Droits de l'Homme: mission d’évaluation à Tombouctou

2 février 2017

Droits de l'Homme: mission d’évaluation à Tombouctou

En mission dans la région de Tombouctou du 26 au 30 janvier, le représentant du Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme au Mali, également Directeur de la Division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA, Monsieur Guillaume Ngefa, a tenu une série de rencontres avec le gouverneur de la région, les autorités militaires, judiciaires et religieuses de la cité, ainsi que les représentants des associations de victimes. Objectif : s’imprégner de certaines questions critiques liées à la situation des droits de l’homme dans la région.

 

 

Le directeur de la Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la MINUSMA a rendu une première visite au gouverneur de la région de Tombouctou le 27 janvier. M. Adama Kansaye a ainsi opiné sur la situation générale en matière de sécurité et son impact sur les droits de l'homme dans la région. Le gouverneur s’est dit particulièrement inquiet de la difficulté de l'État à se déployer dans certaines zones que M. Kansaye qualifie de « non-loi et de non-droit».
Sur le terrain, le chef des droits de l’homme de la MINUSMA dit avoir constaté énormément de défis caractérisés par des attaques contre les civils, les forces armées maliennes, les humanitaires et les forces onusiennes. « Certaines constituent des crimes de guerre, d’où l’importance de cet exercice d’évaluation de la situation des droits de l’homme dans la région afin de documenter ces cas. Le grand défi, c’est de distinguer les attaques attribuables aux groupes armés extrémistes ou aux bandits », a déclaré Monsieur Ngefa.
 
Poursuivant les entretiens avec les autorités, Guillaume N'Gefa a par la suite rencontré le Commandant militaire régional des Forces armées maliennes (FAMa). Le colonel André Koné a exprimé des inquiétudes sur des allégations de violations des droits de l'homme. De son côté, M. Ngefa a insisté sur la nécessité d’aboutir à la mise en œuvre de la Politique de diligence voulue en matière de droits de l'homme. Celle-ci vise à éviter que l’Organisation des Nations Unies n’apporte son soutien à des forces de défense ou de sécurité ayant commis, ou étant susceptibles de commettre, des violations des droits de l’homme.
 
 
La situation des victimes au cœur des débats
 
Dans le cadre de cette mission de quatre jours, M. Ngefa a donc rencontré le 28 janvier 17 représentants de sept associations de victimes de Tombouctou et de Taoudéni, dont neuf femmes, afin de discuter de la situation des victimes de violations des droits de l'homme et des perspectives de leurs associations dans la région.
 
 
Dans son propos liminaire, le Directeur de la DDHP a rappelé aux participants leur rôle dans la construction de l’histoire post-crise du Mali. « Le rôle joué par les associations de victimes au cœur de la justice transitionnelle contribuera à la recherche de la vérité ainsi qu’à la non-répétition des violations des droits de l’homme commises durant l’occupation de Tombouctou », a-t-il dit, en insistant sur une meilleure planification de leurs activités.
 
 
Les responsables d’associations ont de leur côté déploré le manque de disponibilité des services de prise de charge matérielle et psychosociale. Ils ont évoqué, entre autres, des difficultés significatives d’accès à la justice et le manque d’information sur les politiques étatiques en matière de justice transitionnelle et les procédures en cours, notamment pour les victimes vivant dans les localités les plus reculées. D’après Garba Maiga, président de l’Association des Victimes de la Répression des Mouvements Armés (ADEVRMA), le sentiment d’impunité persistant nourri par la peur de représailles et la crainte de stigmatisation, sont des facteurs qui découragent la saisine des juridictions par les victimes.
 
 
M. Ngefa a encouragé leur participation au processus de prises de dépositions par l’antenne régionale de la Commission vérité Justice et Réconciliation (CVJR). Le bureau de la DDHP à Tombouctou apporte à cette dernière un soutien technique « pour que les collectes, les dépositions et les témoignages puisse être faits dans le seul intérêt des victimes», a souligné M. Ngefa.
 
 

 

Des projets générateurs de revenus pour aider des victimes
 
De ces discussions, il en est ressorti que les associations de victimes doivent pouvoir se joindre aux missions du Bureau de la DDHP de Tombouctou, en vue de la redynamisation de leurs activités dans les autres cercles de la région. Le bureau de Tombouctou continuera aussi à les appuyer techniquement et à renforcer leurs capacités opérationnelles, à travers les projets en cours.
 
 
Deux projets générateurs de revenus au profit de certaines associations locales de victimes sont actuellement en cours de réalisation dans la région. D’autres associations ont déjà bénéficié de projets similaires financés par les Nations Unies dans le cadre de projets à impact rapide. A ce sujet, M. Ngefa a exprimé sa satisfaction après avoir visité certains d’entre eux, notamment le projet maraîcher au profit de l’association féminine Gomni Kondeye.
 
 
Au dernier jour de la mission, l’administration de la justice et les différents défis auxquels les autorités maliennes sont confrontées dans la lutte contre l'impunité ont fait objet d’échanges avec le substitut du procureur de Tombouctou, Amadou Coulibaly. Mettant l’accent sur les cas auxquels s’intéresse son bureau, Guillaume Ngefa a salué la coopération entre son Bureau et le Ministère de la justice et des droits de l'homme. Monsieur Ngefa a également eu des échanges fructueux avec le grand imam de la Mosquée de Djingarey Ber sur la situation des droits de l'homme dans la région.
 
 
Avant de repartir vers la capitale malienne, M. Ngefa a effectué une dernière session de travail avec son équipe dans la cité des 333 saints. Au cours de cette réunion, il s’est surtout intéressé à l’état d’avancement des activités du bureau et aux difficultés rencontrées sur le terrain. « En raison de l’évolution de la situation sécuritaire, nous avons jugé nécessaire d’adapter nos activités et stratégies d’interventions », a conclu Ngefa.