Les retombées du Festival du Vivre Ensemble de Tombouctou

15 février 2018

Les retombées du Festival du Vivre Ensemble de Tombouctou

Du 10 au 12 février 2018, s’est tenue à Tombouctou, avec l’appui du Bureau régional de la MINUSMA, la deuxième édition du "Festival du Vivre Ensemble". Pendant trois jours, Tombouctou a vécu au rythme des débats citoyens, des prestations musicales d’artistes de renommés nationales et internationales, de visites touristiques, de foires-expositions et d’un tournoi de football. Près de 17.0000 personnes issues de toutes les communautés des régions de Tombouctou et de Taoudénit ont participé à cet évènement majeur, qui visait à promouvoir la cohésion et la paix mais également, le relèvement de l’économie locale. 

« Notre seule combat doit être l’unité de notre pays, l’amour entre les fils d’un même pays et le développement de cette ville. J’ai la conviction, que cette ville hébergera des milliers d’étrangers qui viendront chercher richesse et savoir comme ce fut dans le temps, » a souligné le Ministre de la Formation Professionnel, Maouloud Ben Khatra, lors de son discours d’ouverture du festival.

Un brassage communautaire pour pouvoir  revivre ensemble

Le conflit de 2012, a détérioré le tissu social,  la méfiance s’est installée entre les communautés et la peur de l’exclusion s’est répandue.

Il fallait donc que les communautés se parlent, qu’elles dialoguent, afin de retrouver cet art du vivre ensemble qui depuis des siècles est l’identité de la ville et de la Région de Tombouctou. Deux débats ont ainsi été organisés à l’Auberge du Désert et à la Mairie de Tombouctou. L’un sur " le rôle des leaders communautaires et des élus dans le cadre de la cohésion sociale et du vivre ensemble"  l’autre relatif au " rôle des jeunes dans la lutte contre l’extrémisme violent ". 

Plusieurs artistes se sont produits au cours de concerts mémorables au stade municipal. Parmi eux des ambassadeurs de la région dans le monde entier : Zicozi, Lodia, Vieux Farka Touré, Khaira Arby, Oumar Konaté ou encore Kader, ont permis de faire de ces retrouvailles, une véritable fête populaire.

Ces différentes activités qui ont mobilisé, dans leurs diversités, toutes les communautés de Tombouctou et Taoudénit,  traduisent leur aspiration commune à la paix et à la réconciliation nationale. Un motif de satisfaction pour Baba Moulaye, le Président du Forum des Organisations de la Société Civile de Tombouctou qui s’en félicite : « que ce soit aux débats, aux concerts, ou à la foire, les communautés, sans distinction étaient ensemble. Ça me fait chaud au cœur de voir qu’on est avec toutes ces communautés en train de parler de la sécurité, de la paix, du vivre ensemble et du pardon. C’étaient de véritables retrouvailles, des moments d’échanges ! »

Les jeunes de Tombouctou n’ont pas manqué de montrer leur satisfaction devant une telle initiative qui leur a permis de se détendre sainement, voir même de se défouler : « depuis la crise, c’est la premier fois que j’assiste à un concert de ce genre, avec la participation de toutes les communautés, jusqu’à 2h00 du matin, c’est vraiment un signal fort du  retour de la paix dans notre pays ! » s’est réjoui Jamula Hamoudi, habitante de Tombouctou.

Le sport est l’un des meilleurs vecteurs de rassemblement et d’intégration. Ainsi, en marge de ce festival, le bureau de l’information publique de la MINUSMA avec la direction du festival a initié un tournoi de football. Cette compétition a permis de rassembler quatre équipes mixtes de différents grains de jeunes, à travers les huit quartiers de la ville les 7 et 8 février au Lycée Mahamane Alassane Haidara et dont la finale s’est déroulée le 12 février au stade municipal, lors du festival. « Je suis envahi par l’émotion, cars nous avons joué dans un cadre très particulier, celui du vivre ensemble. Nous voyons que toutes les communautés sont représentées, cela est un signe de paix et un pas en avant! Peu importe qui remporte la coupe, c’est la paix qui gagne, » a martelé Mohamed Ag Mohamed, Capitaine de l’équipe vainqueur. 

 

Rappeler aux  jeunes leurs cultures et renouer avec un passé glorieux 

Au cours de son histoire, Tombouctou a connu plusieurs occupations, notamment touareg, marocaine et peuhl. Chacun de ces peuples est venu avec ses traditions tout en s’acceptant mutuellement, pour vivre ensemble en parfaite cohésion. Les populations ont toujours vécu  au rythme de grandes manifestations culturelles, religieuses et artistiques, dans une société où l’éducation du futur adulte n’appartenait pas qu’à sa seule famille mais, à la communauté entière.

Tombouctou est considérée comme la capitale intellectuelle et spirituelle et un centre de diffusion de l'islam en Afrique aux XVe et XVIe siècles. Classée en 1988 au patrimoine mondial de l'U.N.E.S.C.O. et en juin 2012 au patrimoine mondial en péril, avec ses trois grandes mosquées Djinguereber, Sidi Yehya, Sankoré, ses nombreux mausolées, ainsi que ses manuscrits anciens qui traitent de nombreux sujets et disciplines scientifiques.

La visite touristique guidée par Salem Ould Alhaje, écrivain et historien de la ville, a permis aux jeunes et aux participants venus de Bamako, de découvrir l’histoire de ces grands hommes et femmes, qui ont fait Tombouctou. « Cette visite nous a permis de comprendre le vécu de notre ville et de tous ses milliers d’hommes qui sont venus d’ailleurs. Ils  ont été acceptés dans leur diversité à cause du vivre ensemble. Aujourd’hui c’est ce qu’on doit faire comprendre au monde entier, » a déclaré M. Mohamed El Moctar, le Ministre de la Réconciliation nationales l’un des invités d’honneur de cette édition. 

Un coup de pouce appréciable à l’économique locale

Pour appuyer le relèvement de l’économie locale, véritablement asphyxiée par l’insécurité sur les principaux axes routiers de ravitaillement, une foire-exposition a été initiée au stade municipal par la Mairie et la chambre de Commerce. Cette initiative a réunie des commerçants et des artisans, qui ont littéralement cassé les prix de leurs articles pour en faire profiter les clients. « Nous n’avions jamais organisé une foire d’une telle ampleur. Plusieurs jeunes ont bénéficiers d’emplois temporaires, notamment des charretiers, des manouvres. Nous  les commerçants, nous avons réussi à liquider nos articles, certains même ont épuisé leurs stocks, » a certifié Abdoulaye Aldjoumat Cissé, le Président du  Syndicat des Commerçants Détaillants de la cité mystérieuse.

Les retombées économiques de cette activité ont également profité aux hôteliers, aux guides touristiques ainsi qu’aux transporteurs. Seydou Baba Kounta, guide touristique, y a trouvé son compte : « j’ai acheté un véhicule Toyota pour le transport, faute de marchés, ce véhicule est parqué depuis juin 2017. Aujourd’hui, la tenue de ce festival m’a permis de reprendre mon activité et d’avoir une rémunération pour assurer certains besoins quotidiens de ma famille, » explique-t-il.