, avec au bas de la passerelle : le Représentant Spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUSMA, M. Annadif, ses deux adjoints, M. Davidse et Mme Gasarabwe, ainsi que le Ministre malien des Affaires Etrangères, de l’Intégration Africaine et de la Coopération Internationale, M. Abdoulaye Diop. La mission marathon d’un peu plus de deux jours du Conseil de sécurité au Mali commence demain matin.

 

Conduite par l’Ambassadeur d’Angola, Président en exercice du Conseil de sécurité, M. Ismael A.G. Martins et par les Ambassadeurs de France et du Sénégal, François Delattre et Fodé Seck, co-présidents de la mission au Mali, la délégation de près de quarante personnes, a fort à faire durant ces quelques heures au Mali où chaque minute aura son utilité. Les 15 ambassadeurs des pays membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies doivent s’entretenir avec les plus hautes autorités du Mali, les parties signataires de l’Accord mais également, échanger avec les chefs des partis politiques, les représentants de la société civile et les partenaires du Mali. Autre activité majeure du séjour, une visite de terrain à Mopti et Tombouctou, afin d’évaluer le travail accompli par la MINUSMA et les attentes des maliens.

 

Samedi 5 mars au matin, il est 7h25. Accompagnés de Monsieur Annadif et de son adjoint M. Davidse, les 15 ambassadeurs, font leur entrée dans la Cité administrative, siège du Gouvernement malien, où ils ont un entretien avec le Premier Ministre, M. Modibo Keita. Initialement prévue pour durer une heure, cette entrevue avec le Chef du Gouvernement prendra quelques minutes de plus. Dans leurs différents mots au Premier Ministre, les Ambassadeurs salueront la chaleur mais aussi la promptitude de l’accueil qui leur a été réservé, illustré à travers la disponibilité du Chef de l’exécutif malien : « Nous sommes tout d’abord très honorés d’être reçus ici tôt ce matin. On voit très bien qu’au Mali, la vie commence tôt et la reconstruction se fait en commençant tôt. Et la paix aussi. Nous sommes très fiers de pouvoir écouter, écouter le peuple du Mali, écouter surtout les dirigeants du Mali, ce grand pays qui est dans une phase qui, nous le pensons, se doit d’être dépassée le plus tôt possible, » a déclaré le Président du Conseil, l’Ambassadeur Martins. En réponse à l’exposé de Modibo Keita,  François Delattre déclarera : « Le Conseil de sécurité a un message central en écho à ce que vous venez de dire : la priorité aujourd’hui est la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix, l’accélération de la mise en œuvre de l’accord de paix qu’il faut décliner dans l’ensemble de la réalité du Mali, y compris et d’abord, sur le terrain ».

 

 

Appréhender la situation à l’intérieur du Mali

 

Le ton est donné : « il faut mettre en œuvre l’Accord en commençant par le terrain ! » Liant le geste à la parole, au sortir de la Primature, la délégation a pris le chemin de l’aéroport, où l’attendait une autre délégation de responsables maliens, pour justement, les accompagner à Mopti puis à Tombouctou… sur le terrain.

 

A Mopti, lieu de brassage de cultures, carrefour entre les parties nord et sud du pays, de 10h30 à 13h00, les membres du Conseil de sécurité ont rencontré, au camp  de la MINUSMA, les autorités régionales administratives, politiques et militaires, en les personnes de M. Boukary KOITA, Directeur de cabinet du gouverneur mais aussi du Commandant de la 6ème région militaire du Mali ainsi que des Commandants des Forces de Sécurités du Mali sur place. Ensemble, le haut fonctionnaire et l’officier supérieur présenteront la situation sécuritaire qui prévaut à Mopti, en soulignant les défis auxquels font face les forces de sécurité. La situation de la région a également fait l’objet d’une présentation mais cette fois-ci par M. Marc Spurling, le Chef de Bureau de la MINUSMA à Mopti. Au cours de la rencontre, le Président du Conseil expliquera la présence de la délégation ainsi : « Nous sommes venus ici au Mali pour voir ce qui se passe et voir ensemble comment aller de l’avant. C’est tout le Conseil de sécurité qui est avec vous aujourd’hui ». En réponse, le Représentant du Gouverneur affirmera ceci : « Nous sommes heureux de vous recevoir ici car depuis 2012, le Mali a été pris à bras-le-corps par le Conseil de sécurité. Le Mali est reconnaissant au Conseil de sécurité ».

 

 

C’est dans une ambiance chaleureuse et empreinte d’espoir, que le tout Tombouctou a reçu au gouvernorat de la Région, ‘’sous le soleil ardant de 14h00’’, le Conseil de Sécurité des Nations Unies et les responsables de la MINUSMA. Les chefs traditionnels et religieux, parmi lesquels les trois imams les plus importants de la Cité des 333 Saints. « Tombouctou est une ville ancienne et historique porteuse de valeurs importantes comme la tolérance et la paix et nous sommes venus ici, aujourd’hui, pour rencontrer les défenseurs de ces valeurs » a déclaré le Président Martins à son arrivée. S’adressant aux hautes personnalités de la région, l’Ambassadeur F. Delattre, de la France, a fait savoir que les Nations Unies continueront à soutenir les maliens dans la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix, une chance qu’il a qualifié d’historique. «Nous sommes là pour vous écouter. Ecouter vos priorités et vos défis, ici sur le terrain » a-t-il expliqué.

 

Dans la cité mystérieuse, tous les interlocuteurs ont fait remarquer la détérioration de la situation sécuritaire de l’ensemble de la région, avec l’augmentation des attaques terroristes et du banditisme. Ils ont souligné la nécessité d’accélérer le processus de DDR et la mise en œuvre de l'Accord. D’autre part, toutes les autorités administratives ont salué la création de la région de Taoudénit comme étant une étape positive dans la résolution de contentieux locaux et, plus globalement, dans le processus de paix et de décentralisation. Le Gouverneur de Tombouctou, M. Adama Kansaye, a exprimé sa satisfaction envers le Bureau régional de la MINUSMA pour la coopération franche et étroite et, en particulier, pour avoir récemment facilité les premières réunions depuis 2012, entre les groupes armés et les FAMa.

 

Les membres du Conseil de Sécurité de l’ONU ont continué la visite dans la ville des 333 Saints au Bureau Régional de la MINUSMA. Riccardo Maia, le Chef du Bureau a à son tour rappelé le contexte sécuritaire de la région de Tombouctou. Il a lancé un appel afin que la MINUSMA ait des moyens plus flexibles pour répondre plus vite aux besoins du terrain.

 

 

Avant de rentrer à Bamako, la délégation s’est entretenue avec les représentants de la société civile de la région qui ont également exprimé leur souhait de voir la paix revenir très vite à Tombouctou. 

 

Il est déjà 17h30 et le soleil commence à se coucher derrière les dunes de Tombouctou. A l’aéroport international de Tombouctou, l’avion spécial est prêt à redécoller pour Bamako où se poursuivra deux heures plus tard ce marathon qui est loin d’être terminé.

 

 

Les échanges se poursuivent avant le bilan

 

Sur Bamako, la nuit est définitivement tombée mais l’heure du repos n’a pas encore sonné pour les diplomates qui s’apprêtent à entrer en réunion autour de la question humanitaire. A l’hôtel Salam, le Président et ses collègues vont entamer une réunion d’une heure avec le Chief Security Adviser d’OCHA. S’en suit un cocktail dinatoire avec les membres du gouvernement et l’ensemble du corps diplomatique accrédité au Mali, afin de poursuivre les échanges et continuer à prendre la mesure de la situation politico-sécuritaire au Mali.   

 

 

Le dimanche 6 mars, pendant que l’équipe de nuit de l’hôtel Azalaï Salam se retire pour laisser place à celle du jour, les Ambassadeurs Martins, Seck et Delattre ainsi que les 12 autres Ambassadeurs, commencent leur deuxième journée au Mali. Au menu, rencontre avec l’ensemble des acteurs du processus de la crise : la Médiation internationale, les Ministres en charge de la gestion de la crise, les partis politiques de la majorité et de l’opposition, la société civile à travers notamment les associations de femmes, les anciens groupes armés, mais également le leadership de la MINUSMA et ses partenaires que sont EUTM, EUCAP et Barkhane. C’est avec ces derniers, à 7h00, qu’a lieu la première séance de travail. Au total, une douzaine de réunions, un déjeuner de travail, une audience avec le Président de la République et une conférence de presse rempliront cette journée qui ne prendra réellement fin qu’aux alentours de 23h00.

 

 

Aux environs de 20h00, la salle Union Africaine du Quartier Général de la MINUSMA, a accueilli la conférence de presse. Devant près d’une vingtaine d’organes de presse, les membres du Conseil de sécurité ont expliqué les raisons de leur présence et fait le bilan de leur visite au Mali. Les diplomates onusiens ont également répondu aux questions qui brûlent les lèvres des maliens, comme celle posée par Célia D’Almeda du Journal du Mali l’Hebdo et Journal du Mali.com, relative à la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, ou encore celles de Baba Dembélé du Canard déchainé et de Boubacar Sidibé du journal Le Prétoire, relatives aux dispositions prises pour lutter contre le terrorisme. A la première question, le Président Martins expliquera qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Pour illustrer son point de vue, il utilisera l’allégorie de l’enfant : « vous savez, quand votre enfant vient d’apprendre à marcher, il ne faut pas le faire courir, autrement, il va tomber et se faire mal », a-t-il répondu à la journaliste.

 

A l’autre préoccupation majeure qu’est la lutte contre le terrorisme, l’Ambassadeur Delattre rappellera la fonction première de la Mission qui est la protection des civils : « Et qui dit protection des civils, dit bien sûr protection des civils contre en particulier la menace terroriste », mais également les partenaires du Mali et de la MINUSMA au premier rang desquels l’opération Barkhane qui selon lui est une opération sans précédent récent et qui « couvre un territoire plus large que l’ensemble de l’Europe de l’ouest et qui a pour objet de casser les routes, les voies de circulation, la capacité de manœuvre en particulier des groupes terroristes qui au-delà même du Mali cherchent à agir sur l’aire géographique du Sahel. »

 

La conférence de presse sera donc la dernière activité officielle de la délégation durant ces 57 heures et 30 minutes de présence au Mali. Dès 7h30 le lendemain, le Président Martins et ses collègues ont pris le chemin de la Guinée Bissau puis celui du Sénégal avant de rentrer à New-York dans le courant la semaine. Cette visite aura été, de l’avis de nombreux observateurs, un point d’orgue dans le processus de paix et de réconciliation au Mali. Elle vient confirmer, à quelques semaines du forum de Kidal, le soutien de la Communauté internationale au rétablissement de la paix, de la sécurité et à la reconstruction du Mali.